Montreal s'amuse, Montreal s'éclate
Il ne m’a jamais été facile de me rendre à Montréal. Une malédiction, sans aucun doute, celle d’un karma où j’ai dû écraser un orignal avec mon «char» dans une vie précédente. Il y a deux ans, un «tour de reins» m’avait bloqué la veille du départ ! L’an dernier après une «escale technique» impromptue à Munich, une correspondance ratée à Dusseldorf, un saut de puce à Bruxelles, j’avais mis 38 heures pour arriver au Mondial des Jeux. Cette année, avant partir le vendredi 21, je me suis soigneusement préparé à affronter les aléas du direct. J’avais bien raison ! Défaut d’AVE, un nouveau «visa» obligatoire pour nous rendre chez nos cousins, sorti du chapeau comme par un coup de baguette magique. 3 voyageurs esseulés (dont moi !) virent, au pied de la passerelle, l’avion décoller sous leurs yeux, emportant leurs rêves d’une poutine bien grasse à l’arrivée. C’est donc le dimanche matin, après avoir pris un nouveau billet, que je me suis re-pointé à l’aéroport de Nice, confiant, le fameux AVE en poche ! Las, une alerte au colis abandonné fit fermer l’aérogare, les démineurs débarquant pendant que je regardais l’heure tourner, n’ayant que 50mn pour changer à Zurich de terminal. Miracolo... L’avion de Montréal ayant un retard, j’ai dû être un des derniers à monter dans la carlingue, m’asseoir, et attendre gentiment que l’hôtesse (au demeurant charmante) vienne renverser sur mes bijoux de famille (les gosses en Québecois !), un café bien brûlant qui me fit hurler comme un cochon que l’on ébouillante. J’envisage du coup de devenir végétarien ! Mais bon, à la guerre des jeux comme à la guerre, je suis à Montréal et le monde à les yeux fixés sur ce Mondial des Jeux où je souffre avec constance en marchant les jambes quelques peu écartées par une cicatrisation bien trop lente de mes tissus intimes carbonisés.
Et disons-le tout de suite, en cette année 2017, enfin, la magie opère. Depuis 2012, Gilbert Rozon, le boss charismatique de Juste Pour Rire et inamovible jury de «La France a un incroyable talent», m’avait confié la mission de mettre sur pied un Mondial des Jeux s’inspirant du Festival des Jeux de Cannes sur la période juillet du Festival. L’histoire a balbutié, les éditions se sont enchaînées, avec leurs joies et l’immense difficulté de créer un évènement dans un pays hors norme, où tout est grand, immense, et où l’entreprenariat s’apparente aussi à une jungle où tous les coups sont permis.
C’est aussi l’histoire de belles rencontres. Stephane Yannako pour la première édition cataclysmique, un homme adorable et plein d’énergie, un grand enfant attaché à bien faire, mais démuni devant la machine impitoyable de JPR. Puis il y eut Arman Afkhami, un jeune producteur de talent, bourré d’idées et de passion qui vola en éclat sur les réalités d’un Mondial impossible, mais retomba sur ses jambes dans la machine «commandite» de JPR. L’an dernier, en 2016, c’est Guillaume Degré-Timmons, un jeune et talentueux producteur qui s’y attela pour faire le sale boulot avec Julien Vaillancourt-Laliberté comme administrateur (quels noms quand même !). Remettre les finances à plat et repartir d’un bon pied. Ils réussirent leur pari et livrèrent enfin une édition «rentable» même si cela avait du passer par un certain appauvrissement du contenu du projet. Depuis, il a crée sa société, jeune entrepreneur symbole de ce Québec où tant de choses sont possibles et est devenu un partenaire indispensable du Mondial des Jeux. Pendant ce temps, du haut de ces buildings futuristes de la Place des Arts de Montréal, des siècles de jeux me contemplaient en rigolant !
Et Patrick Rozon, (dans la famille Rozon, je voudrai le neveu !) arriva enfin. C’est Gilbert, qui profitant du travail remarquable qu’il avait mené sur Zoofest (un festival de jeunes atypiques, prises de risque maximum pour évènements coups de coeur) lui confia les rênes du MDJ. En France, en cette période troublée d’élection Jupitérienne, cela aurait pu s’apparenter à du népotisme, style job d’assistant parlementaire pour enfant de député !
Quelques skype en automne, des notes échangées et le «mentor» que je tentais d’être depuis 4 ans, vit débarquer en février à Cannes pour le Festival des Jeux, un grand olibrius, le verbe haut, Québecois jusqu’au bout des ongles, faconde et belle humeur, brassant l’air et le rire en panache. Mais derrière cette attitude, il y a avant tout, un homme qui comprend vite, manager d’équipe, intelligent, finaud, vrai et talentueux successeur d’un Gilbert aspiré par les planches et une carrière (brillante disons-le !) d’acteur de one man show ! Et le couple (non sexué) Patrick/Bernard se mit à fonctionner pour le plus grand bonheur des finances de Juste pour Rire et des joueurs alléchés par ce ramage et ce plumage d’un tandem qui tirait une édition 2017 enfin à la hauteur des enjeux du jeu ! La rue en folie, un travail spécifique avec les séniors, un concept jeu/humour adapté à des tournois, une grande veillée des «Loups garous de Thiercelieux» avec Philippe Des Pallières et Hervé Marly, les auteurs de ce jeu mythique, une panoplie de tournois nouveaux genres, l’Espace créateur Loto-Québec..., une dynamique réelle comme un foisonnement pas toujours controlé mais tellement porteur et efficace !
Avouons-le, ce ne serait pas le Mondial des Jeux du 375ème anniversaire de Montréal à la hauteur de mes engagements lointains (le meilleur du monde !). Ce n’est pas le plus grand festival de tous les temps, mais les ingrédients sont enfin réunis pour que le bébé jeu de Montréal grandisse et s’épanouisse vers une adolescence heureuse. Encore un petit effort, une équipe un peu plus solide à structurer, une intégration des acteurs locaux du jeu plus poussée et je prends date pour l’avenir : le Mondial des Jeux sera le plus grand évènement ludique du continent de Donald Trump et la destination d’été incontournable de ceux qui aiment jouer sans contrainte.
Alors oui ! Merci à Gilbert Rozon d’avoir cru en ce Festival. Je me souviens de sa tête quand il avait découvert la salle du Palais des Festivals de Cannes avec 1000 scrabbleurs. J’ai encore au fond de la gorge, le jour de notre rencontre en un mois de février du siècle dernier à la bourse Rideau, le gout âcre de quelques rasades d’un breuvage indéfinissable ingérées dans une corne de buffle au carnaval de Québec, par moins 30° devant des traineaux surchargés de jeunes filles dénudées dérapant dans la neige et une fanfare jouant de la trompette avec des moufles ! J’ai encore en moi sa déception des années précédentes devant les difficultés à créer ce Festival des Jeux. Tu ne l’as pas encore tout à fait ton Festival, mon Gilbert... mais Patrick Rozon, Julien, son équipe, Guillaume et Tim:Tom, Anthony et le Valet de Coeur, Shady, Simon et tous les autres sont bien présents pour que, dans un avenir proche, tu puisses contempler ton oeuvre et dire tout haut, le bien que tu penses tout bas de nos efforts ! Allez, Gilbert, encore un effort pour être révolutionnaire et on l’aura notre MDJ à faire pâlir tous les pisses froids qui ne croyaient pas en notre rêve !
Et bien sûr, Montréal c’est aussi la ville des festivals et des spectacles dans un foisonnement incroyable. Et de ce point de vue, on a été gâté. Un surprenant Rêveurs Définitifs avec Eric Antoine à la baguette envoutant à souhait qui fera fureur dans les tournées en Europe, un Joel Legendre attachant dans un parcours de vie ou même un Français peut entrer en résonance avec son univers de star cathodique, des one man shows, des défilés, de l’humour, de la passion et des rues où tout le monde joue à se faire plaisir... Et elle est pas belle la vie ?
PS : Quand à moi, si d’aventure ils souhaitent me garder quelque temps encore, c’est en bateau que je viendrai l’an prochain...