Dakhla : entre le désert et la mer.
Coup de fil de Françoise Bastide, ancienne adjointe à la culture de Cannes, une complice et amie des années où tout se dessinait, où l'âge d'or de la culture nous permettait de surfer sur nos désirs et notre passion. C'est avec elle que j'ai entamé mon parcours au Palais des Festivals et nos liens ne se sont jamais rompus, distendus parfois, son choix de vivre au Maroc mettant une distance géographique, même si nous nous étions réunis il y a une dizaine d'années à Marrakech pour des retrouvailles émouvantes en famille.
C'est de Dakhla, à l'extrême sud du Maroc que j'ai entendu son appel. "-Bernard, j'ai besoin de vous, je veux créer avec des amis une manifestation et j'ai besoin de vous pour la réaliser. Vous êtes partant ?".
Difficile de résister à Françoise et à sa passion du faire. En retour, un billet d'avion m'attendait et me voilà débarquant en ce mardi 23 novembre sur l'aéroport écrasé de soleil, dans les odeurs et la brise d'un vent nouveau. L'aventure au présent dans cette région théâtre d'affrontements passés où le Polisario, à travers l'opposition entre l'Algérie et le Maroc se disputait une immensité que les Espagnols avait colonisé pendant des siècles.
Dakhla, porte de l'Afrique, au confins d'un monde, un désert où une ville s'érige aux forceps, que les surfeurs ont découvert comme un paradis et qui attire de plus en plus de touristes conquis par la grandeur d'un site unique, péninsule en lagune et océan, débouchant sur le désert de la Mauritanie, port de pêche et coupée du centre du Maroc par 800 kms d'un sable ocre formant des dunes comme des vagues jusqu'à Agadir.
Magie des vaisseaux du désert, quand le chameau est l'opportunité de retrouver un souffle d'aventure.
Les rouleaux de l'océan, comme une invitation à surfer sur les planches, et le vent pour les kites-surfeurs en récompense. De septembre à mars un rendez-vous prisé par ceux qui ont soif de donner libre-court à leur passion de la vague juste.
C'est à la force de sa volonté que Françoise a créé son paradis dans une oasis qui jouxte la ville, à quelques pas de la plage des surfeurs, dans un nomadland où tout est possible. Une ferme "écolodge", sous les déclinaisons d'un St Exupéry qui est sa référence dans l'humanisme et l'engagement, chambrettes donnant sur une cour intérieure, parc où se nichent des recoins inspirant la quiétude et la sérénité, animaux s'ébattant en liberté, ânes, chiens, chats oiseaux se retrouvant dans cet asile. Une capacité d'accueil d'une dizaine de chambres bien malheureusement vides en cette période trouble où les annulations prenaient le pas sur les confirmations.
Mais le temps joue pour elle, tant sa force et son obstination ne sont pas usurpées. Elle est un rayon de soleil dans cette région qui n'en manque pas !
Et prendre un thé au Sahara, sous l'aile de St Ex, quand les rumeurs sourdes d'un ailleurs lointain menaçant ne peuvent qu'écharper la certitude d'être dans un paradis. Même l'air chaud que le souffle du désert charge de senteurs ennivrantes portent l'espoir de lendemains qui chantent.
Et si vous voulez vous convaincre, allez sur son site, dartawarta.com pour rêver à votre prochaine destination.
Moi, je me suis baladé dans le désert, abrité dans un camps nomade de Sarahouis pour un thé rituel, j'ai marché le long des plages, les pieds dans l'eau, j'ai regardé les pêcheurs et observé les migrants qui tentent de franchir ces barrières pour s'échouer sur des bateaux de fortune vers un occident trompeur où ils perdent leur vie et leur âme.
J'ai rencontré et palabré pendant des heures avec des êtres au parcours de légende, entre la guerre et la paix, des hommes de bonne volonté au cuir marqué par les douleurs d'un passé sulfureux... Mais chez tous, j'ai vu l'humanité profonde de ceux qui se battent au jour le jour pour imaginer leur destin et conquérir des espaces de vie. Ils sont le sel de la terre et Dakhla est l'exemple type d'une ville extrême où tout arrive, même la possibilité du bonheur.
Alors que dire encore ? Qu'une "turista" m'a lâchement agressé dans un excès de confiance de l'ingestion d'un jus de grenade pressée dans un verre au marché luxuriant de Dakhla, que le Maroc a fermé ses frontières devant la 5ème vague du Covid bien moins sympathique que les rouleaux des surfeurs, et que j'ai réussi à prendre le dernier avion en partance de Dakhla pour Casablanca pour atterrir in extremis dans un Paris transi de froid et d'un crachin glacé.
Mais c'est certain, je retournerai dans cette région qui m'a fasciné, je reviendrai pour accomplir ma tâche dans une manifestation dont les contours se sont dessinés au cours des heures d'échanges où nous cherchions notre graal. Et ou nous l'avons peut-être trouvé grâce à la musique, la danse et l'expression des valeurs humanistes d'un monde qui perd son centre et doit retrouver l'élan de la générosité, de la rencontre et de l'acceptation des différences. Non l'autre n'est pas un ennemi, il est aussi un partenaire, un ami et la preuve que le monde est ouvert à tous les espoirs !
Alors, rendez-vous à Dakhla en novembre 2222... peut-être !