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La mort du Cheval de Fer

Publié le par Bernard Oheix

Bariloche, la Ultima Station...Le petit restaurant d'une gare où nous mangeons en compagnie de Guillem, un brésilien fou qui sillonne l'Amèrique à vélo (voir son facebook : Roda Mundo). La dernière Station ! Et c'est bien vrai. La ligne Patagonique qui relie San Carlo de Bariloche à l'Océan Atlantique est la dernière en activité,...mais elle ne fonctionne que deux jours par semaine et malheureusement, les jours ne correspondent pas. Nous ne pourrons donc l'emprunter ! Hélas, le prix à payer est de 23 h de bus ! Mais que c'est-il donc passé avec les trains en Amérique du Sud pour en arriver là ?

Dans l’imagerie populaire, le rail est associé à la notion de progrès, il apporte la civilisation, les hommes se battent et luttent pour défricher les terres et poser ce chemin de fer qui relie les hommes et supprime les distances. Dans la conquête de l’Ouest, le chantier du rail est le symbole de l’avancée d’un monde de lois et d’une organisation sociale (même si on peut en discuter) ! C’est sur ces traverses que les juges, les commerces, les écoles peuvent s’ériger.

De 1850 à 1980 avec la naissance des Trains à Grande Vitesse, pendant plus d’un siècle, le train fut assimilé au progrès, au développement, à l’essor d’une société...mais c’était sans compter sur l’idéologie néolibérale !

En Argentine, c’est en 1948, sous le règne de Peron, que les chemins de fer sont nationalisés. Or, l’économie, coincée entre les période de dictature récurrentes et les intervalles démocratiques, la gabegie des uns et la surenchère des autres, une absence de cohérence et de vision à long terme, s’engagea dans les années 80 dans un cycle d’hyper-inflation et de crises violentes, perte de réserve et surendettement. Dans les années 90, Sous la présidence de Carlos Menem, la potion néolibérale fut appliquée avec son cocktail bien connu de dérégulations, privatisations et taille à la serpe dans les services publics.

Il faut dire, que l’entreprise Argentina Ferrocarils, ses 35 000 km de rail, ses 92 000 salariés, perdait plus d'1 milliard de $ US par an !

Sur le plan des transports, le résultat 20 ans après, est évident ! Le train a disparu et les innombrables bus qui sillonnent les routes argentines, croisent sans arrêts sur les bas-côtés des vestiges de rails abandonnés à la dégradation, à la rouille et à la désolation !

Et devant le désastre de cette privatisation, la route et le bus ont pris le relais. Noria de bus immenses, des immeubles roulants, se croisant sur les routes étroites, polluant, dégradant la nature, pour un profit immédiat...pendant que l’état continue de faire des routes, de les entretenir et de les agrandir !

Il y a dans cette disparition absolue des trains en Argentine, comme un symbole de cette société de la concurrence acharnée, du libéralisme à tout crin ! Les bus, leur inconfort, leur dangerosité, leur pollution, au service de quelques sociétés privées sont les grands vainqueurs de l’anarchie et du manque de cohérence de l’économie Argentine !

Et en attendant, nous passons des nuits entières à regarder le noir profond dans le ballotement des essieux et le grincement lancinant des roues qui mordent l’asphalte !

(Bon, là, j’exagère un peu, vu le confort des bus en «camas ejecutivo», inclinés en 160°... mais reconnaissons que sur le plan strict de l'écologie, y a mieux que cette horde de cars qui foncent dans le vide !)

Et ce qui s'est passé en Argentine, c'est dans quasiment tous les pays de l'Amérique du Sud que cela c'est produit ! Uruguay, Argentine, Paraguay, Chili, Brésil... où l'agonie du cheval de fer !

PS : un autre exemple de cette anarchie engendrée par la libéralisation des services publics sont les postes argentines. 2 officines se disputent le marché, (Correos, DHL). Chacune développant ses réseaux dans une certaine anarchie et une totale absence de lisibilité pour les touristes. Surtout, ne postez pas une lettre chez l’un avec les timbres de l’autre... celle-ci sera jetée dans un grand trou noir dont elle n’a aucune chance d’émerger !

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