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Des corses (encore) et des blacks (toujours) !

Publié le par Bernard Oheix

Quelques pérégrinations dans les manifestations alentour et déjà le souffle d'un été brûlant (désolé pour le reste de la France !). C'est la montée en puissance d'une période où les programmes naissent comme des petits pains, où la culture s'enfourne en grandes brassées, où l'on ne sait plus comment gérer un agenda pléthorique ! C'est la dure loi d'un programmateur de choc, avis aux âmes sensibles ! 
 
 
21 juin, Fête de la Musique. Parvis du Palais des festivals.
Joséphine. C’est la voix féminine des Muvrini, une hispanisante installée à la croisée des cultures, entre la polyphonie, la chanson et le Flamenco. Elle a le redoutable privilège d’ouvrir les festivités d’un été qui s’annonce chaud… devant un public fuyant, immaîtrisable, 50 personnes qui se battent en duel, un alcoolique accroché à sa bouteille et la nuit qui tarde à tomber. Bon, elle se lance avec courage, son bassiste insulaire débonnaire la regarde tenter de rameuter le public avec son « caron ». Et puis, sa voix monte, la musique s’impose, les chansons s’enchaînent, elle rayonne de plaisir. Elle a une belle personnalité, une vraie voix et rallie les indécis qui commencent à se regrouper autour de la scène. Elle obtient enfin son succès avec la nuit qui tombe, au moment de sortir du cône de lumière pour laisser la place au groupe vedette ! On la reverra sur Cannes, dans de meilleures conditions, elle le mérite !
Enzo Avitabile e i Bottari.
Napolitain, s’appuyant sur la tradition des « bottari », ces percussionnistes qui tapent sur des futs de bois ((tonneaux de vins) à coups redoublés. Je les avais découverts il y a quelques années, aux Docks du Sud, à Marseille. Un choc, depuis je rêvais de les programmer mais les aléas des calendriers… C’est donc chose faite, et bien faite ! Ceux qui ont assisté à ce concert ne sont pas prêts de l’oublier. Sur une base rythmique impulsée par les « bottari », Enzo développe une musique toute en énergie, ébouriffe les « tarentelles », décape les chants napolitains et assure un show de toute beauté. La foule est conquise depuis longtemps, elle oscille, tangue et suit les musiciens, une section cuivres et cordes qui brode des mélodies énergiques. La voix de Enzo Avitabile est particulière, une voix de basse qui sonne en écho des « bottari » et le spectacle est aussi visuel, dans les costumes, dans les attitudes d’un groupe soudé qui communie avec l’assistance. Un grand concert pour cette fête de la musique dont on se souviendra longtemps !
 
Robin Renucci affiche sa «corsitude» avec constance et humilité. Il œuvre dans son village d’Olmi-Cappella au développement d’une pratique du théâtre qui se situe hors des sentiers rebattus des stages agréés par Jeunesse et Sports. Sur les places des villages, dans des sites aux décors naturels confondants, des textes classiques résonnent et éperonnent le bon sens, portés par des stagiaires qui viennent de la France entière afin de parfaire leur métier et les conditions de la transmission d’un savoir !
Il est le premier ambassadeur de son film « sempre vivu » et anime le débat dans cet esprit des lumières d’un après 68 où la parole était reine. Il joue juste de sa participation, dénonce les tares d’un système aveugle, renvoie à une pratique libérée du corset des conventions, parle d’éducation populaire sans que cela fasse vieux, bien au contraire !
Un vrai bain de jouvence, merci monsieur Renucci ! Reste le film. Autoproduit, réalisé par une équipe corse sous la direction de Robin Renucci, s’inspirant d’un stage d’écriture pour le scénario, puisant dans le vivier de comédiens locaux pour cette farce douce-amère, (on reconnaît mes potes Cimino et Berlinghi), la signature des montagnes sauvages comme cadre de cet attachement à une terre aimée. Le maire d’un village improbable attend de pied ferme le ministre de la culture afin de signer la charte de création d’un théâtre perdu dans les montagnes Corse et meurt d’une crise cardiaque juste avant que l'hélicoptère ne se pose ! C’est la réalité (la première pierre devait être posée le lendemain du débat !), c’est une fiction, une farce qui décrypte la société Corse avec de gros sabots et une tendresse évidente. Le meilleur côtoie l’a peu près, mais la caméra est toujours si proche de l’émotion que l’on a le désir d’adhérer simplement, sans se poser de problèmes. Le fait que le Maire ressuscite, que le chœur des villageoises comparent les mérites d’Antigone ou d’un auteur contemporain, que les deux fils (le nationaliste et le flic) se déchirent pour se retrouver… tout cela n’est que comédie, art de dire son amour pour les gens et sa terre. Merci monsieur Renucci et bientôt à Cannes pour une pièce de théâtre de Florian Zeller (Si tu mourais, le dimanche 17 février 2008. Salle Debussy, dans le cadre de "sortir à Cannes")
 
Roman de gare.
Oui, j’avoue ! Moi qui déteste Lelouch, qui ne supporte plus son cinéma depuis des lustres, j’ai aimé sincèrement son dernier film. Une variation plutôt dépouillée sur le thème du véritable auteur d’une œuvre (les fameux nègres), un Pinon génial, une façon de filmer chaude, une belle histoire où s’imbriquent les thèmes de la création et de la reconnaissance, de l’amour et du désir, du suspense et de l’incertitude. Même si parfois il continue d’en faire un peu trop (les conditions de vie dans la montagne de la famille d’Elle, le dénouement policier !), on passe un vrai bon moment de cinéma. Finalement, Claude Lelouch n’est pas mort…tant mieux !
 
6 et 7 juillet
Les Jardins du Paradis. MJC Picaud.
Traditionnelle clôture de la saison pour la MJC Picaud qui ose cette année une programmation ambitieuse de qualité. Sur le thème des 1001 Afrique, Anne-Marie Bourrouil et son animatrice ont composé deux soirées magnifiques. Le cadre est enchanteur, des jardins ombragés, des stands d’associations engagées dans la lutte contre l’exclusion. Cela fleure la France ouverte, tolérante et généreuse. On peut manger un Yassa ou un Tadjin, boire du punch au gingembre et boire le thé sous la tente accueillante de l’inénarrable et passionnée Laïla. Notre ami Basile anime les intermèdes et avec son talent naturel, dit un mot pour chacun, présente les associations et introduit les groupes qui vont se succéder.
6 juillet.
Tarik. Un personnage attachant que j’ai déjà programmé deux fois. Il revient avec un groupe nouveau, une inspiration renouvelée et quelques surprises (une reprise ébouriffante d’Edith piaf !). Belle mise en bouche d’un raï décomplexé, se confrontant aux rythmes d’une musique plus ouverte et nourrie d’influences occidentales. Son groupe déroule un set propre... même si l’ambiance à quelques difficultés à monter, le public tardant à arriver et se montrant plutôt timoré.
Desert rebelle. Des touaregs à la guitare mordante entouré de Guizmo de Tryo, du bassiste de Manu Chao. Cela donne un concert hybride, un blues parfois lyrique, parfois brouillon, entre une authenticité et une modernité pas toujours maîtrisée !  Le passage de la kalachnikov aux riffs endiablés ne s’effectue pas toujours dans l’harmonie mais il y a quelque chose d’émouvant et d’authentique à voir ces musiciens exilés vendre une cause ignorée, une véritable guerre contre les touaregs et leur mode de vie ancestral dans l’indifférence du monde. Il nous rappelle que la musique est aussi un combat pour exister, et ne serait-ce que pour cela, il nous donne des sons venus d’ailleurs ouvrant sur l’inconnu.
Gnawa Diffusion. Collectif de fusion, entre plusieurs influences musicales, dernière tournée du groupe avant dissolution, les Gnawa Diffusion ont une énergie absolue, une capacité de tirer le spectateur vers la vibration, un reste de ces gnawas qui offre la transe en offrande. Le leader à une voix magnifique et orchestre autour de lui un groupe soudé qui fait reculer les limites de la musique. Cérémonie secrète, ode à une pulsation, les musiciens se laissent aller au fil du concert jusqu’à un final de tempête, une vraie orgie de sons. La cause est entendue. Les Gnawa Diffusion sont vraiment un grand groupe de fusion qui a marqué les musiques de métissage. Une place est à prendre apparemment !
7 juillet
Fanga. Afro-beat nerveux, un tantinet usant, même si les musicos se donnent avec chaleur. Au bout d’une demi-heure, les sons semblent s’accumuler et donnent le tournis. Bon, on aime ou pas… moi, vous avez compris !
Ismaël Lo. Le seigneur est de retour. Pas de distance pour moi, je plonge et j’en redemande même si la sono mais longtemps à accepter sa voix. Les réglages effectués, on le retrouve comme on l’avait laissé, génial, humaniste, doux et musicalement au top. Son dernier disque, « Sénégal » est un bijou, il le prouve même si Le Jammu Africa fait chavirer la foule enfin au rendez-vous. On ne l’appelle pas le Dylan Africain pour rien. Il nous balade dans ces rythmes africains doux amers, dans le Mbanga lascif, joue de son charme et de cette fascination qu’il génère parce qu’il est généreux ! Voilà, la messe est dite une nouvelle fois, elle sent le parfum d’une Afrique si belle et sereine, si forte dans sa beauté…
Xalima. Badou avait une tâche qui semblait impossible. Clôturer après Ismaël, un challenge et pas des moindres pour lui qui avait ouvert l’an dernier avant Omar Pene. De concert en concert, le groupe et son leader prennent une aisance et une assurance qui leur permet de se laisser aller, de fusionner avec le public. C’est le cas encore, dans ce set tout en brio. Badou dompte la scène, impose une voix chaude et des rythmes nerveux bien utiles pour éviter toute comparaison avec son prédécesseur. Il a reçu l’appui de certains musiciens qui se fondent dans le collectif. Ses compositions font mouches, le public le suit dans son univers et danse enfin sans retenue. Magnifique Xalima, un groupe qui fait mouche et devrait voir s’ouvrir grandes les portes du succès.
 
Il est temps de partir. Les organisateurs sont quelques peu dépités. Entre la réussite réelle de leur projet artistique et les comptes à venir, il y a un maigre filet sans protection. Pour quelques 300 personnes absentes, ils vont devoir assumer un déficit douloureux pour eux qui ont si peu de moyens ! Ils vont aussi se trouver confrontés à cette question que tout organisateur se pose immanquablement : pourquoi est-ce si difficile de faire bouger le public, l’attirer devant un tel plateau artistique, dans un cadre magique pour un prix modique d’entrée de 18€  ? Il y a quelque chose d’injuste, d’immoral de penser que tant d’efforts butent sur les mêmes écueils de l’indifférence et du renoncement. Tant pis, on se consolera en disant que les absents avaient vraiment torts…
 
10 juillet.
Youssou N’Dour. Une petite Palestre, (il est dur de programmer actuellement !), mais un public de blackettes superbes, toutes avec leurs habits de fête et des sourires pleins les yeux, les corps qui chaloupent, les visages enjoués, un vrai public de fans, où 50% de blancs se sentent heureux et acceptés, comme si la musique pouvait gommer les différences, donner de l’amour à ceux qui en sont trop souvent privés. Fierté de nos frères blacks, beauté et générosité d’un show énergique, avec des musiciens géniaux (3 percussions, 3 claviers, un danseur une choriste, basse, deux guitare et une voix…et quelle voix, inimitable, chargée de soleil, puissante, envoûtante. C’est cela un concert de Youssou N’Dour, une messe païenne pour faire parler les tripes, un tumulte intérieur qui trouve sa grâce dans les sons d’une Afrique fière d’elle-même. Comme le déclare Youssou dans une intervention, « -quand on parle de l’Afrique, on parle du Sida, de la guerre et de la pauvreté… Je veux chanter une autre Afrique, la new-Africa ». S’ensuit un duo voix/clavier où la voix lutte contre les nappes sonores qui envahissent la salle, passe par dessus l’instrument et s’impose dans une complainte déchirante. Vous avez saisi, j’aime l’Afrique et l’Afrique me le rend bien !
 
Fin de soirée agitée. Je vais saluer, avec mon pote Pape S, Youssou qui a des mots gentils pour moi, se souvient avec précision de son concert dans le Palais des Festivals d’il y a deux ans et m’honore d’un vrai sourire d’amitié. Badou traîne dans le coin, Mystic Man, le reggae man que j’accueille le 7 août, se promène dans les couloirs au milieu d’une foule de jeunes filles qui a totalement débordé une sécurité débonnaire. Tout se passe dans la plus extrême des gentillesses et la bonne humeur résonne dans les couloirs et loges de La Palestre. Puis, bien plus tard, dans le bureau d’Andrée P…, la programmatrice de la Palestre, avec Pascale K…, Viviane S…, Evelyne P…et d’autres amies de ce milieu si particulier de la programmation, on boit une coupe, puis deux, on refait le monde, échange de ces souvenirs qui parsèment un parcours de rencontres, de ses ombres de personnages de légende qui nous accompagnent la nuit, quand la rumeur se tait et que nous restons avec nos rêves en bandoulière, redevenus humains parmi les humains. Les lumières de la scène s’éteignent, il est temps de plonger dans la réalité.
 
Voilà, ce soir je vais à Monaco assister au concert de Muse, les jours passent, la magie demeure !
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E
Tout juste pour les soirées Picaud: super ambiance, musique, public, cadre, etc, etc...Moi, je ne manque aucun feu d'artifice; ma mère me l'a dit: tant qu'à voir partir l'argent de ses impôts en fumée, autant s'en régaler! Fais gaffe quand même à tes abatis!
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