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Simone Veil, Les combats d'une effrontée.

Publié le par Bernard Oheix

Comment ne pas sortir bouleversé du spectacle Simone Veil, Les combats d'une effrontée, qui plus est, quand on a eu le privilège d'assister à cette représentation au Mémorial de la Shoah, à Paris, dans le Marais, dans ce temple d'un drame à nul autre pareil, dans cette période ou trop nombreux sont les héritiers de ce "détail de l'histoire"comme disait Le Pen, où même un bateleur de la dernière présidentielle a pu soutenir que Pétain avait sauvé des juifs.

Quand l'antisémitisme et tous les ostracismes fleurissent et que les portes du pouvoir s'ouvrent aux tenants d'une extrême droite même camouflée, alors il faut accepter ces mots d'une violence sans partage écrits par une survivante de ce massacre au regard lucide et à l'engagement sans faille.

 

Cette pièce, tirée de son autobiographie, écrite par Antoine Mory et Cristiana Reali, mise en scène par Pauline Susini parcourt les étapes d'une vie hors du commun. La déportation et la disparition d'êtres chers dans les soubresauts de la solution finale, l'extermination des juifs et des tsiganes, puis son engagement politique et cette lutte d'une violence inimaginable pour la légalisation de l'avortement devant une assemblée d'hommes ne reculant devant aucunes vilenies  pour couvrir sa voix.

Elle est la femme alibi comme elle se définit elle-même, celle qui offre une bonne conscience à ceux qui n'ont pas voulu voir la réalité ou en portant la parole des femmes dans une assemblée d'hommes pas du tout prêts à lâcher une partie de leurs pouvoirs pour laisser la parole à l'autre moitié de l'humanité.

Le droit de vote, la possession d'un chéquier, l'accès au travail et aux études supérieures se dessinent dans cette 2ème moitié d'un siècle de toutes les fureurs pour les femmes qui tentent d'exister.

Une jeune journaliste, Camille intervient dans une émission de radio pour parler de ses recherches sur Simone Veil. C'est alors qu'elle entre littéralement sur scène, une Cristiana Reali incarnant jusqu'à la fascination les traits de Simone Veil. Tailleur, visage encadré par des cheveux tirés, elle en est la porte parole troublante, lui permettant de la faire revivre le temps d'une scène, d'une tirade, d'une larme.

Dans une mise en abîme incroyable, l'actrice offre son corps et sa voix à l'expression d'un passé toujours présent.

C'est bouleversant, d'autant plus que les auteurs ont évité le pathétique des situations extrêmes pour faire sonner les mots justes d'un éveil de la conscience. 

Cette pièce est d'utilité publique, elle enchante l'esprit et donne le ton d'un regard sans concession mais jamais misérabiliste sur les pages troubles qu'ont vécu nos anciens. C'est aussi une leçon salutaire pour tous ces jeunes qui imaginent des vérités multiples au fil de ces réseaux où tout peut se dire, même l'inconcevable.

Oui l'être humain a une valeur, oui, il y a des principes auxquels on ne peut et doit déroger et Simone Weil, l'effrontée, nous porte vers un éveil de la conscience bien salutaire.

Et comment ne pas terminer par une plongée dans les arcanes du mémorial de la Shoah. Quand les mots de la pièce résonnent encore en nous et que nous découvrons ces bribes de l'horreur. 76 000 noms de victimes, portraits infinis de visages où les sourires nient l'horreur qui arrive à marche forcée, débris et oripeaux d'étoiles jaunies, vestiges d'une vie projetée dans le vide, photos de charniers et corps décharnés.

Oui le drame des juifs nous concerne, oui, nous nous devons de ne jamais oublier que "La Bête est toujours vivante" et qu'il suffit de si peu de choses (l'actualité nous le démontre tous les jours) pour que l'horreur fige à jamais le sourire des enfants ! 

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