Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Villa de Robert Guediguian

Publié le par Bernard Oheix

On aurait souhaité avoir aidé à construire cette villa pimpante accrochée aux pentes d’une calanque dans une baie de Marseille transfigurée. Avoir été à l’origine de tout, à la naissance de l’espoir. On aimerait pouvoir renoncer au monde et s’y réfugier avec cette bande de vieux potes née il y a plus de 30 ans derrière l’objectif d’un cinéaste en train de forger son style et de trouver son inspiration dans la vie quotidienne de personnages  ancrés dans un sud coloré et plein de vie.

Il y a la belle Ariane Ascaride qui a survécu à la mort de son enfant noyée 10 ans auparavant dans cette Méditerranée où elle a grandi et qui retrouve un clan forgé dans ce deuil. Il y a le grand frère Gérard Meylan que tout être aurait le désir d’avoir comme tuteur protecteur. Il est resté ancré dans cette calanque et ouvre toujours ce petit restaurant avec des plats typiques et «pas chers», perpétuant la tradition d’un père vieillissant dont il s’occupe et dont l’accident vasculaire va déclencher ces retrouvailles. Il y a Jean-Claude Darroussin, frustré d’une carrière littéraire avortée, dont l’ironie acerbe est une façade pour cacher sa peur et qui décide enfin de s’assumer et de rêver son destin.

Et d’autres personnages aussi à la lisière de ces retrouvailles qui vont apporter un grand souffle de l’ailleurs. Une belle jeune femme qui a accompagné Darroussin sur ses pas et va décider de le quitter pour ne pas le prendre en pitié. il y a le fils docteur qui a réussi et ouvre des labos en série. Il est là pour aider ses parents qui se décident à lâcher prise et se suicident, main dans la main, pour nier le temps qui passe et ne pas voir la mort en traitrise les séparer. Ils ne se reconnaissent pas dans cette fuite du temps qui les ronge et préfèrent s’en aller de concert. Il y a le jeune pêcheur amoureux du théâtre et de sa muse Ariane, lui déclamant du Claudel en comptant les poissons emmêlés dans ses filets. Il va lui redonner un peu de cet espoir que la mort d’un enfant lui avait dérobé en lui offrant un désir sincère et un élan d’amour régénérateur.

Il y a aussi des patrouilles de soldats qui passent régulièrement à la recherche de ces migrants vivants ou morts débarquant sur ces côtes déchirées, chassés par la guerre et la faim, à la recherche d'un abri et d'un peu d'espoir.

Il y a surtout, cette enfant fragile qui nourrit ses jeunes frères, cachés sous des rochers dans un abri de fortune. Elle dérobe un peu de confiture et confectionne une pâtée avec les graines des mangeoires d’animaux et l’eau rance des réservoirs. C’est eux qui vont être les détonateurs du renouveau ! Ils vont devenir les témoins privilégiés de la renaissance en cours. Le soleil qui réapparait pour rétablir l’ordre des choses. De nouveaux élans pour gommer les stries d’un passé morbide. L’espoir d’un vent  libérateur qui, dans les échos des noms renvoyés par l’arche d’un pont sur lequel passe une micheline, confond le passé et le présent pour offrir un avenir aux survivants. C’est une ode sur la mort au travail, mais aussi sur l’espoir d’un temps qui s’écoule. Et les cicatrices passées ne peuvent que soulager les blessures de la fuite du temps.

Et le père aphasique va retrouver un élan de vie, comme pour transmettre une dernière fois son patrimoine d’humanité et son amour d’éternité.

Robert Guédiguian qui trace son chemin à l’écart des chapelles n’est jamais aussi bon que quand il parle de ce qu’il est, de ceux qu’il aime. Et il y a un amour infini dans cet espoir d’une petite fille abandonnée sur les routes d’un exil qui trouve un foyer dans la chambre dévastés de celle que la mort a emportée ! Ode à la vie, à l’espoir et au renouveau, La Villa est un hymne à l’espérance et à la nature luxuriante de ce coin de paradis que les temps nouveaux tentent de dévaster mais qui résiste dans l’humanité profonde de ses habitants.

Voir les commentaires

Robinson des glaces Emmanuel Hussenet (ed Les Arènes)

Publié le par Bernard Oheix

Tout commence, comme souvent, par une rencontre impromptue. A la soirée de fête d’un ami, une blonde inconnue s’installe à notre table, un échange passionné s’engage et bientôt la fascination d’un discours entre deux mondes autour d’une île coincée entre le Canada et le Danemark. On est à Cannes, un soir d’automne et le grand large s’invite pour un voyage qui ne laissera pas indifférent !


C’est à ses côtés, en se glissant entre les icebergs, dans un froid polaire, qu’Emmanuel Hussenet nous embarque à coups de pagaies entre les glaces millénaires en train de fondre. Son objectif « d’aventurier » est de rejoindre un îlot coincé entre la mer du Labrador et l’océan Arctique. Dans le chenal de Kennedy, à deux bras de la terre canadienne d’Ellesmere et du glacier Danois de Peterman, comme un rocher du bout du monde, l’objet de convoitise d’un aventurier qui, à la force des bras, tente de le rejoindre. 
Il va falloir partir du dernier village d’Etah, bien au dessus de Thulé, confins de la civilisation, et s’en remettre à son expérience dans la solitude des glaces qui furent éternelles. Des années à accumuler un savoir faire destiné à lui permettre de survivre dans un territoire où la moindre erreur se paie d’une vie. La solitude en partage, mission à hauts risques dont au fil des pages de ce livre, Robinson des Glaces, on découvre que sa finalité n’est pas une nouvelle conquête de l’inutile mais bien une préoccupation majeure pour une humanité aveuglée par sa propre suffisance !
C’est dans le détroit de Smith et en traversant le bassin de Kane que l’auteur-aventurier nous dévoile son véritable plan. Alerter, lancer un cri d’alarme, envoyer un signal impératif aux peuples du monde. La calotte glaciaire fond à vue d’oeil, d’année en année, les couloirs encombrés de glaces s’ouvrent à la navigation et les richesses minières font de ces territoires verglacés, un nouvel Eldorado pour les affairistes du monde entier assoiffés de puissance.
Emmanuel Hussenet nous parle avec des mots si justes et forts du vrai combat qui se déroule alors. Pas celui de sa tentative pourtant héroïque d’atteindre l’île d’Hans et qui échouera d’ailleurs, mais bien celui de dévoiler les ravages irréversibles que nous infligeons à notre berceau et les conséquences funestes qui en découleront !
Il est déjà trop tard… ou presque ! La fonte des calottes glaciaires, la montée des océans, les modifications irréversibles qui sont en train d’affecter le climat, la géographie, dessinent une nouvelle histoire du futur sur une terre gangrenée par l’homme ! Une histoire de l’apocalypse en train de s’écrire sous nos yeux.
C’est avec des mots précis, des exemples, des notes particulièrement pertinentes que l’auteur aventurier nous amène à nous poser la question essentielle. Que voulons nous comme avenir pour nos enfants, et les enfants de nos enfants ? Avec cette frontière d’un chaos irréversible qui se rapproche de plus en plus au fil de nos choix inconséquents.

Il continue à progresser à coups de pagaie vers son îlot perdu comme une métaphore d’une humanité à la recherche son horizon. Entre les ours polaires, le froid, les modifications constantes de son environnement  et le danger permanent qui le guette, il nous dévoile ce qui se dissimule derrière son aventure, un projet pour sauver une Terre exsangue. Rendre l’Île d’Hans à l’humanité entière pour en faire un repère pour le monde à venir. Entamer la guérison de la planète en stoppant la menace de la fonte des glaces. Il s’agit de faire un barrage de glace aux glaces dérivantes pour les stopper dans leur course vers les eaux libres. Tirer des élingues à partir de l’île d’Hans à travers ce chenal étroit pour créer les conditions d’un obstacle sur lequel s’entasserait les icebergs, bloquant le processus de la fonte !

Je ne sais pas si scientifiquement c’est une réponse au drame en train de se jouer. Ce que je sais par contre, c’est qu’Emmanuel Hussenet après nous avoir convaincu de la réalité du réchauffement climatique, tente d’offrir une réponse et de l’espoir à ceux qui en manquent tant. Oui, il faudra lutter pour maintenir la vie sur la Terre ! Oui, on trouvera des solutions… mais il est urgent de ne plus se voiler la face !
Le monde est malade de l’homme et l’homme se doit de mériter son monde ! Alors, à vos marques, lisez ce livre d’Emmanuel Hussenet, et même si le combat se fera sans vous, il faudra bien qu’il ait lieu et que la préoccupation majeure de sauver la Terre dépasse largement les intérêts partisans de ceux qui crachent sur le futur !

 

Voir les commentaires