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Retour vers Thiès

Publié le par Bernard Oheix

Elle est arrivée, l’heure de notre départ d’Angurman,  l’ile  paradisiaque où nous avons étiré le temps jusqu’à satiété. Quelques adieux émouvants avec François, notre hôte et son équipe, une photo de groupe et c’est le départ en pirogue pour se rendre à Bubaque, l’île capitale des Bijagos.

Quelques rues en terre, des masures en torchis et plus loin des résidences de luxe pour accueillir des touristes passionnés par la pêche au gros et la plongée... Nous apprécions la boisson fraiche de «chez Paul», un expatrié qui a ouvert un bar restaurant paillote où nous croisons toute une vieille génération de Français sur le retour qui ont abandonné l’idée de ce retour au Pays ! A les voir ainsi, je me surprend à repenser au «Coup de lune» de Simenon, un de ses romans réalistes, sur l’agonie des idéaux dans une Afrique qui dévore l’homme blanc et ses rêves !

Chez Paul... L'avenue principale de Bubaque

Chez Paul... L'avenue principale de Bubaque

Un jeune curé défroqué au look de routard  nous accompagne. Il rejoint notre groupe dans le canot plein gaz d’un résidence de l’île qui en 1h30 va nous transporter vers Bissau, dans une mer montante où nous cinglons, avec l’impression bizarre d’être dans un panier à salade, secoué de toute part, quelques vagues montant à l’assaut pour nous asperger d’eau !

Après un déjeuner chez l’évêque de Bissau, la route de l’enfer nous attend. Sortir de Guinée, traverser la Casamance, pénétrer en Gambie pour tenter de prendre ce bac de  Banjul de  tous les mystères, puis rentrer au Sénégal et arriver à Thiès. Nous avons prévu deux jours avec une halte à Ziguinchor pour ces environs 900 kms de route. Mais la chaleur éprouvante qui s’invite, 35° comme une chape de plomb, n’était pas prévue et étrangement, elle va bien nous servir. Sur les 12 contrôles de l’aller, nous n’en subirons que 6 au retour, avec 0 déchargement des bagages pour la fouille contre 3.... L’heure de la sieste et la chaleur poussent les pandores à agiter la main mollement sans bouger de leur siège et nous allons donc dévorer du km et de la poussière sur cette route aux tronçons rongés par les eaux et sur lesquels nous dansons de nouveau une surprenante rumba africaine !

La halte de Ziguinchor fut particulièrement appréciée. Douche fraîche, repas dans le patio de l’hôtel, Le Flamboyant, nuit paisible reposant des soubresauts encaissés pendant plus de dix heures. A l’aube, nous reprenons la route avec l’espoir d’arriver tôt pour avoir une chance de prendre le bac à Banjul sans trop de difficultés. La route est en bon état sur ce tronçon Sénégalais malgré quelques «gendarmes couchés», spécialité de ce pays. Le passage à Diouloulou nous rappelle une succulente Carpe aux oignons et une halte miraculeuse ! L’entrée en Gambie nous oblige à reprendre un visa de transit pour 60 000FCA, ramenés à 20 000CFA (le même tarif qu’à l’aller !) devant nos protestations.

Un indescriptible fouillis sur un bac hors d'âge !

Un indescriptible fouillis sur un bac hors d'âge !

 Nous entrons enfin dans Banjul et cherchons l’entrée du bac. Un policier nous contrôlant, s’installe à l’arrière et nous guide dans un invraisemblable imbroglio de gens, de véhicules divers et de «responsables»  chacun percevant une dîme sur ce que nous octroyons à notre cerbère. Au passage, nous entrevoyons des bureaux de Bolloré, le patron du port ? Miracle des miracles, nous nous retrouvons en premiere ligne devant la grille, mais sur le côté et notre guide disparait dans la foule, son argent en poche ! Il nous faudra quand même 4 heures pour passer le sas, un nouveau miracle, deux véhicules se disputant le passage, le cerbère hurlant bouge cette sacrée barrière dans le bon sens pour nous (et le mauvais pour les deux autres !). Une heure après, le bac déglingué, puant et poussif, démarre enfin et rampe vers l’autre rive dans des halètements qui jusqu’au bout, nous ferons craindre une apoplexie de ses moteurs usés jusqu’à la dernière limite.

Mais ce voyage inauguré par les miracles du curé Albert, se poursuivra sous les plus heureux hospices. La dernière portion de la Gambie sera une formalité ! Après nous avoir «rincé» à l’aller, la sortie se fait en douceur. L’entrée au Sénégal, pour un dernier long tronçon de «gendarmes couchés», d’ânes et de vaches rachitiques traversant à l’impromptu, de détritus de plastic rongeant les paysages magnifiques comme une lèpre de la civilisation industrielle (Auchan la superette de Thiès, continue d’offrir des sacs en plastic à leur nom !) ne seront qu’une longue reptation vers notre étape finale, après plus de 12h sur la route.

Il reste des images étonnantes, des sourires de bienvenue, des regards de connivence et la beauté des femmes, la joie des enfants, la sympathie réelle des Sénégalais toujours prêts à vous accueillir comme un ami qui leur veut du bien. Nous savons que tel n’est pas toujours le cas et que nos banques (la BNP), Orange, Auchan, Total, ne sont pas là par altruisme et que nos intérêts commerciaux valent bien une messe à Paris et un passage de Macron au Sénégal ! C’est notre cancer écologique que nous leur avons refilé, avec au passage quelques maux divers, histoire de leur rappeler que le néocolonialisme, c’est aussi une histoire de gros sous et de pouvoir !

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