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Pas de deux sur La Croisette : entre l'Europe et l'Afrique !

Publié le par Bernard Oheix

Aimé Ouédraogo est un personnage étrange, lunaire et flamboyant, exubérant mais pudique, toujours sur le chemin d'une danse qui parle au corps en invoquant l'esprit.

Créateur avec une équipe de bénévoles du Festival des 2 Terres, pont entre ces 2 continents qui l'habitent et  donnent un sens à sa vie, il avait depuis 3 ans dû mettre en sommeil le Festival pour cause de Covid.

En ce 22 avril 2023, dans la salle Miramar de Cannes, le Festival renaissait de ses cendres devant un public avide de renouer avec les fils d'une histoire en train de se forger, entre le Nord et le Sud, entre le noir de la peau et la blancheur de l'âme.

Après une après-midi de stages de danse, l'exposition des tableaux de Manuela Biocca et afin de sceller une convivialité de circonstance, un apéro délicieux, (verrines de taboulet et de betteraves accompagnées d'un verre de gingembre particulièrement corsé), la soirée pouvait commencer par un solo de Patricia Lionel chorégraphié par Aimé Ouédraogo. Mécanique des gestes, brisure des lignes, silence sépulcral pour cette mise en image d'un texte écrit par la danseuse portant sur les violences faites aux femmes. Un moment d'intense sensation ou le corps féminin se plie au désespoir d'un lendemain qui ne chante pas.

Le 2ème ballet sera d'inspiration ivoirienne avec une danseuse, Aminata Traoré déconstruisant la danse traditionnelle pour reconstruire un univers où le corps doit s'adapter aux balises d'un univers qui change. Fort et puissant.

La jeune compagnie Unidanse de Puget sur Argens enchaine alors avec La Valise, une oeuvre portée par l'énergie et la grâce d'une dizaine de jeunes danseuses à la recherche de leur passé, de leurs moments de vie symbolisés par ces valises que nous emportons avec nous et qui contiennent nos rêves et nos espoirs, nos déceptions et nos regrets.

Des danseuses éblouissantes dans une chorégraphie enlevée qui leur permet, entre le classique et le moderne, de développer toute la game des émotions qui touchent le public, du rire aux larmes.

Ange Kodro Aoussou-Dettman, est la chorégraphe et l'interprète (Ivoirienne et Allemande) d'un solo intimiste sur le péril encouru par les femmes quand elles donnent la vie, situation tragique que trop d'entres elles subissent dans un univers où leurs blessures sont acceptées comme une fatalité par une société qui refuse de partager leurs souffrances.

Enfin pour terminer ce cycle danse, la 5ème pièce, création d'Aimé Ouédraogo, offrira somptueusement Hors-Ligne. Un solo avec un mannequin en alter ego, des jeux d'ombres et de lumières où sa silhouette se découpe et sculpte l'espace, des mouvements fluides se heurtant à la mémoire de ceux qui peuplent nos souvenirs. Une oeuvre magistrale esthétiquement, entre la fluidité et l'ambiguïté, avec des plages de sons qui déchirent le silence et des flashs qui transpercent l'obscurité.

 

Et pour terminer en musique, après Moe Gin, un duo chant/guitare flamenco aux accents pop-rock, 2 tunisiens, Salah el-Ouergli et Medhi Belhassen, nous emportèrent avec ivresse dans une musique de transe, le Stambeli, guidant le public dans les interstices d'une raison captivée par les accords et percussions sertissant les voix des chanteurs d'une mélodie envoutante. Cet art musicolo-thérapeutique (comme celui des gnawas), est en train de sombrer dans l'oubli mais tant que des musiciens peuvent encore l'offrir aux oreilles d'un public même non-averti, alors le stambeli existera toujours pour le bonheur de ceux qui ont eu le privilège de l'entendre, un soir de Festival, entre 2 Terres, à Cannes, la ville de tant de lumières !

À l'an prochain donc, pour le Festival Les Deux Terres où Aimé et sa bande sauront encore nous surprendre et prouver que la différence n'est pas un vain mot, mais bien une valeur à chérir avec tendresse.

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Juan Carmona : la fusion pour l'éternité !

Publié le par Bernard Oheix

Juan Carmona est un guitariste flamenco pour l'éternité et un jour. Virtuose de la guitare, bardé de reconnaissance, dont ce Grand Prix Paco de Lucia remporté de haute lutte sur la scène du Palais des Festivals de Cannes à 20 ans, le Prix Charles Cros, des Latins Grammy Awards et avant tout, la ferveur constante d'un public qui le suit, le pousse et lui permet de rêver ses notes pures qui emportent les spectateurs dans un éther de douceur et de magie.

Juan Carmona qui vient de produire son 12ème album et a été programmé par Sophie Dupont, la Directrice de la programmation du Palais des Festivals de Cannes dans une salle conquise et éblouie par la virtuosité de son groupe. C'est dans un projet muri pendant les deux dernières années autour de Zyriab 6/7 qu'il vous invite. Un personnage qui l'obsède depuis qu'il l'a découvert dans une rencontre déterminante au Festival International de Luth de Tétouan au Maroc où il avait été invité et où il remporta un trophée de plus, le Zyriab des Virtuoses, à la saveur nulle autre pareille d'une rencontre fortuite à travers les époques et les cultures.

Et cela a débouché sur cet album et une tournée somptueuse.

Zyriab est un personnage hors du commun, né en 789 à Mossoul et mort en 857 à Cordoue après avoir traversé les 6700 km qui séparent ces deux régions (d'ou le 6/7 du titre de l'album), entre l'orient et l'occident, à dos de chameau, par des haltes oasiennes, dans une épopée inimaginable pour l'époque. Chassé de Bagdad à cause de la jalousie de ceux qui ne pouvaient accepter son génie musical, réfugié à à Kairouan dont il fut aussi chassé à cause d'un poème frondeur, il s'établit à Cordoue, accueilli princièrement par l'émir Abd al-Rahman où il vécu les 30 dernières années de sa vie dans le luxe. Musicien il a inventé la forme moderne de l'oud en y rajoutant une 5ème corde et il est considéré comme le père de la musique arabo-andalouse.

Mais le musicien Abu Hassan Ali ben Nafi, dit Zyriab, est aussi un lettré, poète, astronome, géographe, un homme  qui influença l'art de vivre en Andalousie et dont les découvertes ont bouleversé les cultures de ce IXème siècle qui allait ouvrir un nouveau millénaire. 

C'est ce personnage de légende trop méconnu qui a percuté l'univers de Juan Carmona, un gitan doué du talent de comprendre le monde et de l'interpréter avec des notes de musiques cristallines. Il fait nul doute que si Zyriab avait été génois ou vénitien, son nom serait devenu le symbole d'un aventurier à l'égal d'un Marco Polo ou d'un Christophe Colomb... mais il était né dans un petit village du mauvais côté de la Méditerranée !

Alors, courrez acheter cet opus de Juan Carmona. À son écoute vous allez partager un univers fascinant de fusion entre la musique orientale et le flamenco. En cette période ou l'obscurité tente de noyer le génie des hommes, vous pourrez partager un moment d'écoute de ceux qui marquent la différence comme une valeur positive.

Et si vous en avez la possibilité, prenez un billet pour assister au spectacle dans une salle, vous allez vivre un voyage intérieur en résonance avec l'épopée de ceux qui font l'histoire, les découvreurs, les magiciens du temps présent.

le groupe est somptueux avec deux percussionnistes aux tonalités différentes, un clavier, un oud et la guitare de Juan Carmona. Deux chanteurs, un de flamenco et l'autre orientaliste vont rivaliser d'audace dans une complémentarité de génie. Un danseur de flamenco sertira ses notes dans un écrin de beauté.

Alors, à vous de jouer votre partition intérieure et très longtemps après, vous aurez encore cette musique entêtante comme des vagues pour vous bercer du rêve d'un monde meilleur.

Et si vous voulez les contacter, Nomades Kultur se tient à votre disposition. Cendryne Roé, au gout si sûr, qui partage la vie et les rêves de Juan Carmona, saura répondre à vos questions.

Hasta Luego Compañero !

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