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Mon festival du Film 2013.

Publié le par Bernard Oheix

MON FESTIVAL DU FILM....2013

Premier Festival de l’ère de la retraite... Terminé le badge Directeur du Palais, passer devant tout le monde, entrer par les «artistes», faire les empreintes des stars (Ah ! Kim Basinger !)... Etre in...

Place à l’anonymat des longues heures d’attente dans des files interminables, à la cohue pour se battre afin d’obtenir un siège bien placé, aux regards scrutateurs des cerbères sur le badge cinéphile suspendu à la poitrine comme une prothèse permanente... Etre out...

Et vous savez quoi, j’ai aimé mon Festival du Film 2013 et ces 37 films ingérés à raison de 3 à 4 par journée. Détaché de toutes contingences autres que celle d’une maison pleine (3 corses, 1 allemand, 2 enfants, quelques neveux et 1 marocain...), hôtel California, complet... mais si vivant ! Quand on est heureux, on partage ce bonheur. Quand on a la chance d’être dans la ville du cinéma en étant cinéphile, on s’offre le plaisir extrême d’aller à la découverte du monde par des pellicules interposées, entouré d’une famille recomposée, dans un happening cinématographique que même le mauvais temps ne peut entraver.

Etre heureux et donner du bonheur en en recevant, c’est cela mon festival de 37 films concentrés en deux salles périphériques, la MJC Picaud et la salle de la Licorne et un jardin de La Bocca.

Cette année, disons-le, ce fut un très bon crû, même s’il a manqué un chef d’oeuvre pour parachever ces 12 jours de folie. Beaucoup de très beaux films, passionnants, sur des sujets attractifs, comme si le coeur de l’homme venait battre à notre porte, avec des résonances étranges qui créent des parenthèses dans des univers improbables.

Deux thèmes se sont taillés la part du lion. Le premier est celui de l’homosexualité décliné dans toutes ses variantes, rebondissant d’un Libérace à La vie d’Adèle, la Palme d’Or, de films tragiques en comédies, de scènes très crues en esthétique suggestive. Le monde en ébullition des manifestations contre le mariage pour tous résonnait comme un écho délétère de ce mouvement d’idées traversant toutes les cultures de nombre pays. Et quand on ne transgresse pas le genre, alors, on dispense son corps comme une monnaie d’échange, tel la jeune fille de Jeune et Jolie de François Ozon qui se prostitue pour combler un vide, et parce qu’il n’y a plus de repères entre son corps et la «marchandisation» de son sexe, ou l’on construit sa vie sur une imposture, comme le remarquable et jouissif Les garçons et Guillaume, à table de Guillaume Gallienne, hilarante comédie où le garçon élevé pour être une fille et aimer les garçons, s’aperçoit qu’il aime les filles et pas les garçons !

Le deuxième est paradoxal puisqu’il concerne l’enfance et la filiation. De la naissance à l’adolescence, le poupon fut roi en ce festival de la recherche d’une filiation impossible. Sujet au coeur du japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, justement primé, qui tranchera pour la loi du coeur contre celle du sang, pour les liens de l’amour contre ceux plus hypothétiques du gène. Il y eut de fréquentes naissances, des bébés fripés grandissant pour devenir des enfants maladroits, sous l’oeil d’une caméra inquisitoire saisissant les rapports tendus entre adultes et enfants (Ilo, Ilo du singapourien Anthony Chen entre une servante philippine et un enfant roi insupportable, les rapports père-fille du magnifique et très cinéphilique Michael Kohlhaas de Arnaud des Pallières, l’ambigüe relation entre une petite fille et le docteur nazi Menguele dans l’émouvant et saisissant Wakolda de l’argentine Lucia Puenzo).

Mais dans ce déluge de scénarii, d’histoires renvoyant souvent à la réalité d’un monde en crise où les plus faibles (les pauvres et les jeunes) sont broyés par la violence (l’incroyable la Jaula de oro, de Quemada-Diez, épopée tragique par les trains poussifs chargés d’émigrants qui mènent 4 jeunes des bidonvilles du Guatémala au «paradis» des Etats-Unis, (un seul survivra), Omar de Hany Abu-Assad, ou l’impossible survie de 3 jeunes palestiniens plongés par l’absurdité d’une terre occupée qui sécrète sa propre violence et broie les individus, The Selfish Giant de Clio Barnard quand deux jeunes exclus du système anglais dévoilent l’intolérable misère de ceux qui restent en marge et survivent des miettes du festin de la société.

Et maintenant donc, passons à quelques aspects particuliers de ces films en miroir. Des éléments qui surgissent au fil des heures de projections, qui se renvoient la balle et que l’on retrouve comme en leitmotiv. 5 tics sont apparus pour constituer un alphabet improbable de l’année 2013. Signalons que pour avoir l’honneur de figurer dans ce palmarès, il faut avoir été repérés 5 fois dans 5 films différents, dûment constatés par une cour de justice assermentée composée de l’ensemble des résident de mon «hôtel California».

  1. En 2013, on urine énormément dans le 7ème Art. Homme comme femme, avec des jets puissants, des commentaires acerbes (c’est les chutes du Niagara), dans toutes les positions, en devant de scène ou en arrière plan. Les «pisseurs» ont manifestement pris le pouvoir contre les «déféqueurs».
  2. En 2013, la sonate de piano envahit la bande sonore. Parfois, elle déborde même et s’insère comme un élément de l’image, les interprètes maniant le clavier comme moi, une boîte à outils, avec une certaine nonchalance et un immense talent. Les états d’âmes torturés des protagonistes retrouvent en contrepoint du jaillissement des «urineurs» désinvoltes, les notes cristallines de Schubert, Bach, Chopin...
  3. Les Films de cette année sont très souvent découpés en saisons, voire en mois. De l’été à l’hiver, de décembre à juillet, la fuite inexorable du temps, rythmée par les sonates de pianos bien qu’entrecoupées par des jets de pisse, montre à l’évidence que la linéarité est un leurre dans un monde où s’entrechoquent les violences d’un univers sans âme.
  4. Tout n’est pas aussi noir. Même brisé et à bout de souffle, les acteurs et actrices se lavent les dents avec régularité, et même la langue d’ailleurs, dans ce monde qui nous opprime. Ne jamais aller au lit sans passer par la case brosse à dents, quelque soit l’âge du protagoniste.
  5. Mais le danger guette. Opportunément, des plans de coupe avec des nuages viennent signaler les menaces extérieures, et quand on montre des nuages à l’écran, en 2013, ils sont forcément énormes, envahissant, cumulus-nimbus aux teintes bistres. Il ne suffit pas de les voir... Ils se décident à crever mais attention, quand il pleut au cinéma à Cannes, forcément, il tombe des trombes d’eau, des orages cataclysmiques, qui balayent tout sur leur passage et empêche même les essuies-glaces des voitures de fonctionner. Remarquez, les cinéastes étaient synchrones avec la météo cannoise de ces deux semaines de Festival. Prémonition quand tu nous tiens !

Voilà donc un petit tour d’horizon des manies du crû 2013 de nos cinéastes....Il faut signaler qu’un film réussit le tour de force de conjuguer les deux thèmes et la quasi totalité des tics de l’année. Il s’agit du Chateau en Italie de la soeur de..., enfin, de Valeria Bruni Tedeschi, film au demeurant intéressant, où la cinéaste tente une auto fiction dans la lignée des deux précédents opus...mais en s’améliorant nettement. Encore un effort, Valéria, et tu l’auras ta Palme !

Reste le Palmarès, éternel sujet de controverses, les pressions imaginaires, ou pas, que sont sensés subir des juges en train d’élire les vainqueurs de cette édition dans une tambouille que ne désavouerait point un gâte-sauce réfugié dans un temple du 7ème Art culinaire.

Pour tout vous dire, je ne crois pas une seconde à un Steven Spielberg engoncé dans des choix partisans. Subjectifs certes, et c’est le propre d’un jury que d’exprimer sa sensibilité, de trancher entre les options multiples d’un agrégat de personnalités aussi diverses et prestigieuses. Forcément injuste et partial, mais reflet de leurs goûts, de leurs rencontres et de ce que d’authentiques professionnels du cinéma pensent de leur art et de son devenir.

Alors primer le mexicain Amat Escalante, Heli, mauvais film, pourquoi pas ? Reste que, même si Nebraska d’Alexander payne n’est pas un chef d’oeuvre, le prix de l’interprétation masculine à Bruce Dern, récompense une belle ballade douce amère d’un vieux père et de son fils à la recherche du temps retrouvé, moment intime de grâce et scanner de la société américaine de l’intérieur. Bérénice Béjo est excellente, mais le film Le Passé de l’iranien Asghar Farhadi méritait mieux que cette récompense en trompe l’oeil (un prix du jury me semblait plus adapté !). Tel père, Tel fils de Kore Eda Hirokazu et le Inside Llewyn Davis des frères Coen sont bien justement reconnus à leur place dans le palmarès final. Je n’ai pas vu le chinois A touch of sin de Jia Zhangke.. aussi n’en dirais-je rien, si ce n’est que le cinéma asiatique, longuement annoncé depuis des années, arrive à maturité et s’impose avec logique dans le concert général des films. Il lutte enfin à armes égales avec les cinématographies occidentales.

Des absents naturellement il y en a. Le troublant et réfrigérant Jeune et Jolie de Ozon, le Jimmy P de Desplechin, le Kohlhaas de Des Pallières... les français étaient vraiment au top niveau cette année, cocorico pour nous, il y a quand même des choses positives dans notre hexagone même si la météo est pourrie !

Reste la Palme d’Or, consécration définitive et baromètre de l’année. Je n’aurais pas misé un kopeck sur une adhésion des deux anglo-saxons (Spielberg et Kidman) sur l’opus sulfureux de Abdellatif Kéchiche, La vie d’Adèle. Raté ! Et ce n’est que justice. Même si je suis critique sur certains aspects du film, c’est une vraie oeuvre de cinéma, une plongée dans le coeur embrasé d’une jeune fille, et la force de son amour dépasse largement le strict cadre d’un amour lesbien. Elle devient universelle dans le tragique de ce qui réunit et divise un couple et les larmes amères n’ont pas besoin de sous-titres ni de commentaires pour exprimer la profondeur humaine. Alors pourquoi une certaine complaisance dans la longueur, pourquoi une redondance dans la crudité de la vision de deux corps féminins faisant l’amour ! Passion quand tu nous tiens ! Un peu d’humilité peut-être et de respect pour le travail des autres (il n’y avait même pas de générique, et que l’on ne me dise pas que c’est la faute d’un manque de temps !). Pas sûr de ce point de vue que cette Palme donne plus d’humanité au réalisateur. Mais son film restera comme un évènement, sans aucun doute le plus torturé et le plus incisif des commentaires sur la vie réelle qui tapait à notre porte dans les actualités d’un monde télévisé affichant les haines et les dissensions.

Bon, 37 films, c’est 3 de moins que mon objectif initial... Je ferai mieux l’an prochain ! Il faut juste que j’améliore mon rendement...

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