Un été 2008 de spectacles.
Depuis trois mois c'est la course aux spectacles... concerts, feux, animations, cirque et autres moments de bonheur. Un été chaud à souhait, avec du soleil à brûler la peau et
enflammer les désirs. Je vous ai déjà parlé de certaines manifestations (Fête de la Musique, Festival de la Pantiero), voici donc un petit bréviaire des quelques soirées les plus chaudes de la
Côte d'Azur qu'il reste à découvrir.
Il est temps de disparaître temporairement, 15 jours de vacances, en attendant je vous aime toujours et encore, c'est ainsi et nul n'y peut rien !
ZEEVA. (28/06/08, Aix-en-Provence)
Le Festival Andafy se déroule le jour de la fête nationale de Madagascar. Une association dynamique, une communauté très présente, un cadre champêtre, la chaleur aussi, lourde, un cagnard à
brûler les terres des hauts plateaux malgaches. Se croisent les conteurs, poètes, expositions, démonstrations de danse... En prime, un groupe de Madagascar, Zeeva, composé des membres d'une
fratrie, les Gellé, cousins, frères, sœurs et autres nièces sous la houlette de Taliké, la chanteuse de Tiharea, (programmé à Cannes dans la saison 2008/2009). Je l'avais découverte au Womex,
belle, voix de velours, costumes traditionnels et dokodoko sur la tête (tresses torsadées typiques). Dans une formation électrifiée mêlant instruments traditionnels et modernes, les musiciens
interprètent des ballades qui content des histoires d'une terre de culture, celle des Androy, un peuple fier et insoumis des déserts du sud-est. Taliké chante, danse, introduit les chansons avec
des histoires de son pays natal. C'est beau, c'est superbe et cela dégage l'énergie d'une Afrique fière de son passé et de ses racines.
REM. (08/07/08, Théâtre de Verdure. Nice)
Qu'ils sont délicieux nos papys du rock. Nerveux, un son d'enfer avec des guitares qui hurlent à l'envie. On glane au passage quelques-uns de leurs succès et c'est comme une bouteille fraîche
sous la canicule. Ils ont un jeu de scène minimaliste (les artères !) mais on s'en fout tant ils maîtrisent leur set. C'est sucré comme un bon vieux rock de derrière les fagots, on en redemande
malgré l'impression que tout a déjà été dit. Ce n'est pas grave, REM, c'est un morceau de rock brut de décoffrage.
Le Jazz et la Diva (20/07/08. Palais des Festivals. Cannes)
Auréolés de leur Molière 2006 du meilleur spectacle musical, Didier Lockwood, Caroline Casadesus et Dimitri Naïditch leur complice en piano, brodent sur les thèmes d'une opposition jazz/
classique, homme/femme, la belle et la bête... Bon, il paraît que c'est génial et que l'on doit se pâmer. Cela sent le petit jeu « interpériphérique » parisien, l'approximation et le facile.
Dommage, avec un peu de profondeur, ils auraient pu convaincre et pas seulement avec des ficelles simplistes. Le public était content, tant mieux !
Sananda Maitreya. (21/07/08. Parvis du Palais des Festivals. Cannes).
Dans la série, l'allumé de service, il nous fallait une belle prise, une pointure de qualité. L'ex-Terence Trent D'Arby (mais surtout ne l'appelez plus ainsi !) s'y est collé avec brio, mieux,
avec génie ! La conférence de presse qu'il offrit ce jour-là est à inscrire au Panthéon des moments hilarants laissant loin derrière lui notre Belge Vandamme ramené au rang de gros bébé se
nourrissant de flocons d'avoine à côté de lui. Tué par l'industrie du disque comme Seth occis Osiris en 13 morceaux, renaissant à la musique parce que l'un des 13 morceaux « fut lui, musique »,
il campe dans un monastère dédié aux dieux de l'harmonie, prédit l'avenir et a besoin d'une vue mer dans une suite d'un palace pour fusionner avec la nature et se consacrer à son art. Il offre un
collier de lapis-lazuli pour la grand-mère du journaliste et repart dans son monde de lumière peuplé d'ombres. Son show montre que même si l'on change de nom, on reste soi-même, mélange de talent
(quelle voix !) mais aussi d'une musique figée dans la mémoire, qui n'arrive plus à se brancher sur l'air du temps.
Léonard Cohen (22/07/08. Festival de Jazz de Nice)
Comment dire ? J'ai même raté mon pianiste dieu Fazil Say pour aller voir mon barde préféré. La scène est toujours insupportable avec ses oliviers qui dérobent la vue. L'odeur de saucisses et de
graillon, l'inconfort général habituel à cette manifestation. Le public attend, debout, entassé devant la scène. Un vieux petit monsieur s'avance, un band de papys entame sa ronde, 3 choristes
sublimes éclairent, et le son d'abord. Exactement cette qualité du live que j'écoute en boucle datant des années 80. Dance to the end of love, en introduction à cette plongée réjouissante dans le
temps. Il a le même grain de voix, une allure juvénile et élégante, la musique est précise, sophistiquée, d'une richesse infinie sans jamais couvrir les voix. C'est Dieu redescendu de son Olympe,
de son monastère bouddhique, d'où il vient, pour nous offrir un part de rêve. Les mots sonnent, portent des messages de poésie même si on ne comprend pas tout, les plages musicales enveloppent,
Alléluia nous baigne dans l'harmonie. Nous sommes tous éblouis et c'est à une messe du temps passé si contemporaine que nous sommes conviés par le grand manitou de la musique.
Je ne suis pas redescendu du nuage, j'y suis encore d'ailleurs à contempler Suzanne et à écouter le vent qui porte des messages d'espoir.
Hélène Ségara (23/07/08. Place de la Bocca)
Non, c'est trop dur, après Cohen, je ne peux pas parler d'Hélène. Il y a des choses qui ne se font pas, tant pis !
Duo pianos Marie Josèphe Jude, Michel Béroff (24/07/08. Nuits Musicales du Suquet)
Bof, a-t-on vraiment envie de parler de ce duo interprétant la sonate en ré mineur de Mozart et Rachmaninov. Non. Bon alors je n'en parle pas, cela m'évitera d'avouer combien je me suis ennuyé et
comme la vraie musique classique peut aussi être chiante !
Joan Baez. Graig Adams. (26/07/08. Festival de Jazz de Nice.)
Après Léonard, on pouvait rêver d'une Joan transfigurée, égérie d'une jeunesse en révolte, visage d'ange d'un temps de révolte. Las ! Figée, voix éteinte, show sans passion. L'histoire meurt
parfois, les lendemains ne sont pas toujours roses et les légendes s'éteignent. Tant pis, il me reste Cohen !
Pour lui succéder, Graig Adams. Petit et gros, il s'installe au piano, se saisit du micro comme si sa vie en dépendait et commence à hurler sa passion en un Dieu de bonté. Son groupe est composé
d'un batteur fou et d'un bassiste autiste, tous les deux jouent dans leur coin pendant que 4 mamies aux formes généreuses ondulent sur scène. Les standards du gospel défilent entre l'éructation
et la supplique, entre la fureur et le désespoir, l'espoir et la repentance. C'est énergique comme un redbull avant le coup de blues. Joan Baez entre en transe sur scène (enfin !) et le public
lance des cris pour les accompagner. C'est Graig Adams dans une cérémonie libérée de toutes convenances et même si cela flirte parfois avec l'à-peu-près, c'est d'une force et d'une violence qui
ne peuvent laisser indifférent.
Taraf Décalé (29/07/08. Concert après feu d'artifice. Parvis du Palais)
J'ai découvert ce groupe dans le giron de la Compagnie du Tire-laine, au Womex à Séville. Des jeunes passionnés, travaillant sur le gitan, le Balkan et tout ce qui « clinque » sur scène et
déborde de notes fusantes. Le Taraf Décalé est bien un groupe explosif, fusionnant la musique d'un Brégovic, et celle des cultures du monde. Entre un film de Kusturica et un happening klezmer.
Inclassables, impertinents, les musiciens entraînent la foule de milliers de spectateurs dans un swing d'enfer, corps débridés, cuivres et basses résonant longuement dans la nuit. C'est
intelligent et fort, libre et strictement mesuré, c'est une musique de fête qui n'oublie pas de parler au cœur en faisant vibrer les tripes.
Alexandre Kniazev (violoncelle)/Boris Berezovsky (piano). (30/07/08. Nuits Musicales du Suquet.)
Dans cet hommage à Rostropovitch, Boris Berezovsky, un des plus grands pianistes russes, donc du monde, assure une partition dans l'ombre de l'explosif et possédé Alexandre Kniazev. La lumière
est sur Sacha, cela en est presque frustrant de sentir cette retenue en arrière, cette silhouette qui dispose les notes sur un plateau pour l'archet vibrant d'un violoncelliste...fut-il
d'exception !
Pourtant, cette musique si savante peine parfois à se frayer un chemin jusqu'à la naissance des sens. Il y a tant de magie, que le monde réel semble s'éloigner. Il y a du froid aussi, celui de
torrents de notes dispensées comme si du trop-plein pouvait naître la sérénité. Deux monstres accolés en hommage à un 3ème en train de broder sur Brahms, Chostakovitch et Rachmaninov, cela ouvre
des horizons nouveaux, des interprétations ciselées comme une broderie. Cette violence a-t-elle une âme ? Le public enthousiaste répondra par l'affirmative ! Moi, certaines des notes lancées à la
nuit continueront de rouler en cascade scintillante que mes sens au repos auront déjà évacué leur précision fatale.
Fiesta Flamenca. (1 et 2 08/08. Parvis du Suquet)
Nouvelle manifestation dans le ciel cannois. Un pari lancé avec nos amis de Nomades Kultur, un agence artistique dirigée par Cendryne Roé avec Juan Carmona dont j'avais déjà accueilli la
Symphonie Flamenca en ouverture de la saison 2005 avec Trilok Gurtu (pour la petite histoire, suite à cette rencontre Cannoise, ils ont joué ensemble et travaillent sur un projet commun !).
Le principe était de fusionner l'esprit de la fête des Espagnols et la qualité du Nuevo Flamenco. Dans la première catégorie, la Place de la Castre, transformée en paseo, dégustation de paella et
de sangria, cours de sévillane et après le spectacle, bal sévillan.
Le pari était osé. Cannes, son public riche et gavé, les bourgeois conformistes allaient-ils laisser onduler leur croupe en public en levant les bras comme des moulins à vent s'époumonent dans
les plaines arides de la Castille ? Et bien oui ! Ils étaient beaux par dizaines à tenter de suivre le prof... uno, dos, tres...ils étaient des centaines à la sortie du spectacle, sur cette place
dominant la Baie de Cannes, sous les étoiles à danser pour le simple plaisir de partager un moment de plénitude. Il faut dire que les spectacles étaient exceptionnels, grandioses et que Juan
Carmona en important deux compagnies « rivales » avait vu particulièrement juste.
Joaquim Grilo. Soliste d'exception de Paco de Lucia. Il impose un style inimitable, une vision totalement moderne de la tradition, respectueuse des racines pour épanouir sa
liberté de créer. Il est fier et droit, il cambre les reins, joue de ses doigts, sinue entre la fesse dure et le regard de feu, enflamme la scène, parfois accompagné d'une danseuse pendant que
son groupe égrène d'une voix hachée les standards de ces complaintes qui griffent la nuit. C'est beau et exaltant, la foule subjuguée reçoit les décibels et les pieds frappent ce plancher comme
si notre salut en dépendait.
Rafael de Carmen, son concurrent attitré à la médaille d'or du Flamenco, reste à la frontière de la tradition pour s'immerger dans la modernité. C'est une version plus douce,
moins rugueuse, l'orchestre joue un rôle plus important avec deux chanteurs à la voix rauque et puissante, un carom, un violon et les habituels guitaristes aux doigts d'or. La danse expressive se
fait plus proche du public, moins en recherche d'équilibre, comme si le contact magnétique avec les spectateurs se trouvait justifié par des siècles de cambrures, des notes écorchées, un passé
décomposé d'éclairs de gestes, paroles au vent, sueur et regards de braise.
Rafael de Carmen, étoile du
flamenco.
Deux jours de passion, dans les hectolitres d'une sangria sucrée, avec les doigts collants de riz et de gambas gluants aux accents d'un sud de folie, la joliesse des robes de taffetas et les
seins brunis sous les décolletés de soie noire. C'est l'Espagne comme on l'aime, avec ses torrents d'exubérance comme signature d'un sourire moqueur à la fatalité et à la tristesse.
L'orgueil ibère dans ce qu'il draine d'insolence et de ferveur en invitation à la fête païenne.
Voilà, après juin et juillet, il restait encore tant de soirées à vivre en cet été 2008. Les nuits de la Pantiéro dont je vous ai déjà parlé, les concerts de Jazz à Domergue avec
Elisabeth Kontomanou, (une grande dame du jazz; belle black dont la voix suave chante les standards d'un jazz sirupeux à la Billie Holiday. Si lisse, sans aspérités, un désert
d'émotions enfermées dans un carcan de notes) Yaël Angel (autre voix qui se laisse dériver vers des horizons musique du monde. Dommage qu'elle manque d'un soupçon de puissance et
de limpidité pour assumer ses paris originaux) et tant d'autres comme David Levy et Julian Evans dans un superbe récital à deux pianos en hommage à Messiaen... Tout cela dans un
décor de rêve, cèdres du Liban, cyprès taillés grimpant vers le sommet de la colline ombragée. Il y a des faunes aux oreilles en pointes comme sentinelles des orgies passées, bacchanales des
nuits chaudes d'une Côte d'Azur qui s'étourdissait au temps de l'insouciance d'une après-guerre, des bacs où l'eau s'écoule en glougloutant, des corniches qui surplombent la Baie de Cannes et son
arc de lumière qui nait vers le Palm-Beach pour mourir à la pointe de l'Estérel, dans le désert de la nuit marine.
Et puis des concerts avec Ma Valise, groupe de Français puisant dans des répertoires sous influences entre le cabaret, la nouvelle chanson et les rythmes latinos. Des feux
d'artifice à n'en plus finir avec un Russe d'exception, un Tchéque avec provisions et un Canadien du Québec...et pour s'achever, les slaves en folie de La Semaine de l'Art
Russe. Terminer la saison estivale avec des beautés superbes à la plastique de barbies nordiques, des spectacles à la signature du vent du nord (Chœurs de la Marine de la Baltique, Ecole
de cirque de Moscou, Boris Eifman, le plus grand chorégraphe actuel de Russie même si sa Mouette néo-classique n'est pas la plus belle oeuvre que j'ai vu de lui...). Bien sûr, des fêtes
à la vodka, des soirées sur les voiliers, des rendez-vous avec des vice-ministres, des gouverneurs et des princesses chamarrées, des chapeaux Tatar, des cadeaux d'ambre et des toasts à la volée
comme si la Géorgie n'était qu'un mirage dans un ciel sans nuages.
Il est temps désormais de fuir dans les montagnes des Pyrénées pour des balades champêtres, un peu de vélo au flanc des cols escarpés et du sommeil à racheter en quantité industrielle. Je vous retrouverai toujours assez tôt, dans une quinzaine de jours, quand j'aurai récupéré de cet été de folie et que l'impérieuse nécessité de me reconnecter à la réalité me poussera à vous lancer une bouteille à la mer, celle de ces mots de tendresse d'un blog qui vous est destiné, qui m'est devenu indispensable, et que j'aime penser en trait d'union de nos espoirs d'un avenir radieux.