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Dernier Tango à Buenos Aires.

Publié le par Bernard Oheix

Le taxi jaune et noir fonce dans la nuit de Buenos Aires. Il nous a accepté et nous nous y sommes entassés à 5. Le conducteur dégage une forte odeur de lotion après rasage et il a un beau visage brun en lame de couteau. Il n’est supporter, ni du Boca juniors, ni du River Plate mais joue au golf. Il monte le son d’une station de radio qui diffuse de la musique américaine et appuie sur l’accélérateur. Les grandes avenues défilent, bordées de tours lumineuses et d’enseignes gigantesques qui trouent la nuit. Dans la perspective de l’avenue, l’obélisque gigantesque de l’avenue de Mayo projette un faisceau lumineux dans le ciel où flotte un nuage gris. Sur un kakemono, s’étalent les lettres «El amor san nada», sans doute un message lancé aux «portenos» pour défier la morosité d’un temps de troubles et d’incertitudes. C’‘est peut-être la première fois que je ressens avec violence l’attirance de cette ville si étrange qu’elle ne se laisse point aborder avec facilité. Il faut sans doute mériter Buenos Aires et pour ce faire, abandonner ses certitudes !

Avouons que depuis notre retour de Bariloche et cette 5ème nuit dans un bus, dans l’impatience malgré tout de notre retour en France, la Capitale Fédérale a mis le paquet pour nous séduire !

Une chaleur intense, délicieuse, forte, ultime rafale avant de retrouver les frimas européens de l’hiver, nous y attendait. Mon amie Marie Laure, en stage longue durée de tango, nous avait trouvé des chambres au Grand Hôtel d’Espagne dans le centre, à deux pas de la Casa Rosada, prix négocié à 8€ par personne défiant toute concurrence.

Mon autre ami Argentin, l’artificier Gaston Gallo de la firme Jupiter, vainqueur de la Vestale d’Argent des Feux d’Artifices de Cannes, de Las Vegas où il se trouvait pour une convention, nous avait organisé une sortie mémorable à la «Bombonera» avec son fils Nico pour un match explosif entre le Boca Juniors et les Old Boys, titre possible en jeu !

Incroyable sensation de puissance, quand, pénétrant dans l’enceinte bondée, les chants de 50 000 personnes montent vers le ciel, ricochent dans l’arène, donne un volume sonore d’une beauté sauvage au stade qui sombre dans la nuit. Incroyable match, où le Boca, perdant 2-0, les supporters jusqu’à la fin, soutinrent malgré tout leur équipe, encourageant leurs joueurs sans faiblir par des chants mélodieux et puissants... Et au coup de sifflet final, pendant 5 minutes, tout le stade chantera à gorge déployée malgré la défaite. Comme si dans cette passion folle du football, au fond, les «socios» acceptaient l’échec et n’en voulaient pas à leurs joueurs. Comme si, devant la victoire plus que tout désirée, on en acceptait pas moins la défaite... Comme si on avait compris que le sport est un jeu de passions extrêmes, mais n’en reste pas moins qu’un jeu !

Le lendemain, départ pour le delta du Tigre. Imaginez une Venise champêtre, grande comme la moitié des Pays-Bas, des centaines de «rio» confluants pour dessiner une carte torturée où l’eau et la terre se confondent, s’entremêlent, où les frontières entre le liquide et le solide sont si ténues que parfois, on ne les discerne plus !

C’est cela le «Tigre», dans un bateau de bois au moteur ronflant, filant au niveau de l’eau chargée de terre ferrugineuse, entre les pieux des embarcadères, les jardins verts luxuriants et les maisons montées sur pilotis, de la plus luxueuse des résidences à la cabane de pêcheurs rudimentaire. C’est un univers totalement inversé, deux fleuves immenses, l’uruguay et le Parana s’unissant pour former le Rio de Plata en domptant la terre et imposer un monde aquatique, remettre l’humain dans son élément originel et adapter la vie à ce courant qui transcende la nature.

Et de retour dans la soirée, virée avec Marie-Laure et Mathias, son Argentin de coeur et partenaire de danse, dans le Buenos Aires «by night», pour une «Milonga» authentique, dans un quartier périphérique, une salle rococo au charme désuet. Mathias, beau et ténébreux danseur gominé pour l’occasion, tout de noir vêtu, pantalon à rayures fines et chemise à parement pâle, invitera chacune des filles du groupe pour une initiation au tango dans ses bras accueillants. Maître Mathias, professeur en Tango, au français délicieusement pointu, saura démontrer toute la force, l’énergie et la sensualité de cette danse. Il ouvrira aussi les esprits à une culture de l’Argentine contrastée, entre l’espoir et le désespoir, entre le rêve et le cauchemar d’un grand pays qui ne sait comment prendre le virage de la modernité et de l’affirmation de soi mais n’en demeure pas moins d’une énergie et d’une force à couper le souffle !

Et puis ce retour dans la nuit, le taxi qui fonce avec un Buenos Aires tout droit sorti d’un film de Won Kar Waï, avec ses brumes sirupeuses et ses arêtes tranchantes d’immeubles entre l’ancien et le moderne, ses grands carrefours ouverts et le clair obscur qui découpe l’espace.

Il reste une poignées d’heures encore et l’avion du retour nous ramènera dans ses flancs avec, dans nos bagages, l’étrange certitude d’avoir côtoyé un monde de beauté, de magie, un territoire à l’histoire d’une incroyable richesse, des lieux somptueux, les traces encore récentes de drames humains insoutenables, des dictatures contemporaines féroces de militaires aux mains sanglantes aux luttes interminables entre les indiens et les colons des siècles derniers, la face pas toujours connue d’une grande histoire de l’homme dans cette terre perdue des antipodes.

L’Argentine au coeur toujours et encore !

PS : Et pour terminer le séjour, un orage s’abat sur Buenos Aires, nous trempe sur le chemin du Billard 36, un club où nous allons manger, sur les conseils de Mathias, un excellent «bife de chorizo» en écoutant un orchestre et en regardant deux danseurs évoluer...sur des airs de Tango !

Un orage violent, comme pour nous rappeler que nous devons partir, retrouver nos marques. réintégrer notre territoire. Mais on gardera un peu de cette Argentine au fond de nous, comme un trésor !

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Via Bariloche...

Publié le par Bernard Oheix

Pour arriver à San Carlos de Bariloche, franchir la frontière Chilienne, (quelques heures seulement de bus au départ de Puerto Montt), traverser un parc national recouvert de cendres volcaniques donnant un air lunaire au paysage, observer les arbres noirs déchiquetés dressant leurs branches torturées vers le ciel, contourner une myriade de lacs, côtoyer les neiges sur les sommets alentours, parcourir le versant Est du parc verdoyant troué de masses jaunes de genêts en fleurs et plonger vers le lac Nafel Huapi où San Carlos de Bariloche vous attend adossée aux montagnes qui la cernent.

Rupture totale avec l’Argentine que nous parcourons depuis des semaines. Car Bariloche est la station à la mode des Argentins. Ils y viennent de mai à septembre pour y skier et le reste de la saison pour les activités nature, les randonnées pédestres et les circuits VTT.

Une des particularités de Bariloche est qu’elle est devenue l’endroit à la mode pour les étudiants qui ont réussi leur diplôme et viennent fêter en groupe leur promotion.

Disons-le, Bariloche sent l’argent, les rues sont propres, les magasins offrent un panel des «marques» internationales, les restaurants resplendissent et dégoulinent de lumières, et la beauté est la norme de chaque coin et recoin de la ville ! Il y a un air de parenté avec toutes nos stations alpines, la Suisse et l’Autriche... Il y a même un peu de Cannes dans cette ville de la Patagonie du Nord Ouest.

Les villas alentours, superbes constructions semi enterrées dans la végétation aux volumes modernes ou chalets érigés sur des pics avec de vastes baies vitrées offrant une vue imprenable, s’étirent tout au long des rives du lac Nafel Huapi qui abrite une des plus grandes réserves de l’Amérique du Sud.

Car Bariloche est le centre d’une région fascinante, préservée de toute atteinte de la modernité, le coeur d’un territoire immense dédié à la nature. A 1500 kms de Buenos Aires, isolée par une pampa sauvage où règne le désert humain et le vide de monts vallonnés, ouvert sur la Patagonie qui plonge vers la fin des Terres Australes, adossée à la frontière naturelle des Andes, la région, découverte tardivement, peuplée par des colons aventuriers, a très rapidement intégré la notion de préservation d’un site unique et d’un patrimoine de tout le pays.

Du téléphérique de Los Cumbre, le Cerro Otto qui grimpe au dessus de la ville, on peut découvrir un lac gigantesque à l’eau turquoise serpenter entre les montagnes, du Chili au levant, parsemé d’îles comme des joyaux émeraudes, aux rives boisées couvertes d’essences exotiques et tachées de l’or des genêts. Le vent apporte l’air frais des montagnes et chasse les nuages, dégageant l’espace pour que la vue se perde bien au dessus des hommes, dans le vide qui remplit la nature sauvage de tout l’or du monde.

Le lendemain, sur le «Modeste Victoria», un cabin-cruiser de 1937 aux cuivres rutilants, nous partirons à la découverte du parc, sur las Isla della Victoria, un circuit pédestre qui nous permet de longer la Playa de Toro (où je me suis baigné, dans l’immaculé des neiges qui se reflétaient en miroir d’une eau glacée !), de voir des peintures rupestres et de marcher à l’ombre de séquoias centenaires sous une canopée flamboyante. Une deuxième île accueillant le Parque Nacional Arrayanes abrite des arbres aux troncs orangés torturés, enchevêtrement de branches, de lianes et de feuilles qui nous coupent du monde et font remonter les temps passés, quand l’homme n’était encore qu’une hypothèse au sein d’un monde en train de se convulser !

Une heure de navigation en retour, accompagné par une nuée d’oiseaux plongeant dans l’eau à la recherche de leur nourriture, le drapeau argentin flottant dans le couchant...

C’est la nuit à Bariloche. Un restaurant où les peuples du monde se côtoient à manger une «goulash» en buvant un vin riche du Chili, une glace au chocolat (la grande spécialité de Bariloche importée par un chocolatier de Turin dans les années 30) et déjà le départ pour notre ultime étape, Buenos Aires comme des retrouvailles après 5 semaines à découvrir les trésors de l’Argentine et du Chili sans jamais ressentir l’usure de la passion.

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La mort du Cheval de Fer

Publié le par Bernard Oheix

Bariloche, la Ultima Station...Le petit restaurant d'une gare où nous mangeons en compagnie de Guillem, un brésilien fou qui sillonne l'Amèrique à vélo (voir son facebook : Roda Mundo). La dernière Station ! Et c'est bien vrai. La ligne Patagonique qui relie San Carlo de Bariloche à l'Océan Atlantique est la dernière en activité,...mais elle ne fonctionne que deux jours par semaine et malheureusement, les jours ne correspondent pas. Nous ne pourrons donc l'emprunter ! Hélas, le prix à payer est de 23 h de bus ! Mais que c'est-il donc passé avec les trains en Amérique du Sud pour en arriver là ?

Dans l’imagerie populaire, le rail est associé à la notion de progrès, il apporte la civilisation, les hommes se battent et luttent pour défricher les terres et poser ce chemin de fer qui relie les hommes et supprime les distances. Dans la conquête de l’Ouest, le chantier du rail est le symbole de l’avancée d’un monde de lois et d’une organisation sociale (même si on peut en discuter) ! C’est sur ces traverses que les juges, les commerces, les écoles peuvent s’ériger.

De 1850 à 1980 avec la naissance des Trains à Grande Vitesse, pendant plus d’un siècle, le train fut assimilé au progrès, au développement, à l’essor d’une société...mais c’était sans compter sur l’idéologie néolibérale !

En Argentine, c’est en 1948, sous le règne de Peron, que les chemins de fer sont nationalisés. Or, l’économie, coincée entre les période de dictature récurrentes et les intervalles démocratiques, la gabegie des uns et la surenchère des autres, une absence de cohérence et de vision à long terme, s’engagea dans les années 80 dans un cycle d’hyper-inflation et de crises violentes, perte de réserve et surendettement. Dans les années 90, Sous la présidence de Carlos Menem, la potion néolibérale fut appliquée avec son cocktail bien connu de dérégulations, privatisations et taille à la serpe dans les services publics.

Il faut dire, que l’entreprise Argentina Ferrocarils, ses 35 000 km de rail, ses 92 000 salariés, perdait plus d'1 milliard de $ US par an !

Sur le plan des transports, le résultat 20 ans après, est évident ! Le train a disparu et les innombrables bus qui sillonnent les routes argentines, croisent sans arrêts sur les bas-côtés des vestiges de rails abandonnés à la dégradation, à la rouille et à la désolation !

Et devant le désastre de cette privatisation, la route et le bus ont pris le relais. Noria de bus immenses, des immeubles roulants, se croisant sur les routes étroites, polluant, dégradant la nature, pour un profit immédiat...pendant que l’état continue de faire des routes, de les entretenir et de les agrandir !

Il y a dans cette disparition absolue des trains en Argentine, comme un symbole de cette société de la concurrence acharnée, du libéralisme à tout crin ! Les bus, leur inconfort, leur dangerosité, leur pollution, au service de quelques sociétés privées sont les grands vainqueurs de l’anarchie et du manque de cohérence de l’économie Argentine !

Et en attendant, nous passons des nuits entières à regarder le noir profond dans le ballotement des essieux et le grincement lancinant des roues qui mordent l’asphalte !

(Bon, là, j’exagère un peu, vu le confort des bus en «camas ejecutivo», inclinés en 160°... mais reconnaissons que sur le plan strict de l'écologie, y a mieux que cette horde de cars qui foncent dans le vide !)

Et ce qui s'est passé en Argentine, c'est dans quasiment tous les pays de l'Amérique du Sud que cela c'est produit ! Uruguay, Argentine, Paraguay, Chili, Brésil... où l'agonie du cheval de fer !

PS : un autre exemple de cette anarchie engendrée par la libéralisation des services publics sont les postes argentines. 2 officines se disputent le marché, (Correos, DHL). Chacune développant ses réseaux dans une certaine anarchie et une totale absence de lisibilité pour les touristes. Surtout, ne postez pas une lettre chez l’un avec les timbres de l’autre... celle-ci sera jetée dans un grand trou noir dont elle n’a aucune chance d’émerger !

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La porte Australe !

Publié le par Bernard Oheix

Puerto Montt est une petite ville nichée au creux d’une baie de l’Océan Pacifique avec un chapelet d’îles en diadème pour empêcher l’horizon de se perdre. Elle est située tout près du volcan de l’Osorno, sentinelle angoissante qui contrôle sa destinée, avec son cône rectiligne tiré aux cordeaux, immaculé dans l’azur du ciel, culminant à plus de 3000 mètres d’altitude. Des montagnes aux sommets enneigés l’enserrent en tenaille, langues de glace sur crêtes dentelées, impression pesante d’être enfermé dans un cirque gigantesque où tout est trop grand, trop définitif pour l’humain.

La ville s’étale à partir de la côte, petites rues s’enfonçant vers une arête crénelée de maisons de couleurs qui domine la cité. L’architecture mélange le moderne de quelques hôtels et centres commerciaux rutilants et le vieillot des murs de planches et de tôles des maisons basses où logent les habitants de la ville.

L’odeur marine sature l’atmosphère. Des bateaux de pêche sillonnent le plan d’eau dans le silence du soir qui tombe. Il fait froid et une bise glacée vient nous rappeler que nous sommes aux portes de la Patagonie, la dernière grande ville du Chili avant le désert des Terres Australes, cette immense région découpée comme un tissu de dentelles où la terre et l’eau se confondent, se mêlent et s’oublient !

Notre destination est Chiloé, la plus grande île d’Amérique du Sud après La Terre de Feu. Entassés à 14 dans le «combi» d’une agence locale, nous tanguons à tombeaux ouverts sur la ruta 5, la Pan Américaine qui traverse tout le Chili, secoués comme des pruniers pendant que Miguel, le conducteur, s’égosille en Espagnol dans un micro, agitant ses bras comme un moulin hystérique, tout cela en écrasant l’accélérateur comme si sa vie n’avait plus d’importance !

Après la traversée du chenal sur un «bac» à fond plat pouvant transporter des cars et des camions, ronde des transbordeurs comme un ballet parfaitement réglé au milieu des phoques qui plongent et des pélicans qui volent au raz des vagues, nous continuons vers Ancud, première cité où nous allons visiter un des trésors de cette île classée au patrimoine de l’Humanité pour ses nombreuses églises de bois.

Plus de 190 lieux de cultes, églises, chapelles, réparties sur la route principale de goudron et les chemins de terre qui en partent pour arriver nulle part. Succession de fjords, baies, anses, limites ténues entre l’eau et la terre, arbres verdoyants épousant les méandres de la côte et des collines.

Les maisons typiques de Chiloé sont construites intégralement en bois, murs de «tuiles» ouvragées, décorées de motifs, dans des couleurs allant du violet au rouge, du bleu au jaune, façades percées de fenêtres où flottent des rideaux blancs, avec des toits de tôles ondulées de couleurs sombres. Reposants sur des pilotis, elles s’avancent dans l’eau, Venise australe, et couvrent les rivages d’une étrange mosaïque. Des barques sillonnent les bras d’eau, les filets plein de poissons frais qui se débattent et se tordent. en lançant des éclairs de lumière.

Tout est paisible, calme, un miroir immense dans lequel se reflètent les sommets enneigés qui nous cernent. des centaines de kilomètres carrés préservés, un parc gigantesque où la nature s’est réfugiée et laissent glisser la modernité.

Après un déjeuner constitué de quelques huitres succulentes arrosées de citron et d’«empenadas» à base de queso ou de fruits de mer à Dilicuhé chez Dona Ines, une charmante petite vieille au sourire se perdant dans ses rides, direction la capitale Castro avec son église imposante située sur la crête de la ville qui se dresse tel un phare mariant des couleurs impossibles : jaune, violet, orange et vert, mosaïque arc en ciel pour monter au ciel plus rapidement !

Et le retour, sur la route 5, de nouveau ouverte à la furie conductrice de Miguel, notre conducteur. Le soir, sur Puerto Montt, sur une digue qui s’avance sur la mer étale, sous la lune qui fait miroiter le plan d’eau et resplendir les crêtes sombres qui ferment l’horizon, nous fêterons un anniversaire... et la vie est belle !

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Deux Jours de Valparaiso.

Publié le par Bernard Oheix

Marcher, escalader, se hisser, et toujours ces ruelles, escaliers, rues improbables, bordées de maisons bricolées, de tôles et de bois, dans des couleurs incroyablement «flashies», réfléchissant le soleil, sol de terre et de pavés, murs de guingois, poutrelles rouillées, tags en bandoulières parfois oeuvres d’art, parfois, gribouillis infâmes, et la saleté de semaines de grèves des éboueurs, et le goût du sel qui monte de la baie où patientent des cargos en attente de déchargement... Ivresse de Valparaiso !

La maison de Pablo Neruda, La Sebastiana, au sommet du Cerro Ferrari. La vue s’étale comme une carte postale sur l’immense baie marine. Une Fondation où l’âme du poète est encore présente. Sa voix obsédante en écho, ses objets personnels installés dans cette maison-musée, qu’il a ramenés de ses voyages ou achetés dans des brocantes et agencés comme une oeuvre d’art, les mots pour exprimer cette révolte et ce rêve d’un monde meilleur. Le Canto General que j’avais recrée à Cannes résonne à mes oreilles. Et ce bureau avec son sous-main, où il écrivit tant de chefs d’oeuvre, en regardant, en observant, de sa baie lumineuse, un pays en train de se convulser, se tordre et lutter, s’enflammer et se perdre dans les bras d’une dictature qui fit un auto-dafé de ses livres et tenta de le rayer vainement de la mémoire des hommes !

Comme Valparaiso, toujours menacée, au bord de l’incendie, d’un tremblement de terre où d’un raz de marée... Où livrée à la cupidité des affairistes qui tentent de la défigurer.

Elle résiste, cette ville ! Elle ne se livre pas facilement aux promoteurs qui rêvent d’y bâtir des tours, de défigurer son âme...Elle continue de s’ébouler à chaque tourmente pour se reconstruire, toujours en équilibre au dessus du vide !

Et un tour de baie avec des otaries et des éléphants de mer, sentinelles du passé, paressant sur des plots immergés dans le port et nous narguant en plongeant autour de la barcasse qui nous fait découvrir la baie ! Et notre baignade dans un océan Pacifique avec son eau froide comme le symbole de ce voyage dans l’extrême d’un continent fascinant.

Retour au Cerro Conception où deux soeurs baba-cools géniales nous hébergent dans une vieille maison coloniale "La Colombina" au charme tarabiscoté dans le quartier "in" de Valparaiso. Hostels, galeries d'art, petits musées, cafés avec musique, restaurants de toutes nationalités avec des terrasses plongeant sur la mer et le port qui s'illumine à la tombée du jour, des jeunes qui marchent dans la nuit vers des destinations inconnues... Le quartier vit comme si le temps s'était figé, comme si le monde s'était refermé sur Valparaiso la rebelle et que la modernité devait composer avec l'alchimie et la nostalgie d'une histoire impossible à écrire !

Mais il est l’heure de partir pour plus de 15 h de bus, une nuit dans la nuit, les phares dans le roulement obsédant des roues qui dévorent l’espace. Puerto Montt, la porte de la Patagonie nous attend avec ses 6° au soleil !

PS : Désolé, mais je n’ai pas mangé ma soupe de crabes ! Il va falloir que je vous décrive la nourriture Argentino-Chilienne... et ce ne sera pas une partie fine de plaisir !

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Valparaiso... La ville folle !

Publié le par Bernard Oheix

C’est en visitant le Centre des Arts d’Alejandro Para sur la voie Bernardo O’Higgins que nous sommes tombés sur un tract appelant à soutenir la campagne présidentielle de Michelle Bachelet. Un dernier meeting en forme de fête, avec tous les artistes chiliens, dont les Isabel et Angel Parra et les Inti illimani «historiques» mais aussi une pléiade de nouveaux. L’occasion était trop belle !

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans le Parque Quinta au milieu de dizaines de milliers de personnes euphoriques, drapeaux rouges avec faucilles et marteaux, Allende et le Che au vent, en train de chanter et de danser pour soutenir celle qui a réuni tous l’arc de la gauche et des démocrates et semble assurée d’une victoire dès le premier tour !

Elle est dynamique la Michelle ! Elle danse sur DJ Mendes, chaloupe sur scène, les groupes s’enchaînent et c’est bien une grande fête populaire à laquelle nous participons !

Si elle devient présidente du Chili, nous pourrons dire «-j’y étais !»

Deux heures de bus (seulement !) pour arriver à Valparaiso la rebelle, la ville atypique du Chili. Et là, le choc ! Cette ville a été conçue par un démiurge ivre, un jour de libations forcées et les humains sont certainement condamnés à y vivre afin d’y expier ses fautes !

Imaginez des collines qui enserrent une baie immense de l’Océan Pacifique pour grimper par étages vers les sommets. Au loin, les crêtes enneigées des Andes. Des entassements de ruelles incompréhensibles avec des maisons mélangeant allègrement tous les styles, recouvertes de tôles ou de bois de toutes les couleurs, des plus vives à celle gangrenées par la rouille ou la lèpre. Accrochées aux flancs de pentes invraisemblables, accessibles par des escaliers pentus perdus dans un amas de constructions bricolées, suspendues par des entrecroisements ou des piliers de fer comme en équilibre au dessus du vide. Ces maisons ne semblent pas faites pour durer, on imagine les orages violents, la boue qui ruisselle, les convulsions de la terre volcanique... Certains quartiers ressemblent plus à des favellas où vivre semble une épreuve, d’autres à des cités branchées pour artistes et touristes. Le tout baigne dans un air cristallin, frais et venteux. Des tags recouvrent les moindres espaces de leurs couleurs tranchantes et de leurs formes hybrides, des bus escaladent les rues en pétaradant, le bruit de la ville est assourdissant et étouffe le silence.

Toute la côte est inaccessible, fermée par des barrières métalliques, quelques «tankers» attendent dans la baie d’être déchargés sur les quais et les bras de grues se déploient pour fermer l’horizon.

La ville est sale, bruyante, se convulse en permanence et bizarrement, nous ne pouvons trancher entre la passion et la haine, entre l’amour et la colère ! Fascinante, incontrôlable, irritante, elle s’impose comme incontournable, grandiose, incompréhensible !

Valparaiso, si loin de l’image formatée, des chansons de ports et des «gestes» d’antan, d’une imagerie romantique.

Y vivre doit être épouvantablement éprouvant, y passer, terriblement surprenant et un peu envoutant !

Quand à ma soupe de crabes... J’ai eu droit à toutes les variantes de la soupe à la gingembre au gratin de fruits de mer... mais toujours pas de cette bonne soupe de crabes comme j’en rêvais ! Peut-être faut-il se réveiller ? Valparaiso n’ouvre plus ses portes sur l’inconnu, elle renvoie juste vers un ailleurs incompréhensible où l’homme reste cet être en train de se battre pour exister, survivre et trouver un peu de bonheur !

La nuit, sur un des balcons du «Cerro Conception», nous regardons les lumières éclairer de mille étoiles, les collines qui grimpent vers le bleu sombre du ciel. C’est une nuit de pleine lune. Le tableau est fascinant et le son assourdi d’une humanité fatiguée. C’est beau !

Adios Valparaiso ! Je ne rêverai plus de toi , désormais !

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Chili...en paro !

Publié le par Bernard Oheix

Etrange journée que celle qui nous vit partir à 9h de l’hôtel de la belle et bourgeoise Argentine Mendoza pour après quelques Kms grimper à flancs de montagne, rejoindre les neiges encore présentes du Col du Cumbre avec son Christ Redempteur, à plus de 4200m d’altitude (le col ou la route, débat en cours !), un goulet étroit serpentant entre des falaises, un rio coulant au milieu, des herbages où pâturent encore quelques animaux et où même les cactus s’éclipsent devant l’air qui se raréfie et le rocher pelé qui monte vers les cimes majestueuses.

Quelques traces d’Incas, un hôtel en sentinelle, comme s’il fallait préserver une histoire si lointaine qu’elle ne peut plus interférer avec le présent.

Arrivés à la frontière après deux heures de route, dans un indescriptible imbroglio entre l’immigration Argentine et les douanes Chiliennes, parqués dans une aire majestueuse ceinturée de sommets enneigés, baladés entre des fonctionnaires qui ouvrent les bagages, font défiler des chiens renifleurs, apposent des tampons et font s’écouler le temps comme s’il n’existait plus ! Ubu aux Andes !

Plus de deux heures à piétiner, pour finalement entamer la descente vertigineuse vers Santiago, brutalement stoppée par des travaux avec de nouveau, l’attente encore et toujours...plus de 30mn, immobilisés dans une pente rocailleuse sous le soleil, enfermés dans le bus.

La plongée enfin vers la plaine avec des chevaux qui galopent dans les près verdoyants et des vignes qui se dressent et offrent leurs grappes au soleil. Le Chili, on y est !

Finalement, vers 20h30 on voit les faubourgs glauques de la capitale se dessiner, dans une chaleur étouffante. Déambulation dans l’avenue O’Higgins (Héros du Chili !) pour trouver un havre de paix, un peu d’argent aux distributeurs (pas de problème de change, ici), beaucoup d’espoir pour la nuit qui gagne !

Les trottoirs sont bondés, des étals de rien et de tout s’étalent à même le sol, des gens qui se croisent, les cris et hurlements d’une ville furieuse, l’odeur forte, la saleté s’affiche partout...on comprendra pourquoi le lendemain !

Hôtel Império, 1 *, petit, cher et propre. On est bien loin de l’Argentine et de son accueil, de ses prix...mais chut, il ne faut surtout pas comparer les deux pays ! Même s’il faut bien attester que tout semble cher à Santiago, des prix comparables avec ceux de la Côte d’Azur, cela fait cher le café imbuvable ! Comme on le vérifiera tout de suite, même respirer coûte cher à Santiago et se compte en billet qui n’est pas de singe !

150 000 pesos chiliens à la machine pour près de 200€...et les coupures de 50 000 à 20 000 pesos qui flambent dans la nuit. Comme ces «casinos» du pauvre autour du terminal routier où des machines à sous tournent sans fin actionnées par de pauvres hères toujours à la recherche d’un Eldorado introuvable. Les conquistadors sont bien morts à Santiago de Chile !

C’est la crise ! Grève (paro) générale des fonctionnaires (d’où les amoncellements d’immondices qui trainent sur les trottoirs) et défilés permanents, bannières au vent, tambourins et trompettes. Les travaux défigurent la Place de la Moneda où le coup d’état des militaires déclencha une des plus féroce répression de l’histoire du pays ! Emotion ! Nous l’avions vécu en direct à la télévision, jeunes adultes, et de voir ces lieux sous l’angle des manifestants, cordons de gendarmes vêtus comme des «robocops» canalisant les foules, la statue en ombre de Allende sur la place, avec un défilé de soldats montés sur des chevaux...choc violent d’un pays qui tentait de se libérer pour retomber sous la botte des militaires... Habitude sur ce continent où la démocratie s’échoue bien souvent sous les souliers ferrés des soldats !

Pas de traces d’un Musée Allende annoncé mais jamais trouvé, pas de traces de Pablo Neruda, le passé gommé et la vie chère comme unique préoccupation. Les Chiliens connaissent-ils le prix de l’oubli ?

La ville est dominée par les sommets couverts de neige qui culminent à 6000 m mais la chaleur est suffocante, plus de 35°, un air âcre qui brûle la gorge et étouffe les désirs.

Nous allons marcher, suivre des voies brûlantes, traverser des places, visiter des musées, une cathédrale remplie de fidèles sur la Place des Armées, observer des ruelles superbes où le Chili d’antan s’entraperçoit dans la forme baroque, les couleurs, les encorbellements de petites maisons colorées bordant des ruelles pavées...

Mais toujours la foule, le soleil et cette impression forte d’un monde entre deux équilibres, à la veille d’élections déterminantes, une perception étrange d’insécurité même dans le sourire des Chiliens qui tentent de faire illusion devant la complexité apparente de leur situation !

Voilà, ce soir, meeting de clôture de la campagne des présidentielles de Michele Bachelet avec une foule d'artistes Chiliens (dont les Para et les Inti Illimani historiques, et demain, nous irons à Valparaiso. Peut-être que l’air du large et les mâts des voiliers dans la rade nous donneront une vision encore plus positive du Chili... Et puis, ma soupe de crabes m’attend, et celle-là, je vais la goûter comme un don de ma jeunesse et des rêves d’ailleurs qui m’emportaient vers des horizons d’aventures et de mystères !

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Parenthèse : Le culte de Gauchito Gil...

Publié le par Bernard Oheix

Tout au long de notre voyage, sur les bas-côtés des routes, on rencontre de curieux petits mausolées en toile et en planches ou flottent d’innombrables bannières rouges faseyant dans le vent. Dans toute l’Argentine, le Gauchito Gil est honoré. Religion, culte païen gauchisant, secte, saint non-reconnu par l’église... Les Argentins sont très discrets sur ce point mais à l’évidence, une foule d’adeptes viennent les entretenir, les enjoliver, faire des offrandes et se retrouvent dans ce mythe.

Gil est un espèce de Robin des Bois du XIXème siècle à la vie mouvementée, un mixte entre Arsène Lupin et le Chevalier Blanc, Don Quichotte et Zorro.

Sa vie est une légende. Il aurait déserté pour ne pas tuer ses frères dans la guerre permanente entre les libéraux (célestes) et les autonomistes (colorados). A la tête d’une bande de hors la loi, il aurait alors dépouillé les riches pour redistribuer aux pauvres. Capturé par le Colonel Salazar et condamné malgré une pétition demandant sa grâce, au moment d’être tué, il aurait promis un miracle au soldat chargé de l’exécuter : il sauverait la vie de son fils très malade s’il lui faisait une prière après sa mort. En rentrant chez lui, le sergent découvrit son fils à l’agonie et invoqua le Gauchito Gil. L’enfant guérit mystérieusement. Le sergent éleva alors le premier «mausolée» en l’honneur de Gil à l’endroit même où il l’avait exécuté et d’autres l’imitèrent, essaimant des sortes de niches où ils déposaient des offrandes, entretenant la flamme d’un miracle et d’un saint au service du peuple !

Il parait que Maradona, le «cultissime» Maradona, qui éclipse tous les Argentins vivants (même Lionel Messi n’arrive toujours pas à être considéré comme un grand chez lui, même le Pape François ne peut rivaliser avec «La main de Dieu !), ce Maradona qui reste le symbole absolu du pays, enfant du peuple et génie du foot, autodidacte et reflet du rêve Argentin, portait un maillot à l’effigie du Gauchito Gil (enfin, c’est ce qui se dit !) quand il gagna la Coupe du Monde de foot, dans un pays sous la botte des militaires.

Si le Che (un autre Argentin ne l’oublions pas !), est devenu une icône médiatique, il n’est qu’un joli poster diffusé dans le monde entier, sans racines, coupé de toute réalité, Gil, lui, est devenu une religion dans son pays, où se retrouve le peuple, sauvage, anarchique, totalement débridé. Que se cache-t-il derrière cette adoration ? Difficile de répondre, si ce n’est que les bannières rouges qui flottent dans le vent continueront longtemps à entretenir la flamme d’un héros populaire échappant à toute forme de récupération !

PS : au fait, pour le change à Mendoza, Jack-pot ! Après m'être promené sur l'avenue San-Martin avec deux billets de 50€ à la main, un "petit arbre" m'a abordé et après discussion, m'a offert un change à 12 pesos pour un €. Inutile de vous dire combien nous étions heureux de regonfler notre capital par un matelas de billets de 100 pesos !

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Mendoza...y pesos !

Publié le par Bernard Oheix

Cafayate, petite ville écrasée par le soleil, rues en terre battue, maisons de guingois, petites gargotes dans lesquelles nous dévorons des spécialités locales, deux jours pour se remettre de nos émotions Andines avec Carlos, notre sympathique et dynamique hôte qui est venu nous draguer à la descente du car pour remplir son petit hôtel pas encore totalement terminé, d'où un prix très intéressant ! A la clef, une grande "parrillada" dans le patio, orgie de viandes grillées au feu de bois, viande succulente très salée avec jus de citron, toute sa famille réunie avec nous. Quelques déambulations "a las tardes" en raison du soleil qui foudroie l'imprudent qui ose montrer son nez au zénith de son parcours céleste... et déjà le départ ! 5 heures de bus pour Tucuman puis sans faiblir, Mendoza, avec un nouveau marathon en bus de 12h, une nuit pour changer de climat et passer d'une chaleur tropicale à une fraicheur entretenue par les montagnes enneigées qui barrent l'horizon à plus de 6000 mètres d'altitude !

Mendoza, ville moderne (entièrement détruite en 1881 par un tremblement de terre) elle fut reconstruite par un architecte Français autour de parcs géométriques avec des rues arborées, ville nichée au coeur de la plus grande région vinicole du pays, où les filles sont les plus belles du pays, selon les argentins, et qui respire l'aisance et le confort.

Mais voilà, nous sommes à court de liquidités, il faut donc trouver des pesos... et là, ça se corse !

"Les mystères du pesos...

Officiellement il est proposé autour de 7 pesos pour un 1€... mais il ne viendrait à personne, l’idée de changer dans une banque, ni d’ailleurs d’aller dans un distributeur automatique pour plusieurs raisons : il vous donne le change sur la base du taux officiel, vous taxe d’une commission fixe, et en plus, il faut faire la queue devant le distributeur où une file s’étire en permanence.

Il faut savoir que la situation Argentine est inextricable depuis qu’elle a décidé de rompre avec son remboursement de la dette. Les Argentins ne pouvant plus avoir d’argent étranger, il sont à la recherche de dollars où d’€ même pour faire des affaires où voyager... d’où le développement d’un marché noir officiel et une jonglerie permanente avec les taux !

Il y a d'ailleurs deux taux, l'officiel et l'officieux officiel qui pour l'instant, mais cela bouge à toute heure, sont de 7,90 et de 11,20...

Il y a donc nécessité de partir en Argentine avec des espèces, ce qui pour 6 semaines, désolé de partir si longtemps, n’est pas chose aisée ! La ceinture autour de la taille avec 5000€, y a plus rassurant pour s'évader dans les hauteurs Andines, d’autant plus que tout le monde connait la situation, et donc sait pertinemment que les touristes débarquent avec toute leur argent verrouillé au corps !

Reste donc le change non officiel. Et là, c’est le système débrouille. A Buenos Aires, grâce à mon ami G..., nous avons pu changer une grosse somme à la valeur de 12 pesos pour 1 €... Jack-pot ! Liasses impressionnantes de billets exclusivement de 100 pesos (on a pas vu d’autres valeurs), soit en gros 9€ pour chacun des 400 billets récupérés en grosses liasses ce qui gonfle la pochette que vous glissez sous votre chemise afin de dissimuler vos biens et vous fait paraitre difforme !

Sans G, mon ami de Buenos Aires, cela aurait été l’accroche dans la rue avec des vigies qui vous interpellent à tous les coins de rue... Change, Dollars... Les Argentins les appellent les "petits arbres". Plutôt inquiétant, d’autant plus que nous n’avions pas encore compris qu’ils sont des rabatteurs d’officines semi-légales qui sont cachées (!) au fond des galeries alentours juste à côté des bureaux de change officiels !!

A Salta, nos liasses billets de 100 pesos se tarissant, la patronne de notre hôtel, l’adorable S..., accepta que nous réglions l’hôtel ( 3 nuits à 7 personnes pour 4500 pesos) en €... Elle nous proposa le taux de 8 pesos pour 1€. Négociation, argumentation, sympathie... Elle craqua pour 10 pesos l’€ (ce qui restait une très bonne affaire pour elle !) et nous en sortîmes donc pour 450 €.

A Cafayate, rendez-vous à l’office du tourisme pour demander où l’on peut changer des €. La responsable nous indiqua avec beaucoup d’obligeance, un certain nombre de boutiques qui pratiquent ce change semi-légal et c’est finalement le pharmacien de la place centrale qui nous proposa le meilleur taux à 9€. Impossible de le faire bouger, il restait campé sur ses positions, sûr de son pouvoir et de notre nécessité de changer !

Quand sera-t-il aujourd'hui à Mendoza où il nous faut impérativement changer des euros afin de payer l'hôtel ?

L’objectif de 11 pesos pour un € sera-t-il atteint ?

Réponse sous peu !

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La "puna" Argentine

Publié le par Bernard Oheix

Au réveil, après un petit-déjeuner léger, Monica nous initie à la «coca», ce remède contre le mal des montagnes. Elle prélève, dans des sachets que nous avions achetés au superbe marché des fruits et légumes de Humahuaca, quelques feuilles pour chacun d’entre nous. Après les avoir roulées en boule dans la main, nous les calons entre la gencive et les joues. Nous voilà donc avec notre «acullico» en train de macérer, dégorgeant un suc sensé nous protéger de ce qui nous attend, la haute montagne et son mal mystérieux de l’altitude qui peut frapper n’importe qui. Hélas, pas d’éléphants roses en vue pour les nouveaux cocaïnomanes que nous sommes, mais un goût amer dans la bouche pendant que le véhicule se traine sur les pentes vertigineuses de la route 52, longeant une brèche dans les montagnes qui nous dominent en culminant vers les 5000m.

Ivresse des hauteurs. La stèle du col qui culmine à 4170m s’ouvre sur un panorama à tomber à la renverse. D’un côté, les méandres de la vallée que nous venons d’escalader, de l’autre, les plaines de l’altiplano avec sa mer immaculée de sel brillant dans l’azur. Après avoir déposés une offrande sur «l’apacheta» de la «pachamama» (quelques feuilles de coca, un voeux et le bonheur assuré pour les années qui viennent), acheté des babioles aux indiens qui vendent des pierres gravées, des petits lamas en laine, tout ce qui permettra de se souvenir de ce moment unique où nous avons dépassé pour la première fois un sommet de 4000m (on est presque au sommet du Mont Blanc !), nous basculons pour rejoindre la Grande Saline qui s’étend sur 12 000 hectares au milieu d’un plateau gigantesque à 3800 m d’altitude. Le soleil brûle, la réflectionion du soleil est insoutenable, les monticules de sel brut bordent les excavations rectangulaires d’où l’eau surgit en se parant de fleurs de sel aux motifs ciselés par l’évaporation.

Après la Grande Saline, nous allons prendre une piste de 100km en terre battue pour rejoindre San Antonio de Los Cobres. La végétation basse de petits buissons d’épineux qui s’accrochent à une terre de sable est suffisante pour nourrir des ânes sauvages et surtout des lamas cabotins qui s’ébattent en liberté et se laissent parfois photographier. On assistera même, coupant la piste devant notre véhicule, à la course élégantes de trois «vigognes», princesses des hauteurs.

Plus de deux heures à être brinquebalés, secoués, triturés mais les yeux ivres de richesses, d’amour et d’un sentiment profond de communion avec ce département Andin qui touche si près le ciel, qu’il nous permet de prendre un siège auprès des dieux de la terre.

Après un déjeuner succulent de spécialités locales à San Antonio de Los Cobres (le cuivre), la tête lourde de cette pesanteur surprenante que provoque l’altiplano, nous allons repasser par un col à 4070 m (seulement !) et replonger vers Salta distante de 180 km par le Rio Toro en un retour à la civilisation après deux jours de rêves. Le monde est plus juste vu de si haut, il ne s’embarrasse pas de fioritures et donne du sens au temps présent.

Mais cela, c’est peut-être un effet secondaire de la coca, le primaire étant que personne n’a eu le mal de la montagne, juste le désir un jour de retrouver ces montagnes qui nous révèlent une part de nos propres secrets.

Quand à Monica, notre belle et douce guide, elle nous embrassera et nous nous quitterons comme s’il devait y avoir un lendemain à ce jour présent.

Mais c’est si loin l’Argentine et c’est si grand !

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