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cinema

Festival du Film 2012 (1ére partie)

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des années où la Palme d’Or semble naturelle, évidente, incontournable… C’est bien le cas en cette 65ème édition du Festival du Film, pour une année 2012 qui restera celle de mon dernier Festival officiel en tant que Directeur de l’Evénementiel. Un prix suprême pour Amour de Michael Haneke, une 2ème palme pour le réalisateur mais surtout, un hymne à l’amour pour Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, un duo de comédiens sur le fil halluciné d’un crépuscule flamboyant. Il est regrettable qu’une Palme d’Or exclue toute autre reconnaissance car si jamais un Prix d’Interprétation pouvait être ordonné en cette année 2012, c’est bien à ces deux vieux revenus de tous les honneurs, de toutes les guerres qu’il pouvait être attribué.

Petite revue d’effectifs sur les films du monde qui viennent tenter leur chance sous les sunlights d’un mois de mai pourri par une pluie torrentielle.

Franchement, entre le G20 et le Festival du Film, quelle image donnons-nous de la Côte d’Azur avec ses parapluies ouverts qui ont tendance à prendre le pas sur les canotiers ensoleillés ?

L’objectif initial était de visionner 40 films… dont je dois avouer, à mon grand regret, qu’il ne fut pas tenu… La faute au temps, à quelques parties de rami corse, à la vague présence d’un bureau où il fallait bien parfois faire acte de présence, de quelques rendez-vous sur Nice et de la fatigue due à mon âge presque vénérable qui m’ôte désormais la capacité de dépasser 5 films par jour… On ne peut avoir été et perdurer…

 

Sur les 38 films vus, 14 provenaient de la Compétition, 9 d’un Certain Regard et 7 de la Quinzaine des Réalisateurs, les autres se répartissant dans des catégories annexes bien souvent passionnantes comme la Semaine de la Critique, le Cinéma des Antipodes, Visions Sociales… Et justement…

Les Voisins de Dieu un 1er film de Meni Yaesh, en est un bel exemple. Des jeunes intégristes juifs se battent pour faire respecter les préceptes d’un Dieu d’intransigeance tout en fumant des joints et en composant de la musique de transe… La rencontre avec une jeune juive délurée va bouleverser l’existence d’Avi et déséquilibrer son rapport aux autres et à la violence…

Monsieur Lazhar du Canadien Philippe Falardeau est un film magnifique et émouvant sur le déracinement et l’exil. Un enseignant algérien obtient un poste de remplacement dans un collège pour pallier l’absence de la précédente titulaire qui s’est suicidée dans sa classe. Les élèves et l’enseignant vont se découvrir et apprendre à s’aimer et à se respecter. C’est simple comme une belle tranche de vie d’êtres déchirés devant la beauté et la cruauté, la gentillesse et la méchanceté naturelle des enfants.

Petit bijou avec une perle de Nouvelle Zélande. L’Orateur de Tusi  Tamasese campe un nain marginalisé par sa taille mais dont la femme, elle-même bannie de son clan, est une  prêtresse étrange. A la mort de celle-ci, il va oser enfin affronter la nécessité de devenir un « orateur », un chef de village, pour récupérer le corps de sa femme volée par son ancien clan. C’est bouleversant, un des chocs de ce Festival, un film au cordeau de tous les sentiments, permettant à la laideur de devenir grâce, à la faiblesse de se transformer en force brute et au cinéma de devenir la vie réelle.

 

Pour ce qui est d’Un Certain Regard, l’autre versant de la sélection officielle, quelques perles : Les Bêtes du sud sauvage dont le réalisateur, Benh Zeitlin, sera récompensé de la Caméra d’Or (prix du premier film). Dans un lieu improbable, portion de terre immergée, quelques humains survivent et un père agonisant, tente d’insuffler la force à sa petite fille afin qu’elle lui survive. Beau et poignant, étrange et désordonné…

Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch où comment cerner concrètement le basculement vers le terrorisme afin de devenir martyr et de gagner un paradis peuplé de vierges offertes. Tout ce que vous avez voulu savoir sur ces porteurs de ceintures explosives et que vous ne pouviez comprendre. Le rapport entre la misère sexuelle et la pauvreté menant vers le chaos intérieur. Un vrai film poignant, à la fois didactique et imagé sur le désespoir du monde et les grandes frustrations qui mènent vers le renoncement. C’est aussi un extraordinaire bréviaire sur les méthodes des fondamentalistes pour endoctriner les plus faibles et construire cette armée d’Allah qui doit nous indiquer les voies aux forceps de la rédemption.

 

Je n’étais pas fan du Mammouth de Délépine et Kerven. Aussi suis-je entré à reculons devant Le Grand soir pour rapidement laisser choir mes préventions. Il faut avouer que « Not », le plus vieux punk à chien d’Europe, interprété par Poelvoorde et Jean-Pierre (Albert Dupontel) son frère vendeur en literie licencié pour insuffisance de résultats, l’accompagnant sur les chemins de la dérive, en un duo de pieds cassés éperonnant le bon sens et le bon goût, ce n’est pas piqué des vers. Il y a du rythme, de la comédie, de l’émotion, énormément de dérision (Brigitte Fontaine en maman sculptant les frites !), un reflet cruel d’une société engoncée dans son conformisme et ses certitudes et bien sûr, de la tendresse pour ces pieds nickelés de toutes les frontières.

Deux films enfin pour cauchemarder. Aimer à perdre la raison de Joachim Lafosse ou Tahar Rahim fait des enfants à une Emilie Dequenne enfermée sous l’œil omniprésent du tuteur de son mari, (l’abominable Niels Arestrup !), jusqu’à perdre la notion du bien et du mal, entrer dans le cercle d’une dépression profonde et tuer ses enfants sans réussir à se suicider. Glaçant, déprimant, horrible et mystérieusement fascinant…

Quant à Después de Lucia, film mexicain de Michel Franco qui obtint le Prix « Un Certain regard », c’est tout simplement un chef-d’œuvre macabre, une plongée en apnée dans un monde de violence délétère et de soumission bestiale. La belle et jolie Alejandra vient de perdre sa mère Lucia et porte sa mort accidentelle comme un fardeau. Avec son père, elle déménage pour vivre à Mexico et intègre un lycée de la haute bourgeoisie. Elle va devenir, par un enchaînement de circonstances, un enfant martyr, le bouc émissaire, celle qui concentre toute la haine et les frustrations d’une bande d’adolescents où les valeurs de la vie sont relatives, les frontières de la permissivité rendues floues par les pulsions du sexe et de la drogue. Ridiculisée, avilie, violée sans qu’elle réagisse jusqu’à sa fuite mimant un suicide, déclenchant un horrible final, une vengeance ignoble de son père contre son tortionnaire en chef, en une séquence qui est un vrai viol de la morale !

Film nauséeux, par-delà le bien et le mal, film d’interrogations sur une société malade des valeurs d’humanité, filmé comme si c’était un dernier cri devant l’empire d’un mal qui ronge l’être humain !

Suite au prochain numéro…..

 

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En finir avec le Festival !

Publié le par Bernard Oheix

 

Il est le temps des bilans, de faire le point sur le Festival. Tout d’abord, une grosse déception…J’avais prévu de voir 40 films et mon compteur s’est arrêté à 33 ! J’ai presque honte…

La faute à qui ? A moi tout d’abord, incapable de voir plus de 4 films dans une journée, coincé par quelques vagues moments de labeur, des rendez-vous inopinés, la maison pleine (jusqu’à 10 personnes en heures de pointe !), les parties de rami jusqu’à 2 heures du « mat », un peu de vélo et de baignades, quelques empreintes de stars à faire et mes états d’âme en plus en regardant l’image d’un DSK non rasé, menottes aux poignets et regard perdu sur ses illusions envolées et en écoutant les fariboles grotesques d’un illuminé danois auteur d’un film crépusculaire génial !

Mais comment lutter ? Le visionnement de films est aussi une aventure pleine d’imprévus, un sport extrême impliquant une condition physique à toute épreuve.

 

Une journée type d’un festivalier :

Samedi 21 mai 2011 : Réveil à 7h30 pour être au Palais à 8h30. La source des femmes de Radu Mihaileanu m’attend. Film de l’auteur attachant du « Concert », (rappelez-vous, la belle (toujours !) Mélanie Laurent...mais c’est une autre histoire !),  2h16 après, dont au moins une demi-heure de trop, on est convaincu de la nécessité d’amener l’eau courante dans ce village perché dans les montagne de l’Atlas, moins de la qualité du film hélas, même si  on ne peut qu’avoir de la tendresse pour ces femmes belles entamant une grève du sexe auprès de leurs maris afin de les obliger à mettre la main au couscous…Le résultat final nous laisse sur  notre faim !!!

A 11h30, les marches du Festival s’affichent sur l’écran au son de la musique générique. Les Bien-Aimés, le film de clôture de Christophe Honoré, nous embarque pour 2h25 d’une très belle histoire, rythmée par les chansons d’Alex Beaupin, sur les amours d’une femme courant sur 40 ans d’une vie et deux hommes aimés. La distribution est magnifique, avec Catherine Deneuve, sa vraie fille qui joue sa propre fille dans le film (oh !), Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier convaincante en Deneuve jeune…Bon, 2h25 quand même, il aurait pu penser à nous et enlever deux chansons + 15 mn de pellicule ! Réduit à deux heures, je prenais encore mon plaisir !

A 15h, après une restauration sur le pouce (mais pas de couscous, un pan bagna arrosé d’huile d’olive), un tunnel de 2h37 m’attend. Bir Zamanlar Anadolu’da de Nuri Bilge Ceylan s’enfonce dans les terres d’Anatolie à la recherche d’un cadavre. Le genre de Turc à vous faire un plan superbe étirant à l’infini le mini rictus naissant à la commissure des lèvres du commissaire…Disons-le, autant les deux autres films étaient trop longs, autant celui-ci paraît interminable. Bien sûr que l’image est belle, que c’est bien joué et que l’histoire est bien construite avec ses deux idées pour 1h15 chacune…Il n’empêche que le fait qu’il se retrouve affublé d’un Prix spécial du jury nous donne un aperçu de l’ambiance qui devait régner dans ce jury…

Un peu assommé malgré tout par les 7h18 des 3 films précédents, je décide d’aller à la MJC Picaud pour la clôture de la Quinzaine afin de m’achever. Au menu, Les Géants, un film belgo, franco, luxembourgeois de Bouli Lanners ! Ô divine surprise…Il ne fait qu’1h24, presque un court métrage en rapport des 3 films précédents ! A peine commencé, déjà fini ! Des ados, (encore !), livrés à eux-mêmes, confrontés à des truands, perdant pied, fumant, pétant et s’enfuyant vers l’inconnu…petit film gentillet sans grande prétention…du moins on l’espère !

 

A 21 heures, à peine sorti de la salle un peu hagard avec les yeux en boules de loto, je fonce dans les jardins de la Médiathèque pour la dernière soirée des « Inrockuptibles ». Musique live, (Saul Williams, que je programmerai dans les Concerts de Septembre, les Brigittes, Anna Calvi, Quadricolor…), ami(e)s vautré(e)s dans l’herbe douce sous une température idéale… C’est la première fois qu’un lieu alternatif fonctionne pendant le Festival. Un vrai succès dû à l’intelligence de l’équipe des « Inrocks », la souplesse des services d’ordre (comme quoi, une sécu intelligente, c’est possible !), un public adorable, branché mais pas trop, jeune mais sans exclusivité, un lieu magnifique mis en valeur avec goût…le rêve quoi avec du champagne à volonté !

 

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Bon, après cela, on ne peut s’étonner de ne point atteindre la barre des 40 films !

 

Reste le dimanche à 19h, la cérémonie de clôture avec le Palmarès attendu par la bouche de Robert de Niro avec Mélanie Laurent (Oh ! oui !) en hôtesse d’élégance et de charme. Des prix espérés, toujours controversés, qui ne laissent jamais insensibles, surtout quand on a visionné presque tous les films de la compétition, (sauf deux, le Dardenne et l’israélien). Pas de chance pour moi, ils vont se retrouver palmés !

 

La Palme d’or 2011 est une supercherie consensuelle. Un beau film raté n’est pas un vrai grand film et si Terrence Malick est un immense réalisateur, ce n’est pas ce film qui lui écrira une nouvelle page de sa légende…Récolter les fruits des Moissons du ciel à l’automne, c’est franchir une Ligne rouge…Autant ne pas envoyer le film en projection et attribuer au préalable la Palme au mérite agricole !

Le film turc est ennuyeux au possible. Lui attribuer le Grand Prix, (avec le Dardenne dont je ne parlerai pas, et pour cause !), c’est comme donner une prime au cinéma d’auteur du tiers-monde envers et contre tout en justification du choix précédent. Il y avait mieux à faire ! Le Prix de la mise en scène est une galéjade. Le donner à Drive, (et non au Japonais Ichimei : mort d’un samouraï, de Takashi Miike) c’est vraiment se foutre du cinéphile et prendre une pochade de série B pour une lanterne magique !

Les Prix d’interprétation sont à l’image du reste…Rater Tilda Swinton est un événement même si Kirsten Dunst ne démérite pas dans Melancholia. Cela sent la compensation stratégique pour un Lars Von Trier out of order ! Quant à Dujardin, il est superbe dans son rôle de star du muet…sauf que The Artist mérite mieux que ce prix d’interprétation par trop r(s)éducteur…

 

Bon mon palmarès n’en déplaise à Robert de Niro, Jude et Uma…

 

Palme d’or : La piel que habito de Pedro Almodovar

Grand Prix du jury : Le Havre de Aki Kaurismaki et Melancholia de Lars Von Trier

Prix d’Interprétation féminine. Tilda Swinton pour We need to talk about Kevin.

Prix d’interprétation masculine : Michel Piccoli pour Habemus Papam

Prix de la mise en scène :   Ichimei de Takashi Miike

Prix du jury : The Artist de Michel Hazanavicius

Prix du scénario : Polisse de Maïwenn

 

Et tant pis pour le Gamin au vélo des frères Dardenne et pour Pater d’Alain Cavalier que je n’ai pas vus …

 

Mais il a vraiment de la gueule ce Palmarès, même c’est moi qui  l'ai élaboré ! Qu’ils me prennent dans le jury l’an prochain et ils auront des récompenses à la hauteur de cet événement planétaire et j’atteindrai enfin naturellement mon objectif de 40 films pour un Festival !

Bon, on va s’arrêter là. Il faut que j’aille reposer mes yeux !

 

 

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28 films après...

Publié le par Bernard Oheix

Une orgie de films, des kilomètres d’images qui défilent sous les yeux, des histoires qui se télescopent, s’enchevêtrent et donne une vision composite du monde extérieur. Des pleurs et des rires, du sérieux et du futile, des factures soignées et des images sales… Une histoire du monde en train de se contracter.

 

Un thème récurrent se dégage, comme si tous les scénaristes de la planète films s’étaient tenus la main pour étirer à l’infini la cause des enfants. Enfants violés, adolescents serials killers, bambins causant l’explosion des structures familiales, drogués, menteurs, bourreaux et victimes à la fois d’un monde qui se convulse en assassinant son futur !

Chaque année on perçoit des thèmes qui surgissent du néant. Cette année, nos chères têtes blondes sont à l’honneur même si ce n’est pas toujours à leur avantage !

Outre le We ned to talk about Kevin de Lynne Ramsay ou la naissance d’un sérial killer, Blame de Michael Henry (Australie), une bande de jeunes en train de tenter de tuer un prof de musique, est pas mal dans l’horreur pieds nickelés, Martha Marcy may Marlène de Sean Durkin campe la fuite hors d’une secte d’une jeune fille rattrapée par son passé, Corpo Celeste de la Suisse Italienne Alice Rohrwacher confronte une adolescente au sentiment religieux dans une Italie du sud sous la férule de l’église, et bien sûr Beautiful Kate de Rachel Ward ou un inceste débouche sur l’éclatement de la famille et le suicide. Nombre de ces films sont réalisés par des femmes, peut-être faut-il y voir un lien de cause à effet avec le traitement du thème de l’enfance ?

 

 

Dans la série des implosions en vol, The Tree of Life de Terrence Malick, le si attendu mutique réalisateur des Moissons du ciel, compose une ode incompréhensible aux relents mystiques, sous-utilise un Sean Penn torturé à souhait, donne du commentaire sourd pour souligner des images flamboyantes totalement inutiles, planètes et cosmogonie des désarrois d’un scénariste en panne ! Tout cela pour ça ! Et dire qu’il faudra attendre encore 5 ans avant qu’il ne produise un nouvel opus, un chef-d’œuvre peut-être ! Il y a pire, L’Appollonide de Bertrand Bonello dévoile des corps inutiles dans une maison close, femmes au sein généreux dans le vide d’une existence que le film reflète un peu trop fidèlement !

Tout l’inverse du Melancholia de Lars Von Trier. Une comète fonce vers la Terre…Deux sœurs vont régler leur vie à l’aune de cette collision. Justine dans un mariage avorté pour aller avec sérénité vers une mort annoncée, Claire s’accrochant à la vie pour un enfant qui ne verra pas le jour se lever et un mari bardé de certitudes qui se suicidera avant l’échéance. C’est beau, puissant, terrifiant. Cela s’ouvre par 10 mn surréalistes d’images précieuses à couper le souffle, cela s’achève dans le tourbillon statique d’un holocauste cosmique. Entre les deux, la vie implose de toute part aux sons de la 9ème symphonie de Beethoven et le réalisateur balance des vannes stupides en conférence de presse pour se faire lourder du Festival. Au delà de la « provoc », si Lars est nazi, moi je suis Lénine !

 

Dans les pépites, The Artist de Michel Hazanavicius. Un film en noir et blanc, quasiment muet avec deux acteurs éblouissants. Le parlant arrive. La star du muet campée par Jean Dujardin rate son passage et se retrouve ruiné par la crise économique. Il va sombrer sous l’œil inquiet d’un ange gardien, la sublimissime nouvelle star du parlant incarnée par Bérénice Béjo. Le final en happy end, l’amour du cinéma que dégage cette mise en scène, la qualité technique en font un film jubilatoire, réjouissant, une porte ouverte sur le souvenir et l’amour éternel. Il sera dans le palmarès, c’est certain !

Le Havre de Aki Kaurismaki est une plongée décalée dans l’univers des petites gens, ceux qui sont ignorés par la grande histoire mais inventent la vraie vie des solidarités. Immigrés, clandestins, boutiquiers, cireurs de chaussures, ils survivent entre la misère et le bonheur, rattachés par des joies simples à l’amour et l’espoir. Des acteurs superbes, une lumière exceptionnelle, une caméra statique qui laisse le cadre vivre du mouvement des acteurs, c’est un cinéma légèrement « différent » pour une histoire de générosité aux résonances universelles. Une superbe page d’espoir à la mise en scène fascinante !

Les Neiges du Kilimandjaro est un authentique bijou. La bande à Guédiguian (Ariane Ascaride, Darroussin et Meylan), tous quinquagénaires proche de la retraite, combattants sociaux et politiques, est confrontée à la misère, au désespoir de jeunes qui n’ont plus de rêves. Un braquage chez eux pour dérober la cagnotte d’un voyage en Afrique, au  Kilimandjaro va mal tourner. Leur agresseur derrière les barreaux, ils vont comprendre les raisons de leur échec et les racines du mal qui ronge la société. Un hymne à la vie et au combat pétri de générosité, d’altruisme et de respect ! A voir comme une thérapie à l’indigent La Conquête de Xavier Durringer, apologie à peine déguisée d’un Président en exercice utilisant toutes les ficelles les plus grossières pour détourner l’attention du présent !

 

Le Festival s’accélérant, une palette de films superbes viennent obscurcir ma capacité à voir le palmarès se dessiner !

La Piel che Habito de Pedro Almodovar est un grand Almodovar ! Va-t-on enfin se décider à lui remettre cette Palme pour en terminer avec sa saga de looser ? Ce serait presque dommage si cela devait tarir son imagination fertile, un univers si particulier, sa gestion des acteurs (Ah ! Banderas !), son scénario aux rebondissements incessants, cette frontière troublante qu’il dessine entre les sexes, les âges, cette photo découpée au laser avec des couleurs criardes. Vive Pedro et sa Palme d’Or.

Ichimeï de Takashi Miike nous offre une première : des lunettes en 3D pour une œuvre flamboyante sur les samouraïs. On peut douter de l’utilité de cette vision en profondeur (bien au contraire, parfois cela découpe les personnages de premiers plans en silhouettes sans chair !), mais le film est envoûtant, construit en puzzle avec retour en arrière, deux « ronins », samouraïs pauvres sans maîtres, vont être confrontés à la misère et à l’amour. L’un se fera « Hara-kiri » pour sauver son enfant, l’autre le vengera dans un combat terrible…Lutte du pauvre contre le riche, de l’amour contre les conventions, du serf contre le seigneur, une belle épopée admirablement mise en scène, jouée à la perfection, alternant les moments de tension et les instants de vie d’un bonheur frugal !

This must be the place de l’Italien Sorrentino permet à Sean Penn d’entrapercevoir le prix de l’interprétation masculine…à tort ! Son personnage de rock star transgenre dépressif à la recherche du bourreau nazi de son père est quand même too much ! Dommage, il y avait de belles idées, de belles images mais ce film se veut tellement mode qu’il en devient racoleur !

N’oublions pas un objet étonnant non identifié, Trabalhar Cansa de Juliana Rojas et  Marco Dutr, deux Brésiliens qui osent dénoncer le cancer (le démon !) du travail et de la conception animale de la recherche d’un poste dans une parabole sur une supérette dans laquelle un monstre s’est niché ! Réjouissant et abominable !

Reste Polisse de Maïwenn. Une image un peu série télévisuelle ne gâche pas notre plaisir. Malgré un scénario quelque peu fourre tout (tous les cas de figures sont analysés), des acteurs incroyables de vérité avec un Joeystarr en équilibre entre les forces du bien et du mal, des femmes (Karin Viard, Marina Foïs) bouleversantes, des moments de tragédies, la force d’un groupe, les déchirements des individus, la proximité du mal qui ronge cette brigade des mineurs, font courir des frissons, du rire, des pleurs, renvoyant à l’inhumanité d’une société perplexe, désorientée et à la violence tant physique que morale. Un grand film à voir de toute urgence qui sera au Palmarès !

 

Voilà, il reste une poignée de films à visionner, quelques heures avant le palmarès et l’aventure s’achèvera dans les remugles d’une chambre d’hôtel new-yorkais offrant un scénario que nul écrivain n’osait imaginer ! La réalité de ces films est parfois bien voisine des cauchemars d’un présent asphyxiant !

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FIF (5) : Une histoire de Palmarès !

Publié le par Bernard Oheix

Cette année, foin de billevesées…M’étant fixé comme objectifs de voir tous les films et de donner un palmarès exact le dimanche 23 mai à 18h45, je me suis attelé à mon travail de critique parallèle, pendant tout ce festival, ce qui implique de ne pas dormir aux films en compétition et de n’en rater aucun !  Sauf bien sûr, quand Nadine S et Eurielle D, deux de mes collaboratrices adorées, émergeant de la salle noire, me confièrent qu’elles avaient enfin vu le « navet » (il y en a toujours un !) de l’année, que son réalisateur portait un nom imprononçable et que le film avait un titre à coucher dehors ! J’ai donc fais l’impasse sur ce chef d’œuvre en péril et parmi les 32 pellicules ingérées, 18 appartenaient à  la compétition, m’autorisant un jugement sûr et une autorité toute neuve…J’étais donc bien armé pour faire mon palmarès et prouver aux cinéphiles du monde entier la justesse de mes goûts !

 

19h, 15 devant mon écran. Les prix s’égrènent…L’homme qui crie du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Prix du jury, parfait, mérité amplement ! Petit accroc avec le Prix de la mise en scène à Tournée, (que je n’ai pas aimé !) même s’il m’apparaissait évident qu’il se retrouverait parmi les élus. C’est un moindre mal, une médaille en chocolat, concession au style déjanté de Tim Burton, le président du jury….Pourquoi pas ?

Bingo avec le Prix du scénario pour Poetry du Coréen Lee Chang-dong. Là, il fallait le trouver, petit frisson d’adrénaline ! Pas de problème pour l’interprétation féminine de Juliette Binoche. J’ai détesté le film mais il était évident qu’elle obtiendrait son bâton de maréchale…Rebingo pour l’acteur masculin, Emilio Germano du film de Luchetti, La nostra vita avec une surprise, le partage de cet honneur avec l’éblouissant Javier Bardem de Biutiful…Tout va bien donc jusque là !

Arrive le Grand Prix du jury pour le magnifique film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des dieux…encore dans le mille. Je suis au bord de l’apoplexie, comme le jour où sont sortis les 5 premiers chiffres du Loto… (Bon, pour la petite histoire, le 6ème, on l’attend toujours et mon gain potentiel de plusieurs millions s’est transformé en une enveloppe de 5000€, seulement !).

Du haut de mon Olympe cinématographique, il ne me reste plus qu’à ouïr le nom de la Palme d’Or, à l’évidence Biutiful d’Inarritu pour atteindre l’orgasme, la certitude d’être un visionnaire, au top de la critique… Quand, patatras ! Le président se lève et jette en pâture un nom totalement imprononçable, une nationalité thaïlandaise, un titre de l’autre monde : Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures  de Apichatpong Weerasethakul, coiffe sur le poteau le Inarritu ou le Mike Leigh, voire le Hors La Loi ou l’autre coréen…Ô rage, ô désespoir, …le seul film de la sélection que je n’avais pas vu ! Le seul à avoir échappé à ma vigilance !

 

Bon, qu’à cela ne tienne, il me reste la séance du lundi pour rattraper la Palme d’Or et finir sur un sans faute. Chaque année, le vainqueur est présenté aux Cannois, le lendemain de la cérémonie de la remise des prix, pour 3 séances. Dès 15h, dans la grande salle, j’attends enfin de visionner l’objet du délit quand soudain, l’adjoint au Maire rentre sur scène et annonce que le film projeté ne sera pas la Palme d’Or, mais le Grand Prix du Jury, Des Hommes et des dieux… de Xavier Beauvois pour des raisons obscures où l’on comprend que le film thaïlandais, trop difficile, pourrait ne point plaire aux pauvres Cannois incultes et qu’une bonne dose de piété ne pourrait qu’élever leur âme !

 

Il va falloir que je m’y fasse, je ne verrai jamais la Palme d’Or 2010 ! Aurais-je voté comme les membres de cet éminent jury de choc ? Je ne le saurai jamais…Je vais réfléchir à l’an prochain…tous les films je verrai, c’est certain, et après, je sortirai un palmarès à moi, tout neuf, complet et personne ne pourra rien y redire, non mais !

 

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Douloureux Festival du Film (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Première livraison de critiques portant sur le Festival du Film de ce mois de mai 2010…Début laborieux, avouons-le, avec une certaine colère et beaucoup d’incompréhension. Snobisme à l’envers ou enthousiasme programmé de nos amis critiques. Il faudra m’expliquer comment Robin Hood peut devenir pour Libération, un héros prolétarien, après son traitement « Scottien » ou la tournée, un hymne à la nuit "qui met la barre très haut (sic)", pour le Festival... Désolé, Bernard pas comprendre !

 

Film d’ouverture du Festival de Cannes. Robin Hood, par Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett. Ou l’histoire de Robin avant qu’il devienne des Bois, revu et corrigé par la grande machinerie américaine, sur un scénario indigent, avec des acteurs convenus dans des rôles sans surprises, un montage tellement hollywoodien que l’on pourrait en faire une leçon du cinéma par l’absurde. Il faut noter la séquence du débarquement à la façon du « jour le plus long », monument kitsch élevé à la gloire de tous les cinéphiles comme une faute de bon goût, paramétrage absolu du vide historique, des scènes qui étirent le temps en laissant les personnages exsangues à force de regards faussement intériorisés et d’attitudes compassées. Ce film est au cinéma historique ce que le Macdo est à la nourriture : un plat indigeste d’une industrie qui ne sait plus rêver !

Rizhao Chongqing, (Chongqing blues) de Wang Xiaoshuai. (Compétition). Où et comment 2 milliards de citoyens sont définitivement rattrapés par Papa Freud en terre Mao. Un père qui a la «fibre paternelle » malgré sa disparition depuis 14 ans, revient pour comprendre la mort de son enfant (25 ans) tué au cours d’une prise d’otage. Son enquête, lente à souhait, chargée de signification à chaque plan étiré, prouve « qu’il manquait beaucoup à son enfant » ! C’est du cinéma pesant, musique redondante, maniérisme de la mise en scène, pâle copie d’un cinéma européen des années 70 basé sur l’affect et l’académisme. On en sort laminé par tant de componction ! Deux éléments ressortent pourtant de cette projection matinale : revoir Chongqing où j’ai passé une semaine en voyage culturel particulièrement passionnant et éprouvant, (ville tentaculaire avec une conurbation de 35 millions d’habitants), et indirectement, ce film donne une image d’une Chine beaucoup plus complexe que celle des discours officiels et des images préfabriquées. La politique de l’enfant unique et le sacre de l’enfant roi a donné aux jeunes une place centrale dans la société qu’ils ne sont pas près d’abandonner aux oripeaux d’un pouvoir central étrangement absent ! Les enfants de la Chine sont en train de s’éveiller et il n’est pas certain que les rêves de ces jeunes seront aussi lisibles et prévisibles que dans un livre rouge ou dans les pages de Sigmund !

Tournée de Mathieu Amalric. (Compétition). Grotesque et ridicule. Les « news burlesques », spectacles de strip-tease et de cabaret, jouent dans des salles de province combles devant des publics hystériques (faudra m’expliquer ce petit détail ! Comment avoir des salles pleines avec un spectacle en province que personne ne connaît ?). Un ancien producteur de télévision caractériel et tricard tente de les imposer pour son come-back des « states » où il s’était exilé. Tout se mélange, les situations les plus improbables mais tellement « tendances », s’enchaînent, le passé revient par bribes sans jamais être expliqué, sans aucune cohérence ni émotions, tout sombre dans l’à peu près comme le jeu exhibitionniste de l’acteur principal et réalisateur qui mouline dans le vide pour faire croire qu’il avance. C’est un film sur le monde du spectacle (celui-là, je le connais un peu !), comme une caricature à gros traits épais et baveux à souhait, le monde de la nuit pour « gogos », avec cigarettes, whiskies et grosses pépées ! La scène finale dans un hôtel abandonné sur une île au large de La Rochelle est un monument élevé à la bêtise !

Bran Nue Dae de Rachel Perkins, (Cinéma des Antipodes) est l’adaptation sympathique d’une comédie musicale Australienne aborigènes située dans les années 60. Willie, un jeune garçon destiné à la prêtrise par sa mère, choisira l’amour de Rosie et une vie naturelle dans ce paradis de Broome, sur une côte perdue à 3000 kms de Perth, plutôt que l’évangélisation de ses confrères noirs. Les chansons sont efficaces, le thème honorable, les acteurs portent un message de tolérance et d’espoir non départi d’humour. C’est un film gentillet qui ouvre l’horizon sur les paysages magnifiques de ce continent du bout du monde et sur l’oppression des aborigènes et le rôle de l’église. A déguster sans se prendre la tête et sans imaginer que le monde sera transformé à la fin du prochain plan-séquence !

 

Bon, le festival continue… Les salles sombres m’attendent… Petite entorse, cet après-midi, je cours à la soutenance de thèse de Julien Gartner, (La place des arabes dans le cinéma Français) à Nice. Il a dans son jury, Jean A Gili, mon ex-professeur de Cinéma à l’Université de Nice, tendance siècle passé, il y a quelques lustres, quand je n’étais encore qu’un étudiant heureux et sans histoires, avec une vie à construire et des rêves dans la tête ! Je suis ému de le retrouver, plus de 15 ans que ne n’ai pas eu de ses nouvelles. Je vous raconterai !

 

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Mon Festival 2008 (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Des beaux moments de cinéma, il y en eut pendant ces 12 jours de Festival, beaucoup bien sûr et heureusement, suffisamment pour remplir la tête de panoramiques cernant les personnages, d’éclairs de violence, de plongée dans la réalité, de notes en contrepoint, de couleurs délavées et autres procédés techniques chargés de coller en symbiose une forme sur un fond.

Le cinéma a cela d’incroyable qu’il autorise toutes les audaces, permet toutes les ellipses, entraîne vers des mondes imaginaires en parlant de notre réalité. Il parle à la tête en passant par les sens, commotionne le cœur en court-circuitant le filtre du cerveau, vous fait pleurer et rire, vous donne la certitude de ne plus être dans le monde présent et vous offre un avenir éternel.

C’est cela mon Festival, c’est lui qui me pousse à voir 3 a 4 films par jour en moyenne, à enchaîner des histoires de continents opposés, à voir se tisser des liens improbables dans des hémisphères qui s’ignorent, comme si le monde des idées était plus fort que les camisoles qui nous isolent dans nos solitudes.

Vive le cinéma des rencontres.

 

Dans la série surprenons-nous, deux petits évènements avec deux bijoux de films d’animation. Kung-Fu Panda de Mark Osborne et John Stevenson et Waltz with Bashir de Ari Folman. Le premier est un conte délicieux avec un bon gros Casimir adepte de Kung-Fu qui va devenir un guerrier de légende et sauver le monde du mal. C’est gai, frais et amusant, un film que l’on rêverait de voir avec ses enfants. Le deuxième est dramatique, il parle de la guerre du Liban et de l’occultation dans la mémoire du narrateur, du drame de Sabra et Chatila, un massacre perpétré par les phalangistes contre les populations palestiniennes sous les yeux des militaires de Tsahal. Le graphisme est étonnant, on en oublierait que c’est un dessin animé. C’est superbe, émouvant, déchirant et cela parle du rôle de la guerre dans la destruction de cette part d’humanité qui réside au fond de chacun d’entre nous.

A l’évidence, les progrès techniques de l’animation permettent désormais de coller à un projet artistique en inventant un langage approprié. Avec le Marjane Satrapi primé l’an dernier, il y a éclosion d’un nouveau genre totalement adulte et cohérent. Vive le dessin animé et parions que le Waltz with Bashir aura un prix, il le mérite.

 

Moscow, Belgium du Flamand Christophe Van Rompaey est un premier film totalement réussi qui inverse avec jubilation les codes traditionnels. Il s’agit du drame familial de la femme de 40 ans délaissée par un mari artiste lui préférant une jeune élève. La rencontre musclée avec le camion d’un camionneur va lui permettre de briser les tabous, d’inverser les rôles et de plonger dans les délices d’une nouvelle aventure amoureuse avec son « Gigi l’amoroso ». C’est émouvant, drôle et terriblement amoral !

Dans le registre des comédies sympas, on trouve certains films du cinéma australien, très présent à Cannes comme Footy Legends de Khoa Do, délicieux conte sur fond de chômage d’un groupe de loosers qui se transforment en winners par la grâce d’un rugby à 7 et d’une énergie puisée dans le dérisoire. C’est plein de tendresse et d’espoir et l’on applaudit des deux mains au dernier essai qui consacrera la victoire du faible sur le fort. Le sport dans ce cas précis est le moyen de se libérer et non d’aliéner un peuple comme dans le film de Salles (Linha de Passe).

Autre bijou avec O’Horten de Bent Hamer qui doit solder ses comptes avec sa vie au soir de son dernier voyage comme conducteur de train. Pour gagner cette liberté et accepter son statut de retraité, il va falloir que le héros (Odd) au temps retrouvé passe par quelques épreuves initiatiques. Après une entame très classique, le film s’autorise quelques incursions dans le monde de l’absurde, décalage réel entre le sérieux du protagoniste et les situations complètement loufoques qu’il vit. C’est frais et revigorant comme un pays nordique sous la neige.

Petite comédie française avec en vedette un Darroussin enfin échappé des Pyrénées, Les Grandes Personnes de Anna Novion est un conte loufoque qui brode autour des émois d’une adolescente et du rapport qu’elle entretient avec un père possessif et fantasque à la recherche d’un trésor. Les adultes ne seront pas épargnés dans cette rencontre fortuite entre deux familles pour cause d’erreur de location d’une maison en Suède. C’est gentillet comme une glace à la vanille en temps de vacances.

 

Linha de Passe de Walter Salles et Daniela Thomas (après le film Carnet de voyages sur le Che) montre la vie d’une famille dans les quartiers pauvres de Sao Paulo où tous les chemins qui mènent vers la réussite semblent condamnés. C’est un film noir sur l’enfance dérobée et sur la pauvreté où le football devient le nouvel opium du peuple et sert d’exutoire à toutes les misères, où la ligne qui sépare l’honnêteté de la malhonnêteté est si ténue, que l’on peut la franchir à tout moment. Il en va de même avec Le sel de la terre de Annemarie Jacir, un film sur le retour en Palestine d’une fille de réfugiés, née aux Etats-Unis. Elle cherche à récupérer un maigre pécule laissé par son grand-père dans une banque palestinienne et tente de retrouver les traces de sa famille. Si Kafka devait renaître, il fait nul doute qu’il élirait domicile en territoires occupés ! Son combat pour rester sur la terre de ses ancêtres croisera le chemin d’un jeune Palestinien qui désire s’évader de cet enfer. C’est un film très sensible et émouvant même si quelques naïvetés parsèment son parcours.

 

Blindness de Fernando Meirelles faisait l’ouverture du Festival. L’occasion était trop belle d’entamer cette semaine dédiée aux dieux de la pellicule par un film dont le sujet est une pandémie de cécité dans un monde qui a perdu son âme. Les aveugles parqués dans des prisons vont reproduire les tares de la société, les plus forts dominant les faibles, la violence prévalant sur la raison, et les femmes devenant une marchandise dans un troc pour la survie. C’est une parabole entre la nuit des morts-vivants et un conte philosophique pervers. Dommage qu’une fin poussive aux relents de happy end vienne entraver cette glissade dans les abysses de la noirceur des hommes.

 

Gomorra de Matteo Garrone est une peinture des luttes fratricides entre clans de la Camorra. Sur fond de drogues, extorsions, d’escroqueries à l’Europe sur le traitement des déchets, de meurtres et d’armes, plusieurs histoires s’entremêlent pour peindre un tableau d’apocalypse d’une société au bord du gouffre. Il n’y a plus de lois, plus de règles, les amis d’enfance se tuent, les mères se font assassiner par des hommes de mains, les jeunes n’ont comme objectif ultime que d’intégrer une bande et pour ce faire, passent des épreuves initiatiques en se faisant tirer dessus, la population devient une masse asservie sans possibilité de réaction et l’humanité se dilue dans une sauvagerie sans limite.

C’est magnifiquement filmé comme un reportage flamboyant qui oscille entre le réalisme et la fiction, la fin létale d’un monde chancelant. On devrait retrouver ce film dans le palmarès, (commentaire écrit avant la cérémonie de clôture !), il est de salut public avec cette maigre lueur d’un homme qui va refuser de voir sa terre mourir et décider de couper tout lien avec la pègre. Puisse-t-il avoir un peu raison dans ce troupeau qui se laisse conduire vers une mort au travail sans réaction dans une ville de Naples gangrenée par un amoncellement d’ordures qui la paralyse !

 

Le silence de Lorna des frères Dardenne est un film émouvant traitant de la place des émigrés dans les marges de notre société européenne. A la recherche d’un sésame absolu : la carte d’identité communautaire qui permet de s’affranchir des frontières. Un mariage blanc avec un « camé » a permis à Lorna, jeune et belle réfugiée, d’obtenir ce passeport pour le paradis terrestre de la consommation. Las ! Lorna va s’attacher à ce junkie qui tente de se sevrer. Il va réussir grâce à son aide à s’émanciper de la dope et en cela, déjouer les plans de l’organisation maffieuse qui avait déjà prévu un remariage de Lorna avec un truand Russe en mal de nationalité belge. Il sera donc « overdosé » afin de libérer une place au banquet de la consommation ! Chronique douce-amère d’une tragédie au quotidien, le film montre que derrière l’instinct de survie de ceux qui ne possèdent rien, un reste d’humanité stagne, petit sable dans les rouages d’une mécanique froide de l’horreur. La mort va déclencher une prise de conscience qui mènera Lorna vers la fuite de tous ses espoirs. La folie est parfois le prix à payer des réveils d’une conscience assoupie !

 

Film parmi les films, réalisateur parmi les grands, L’échange de Clint Eastwood était attendu sur la Croisette par son copain Sean Penn, président du jury. N’en déplaise aux « pisses copies », le rendez-vous fut à la hauteur de l’attente. Angélina pas seulement jolie, une histoire qui mêle tueur en série, force de police gangrenée, psychiatrie et folie, religion et féminisme ne pouvait que nous enflammer. C’est filmé avec la sobriété de ceux qui n’ont plus peur du vide, l’histoire est légèrement distante, la reconstitution soignée, le jeu des acteurs impeccable, tout est quasiment parfait et s’installe à mon goût dans le palmarès au sommet de l’or, vers une palme promise et méritée, (Bon, je crois que j’avais un peu exagéré !). Un conseil, allez voir ce film au plus vite. Clint, on t’aime ! (Et là, je maintiens !)

Bon, vendredi prochain, vous aurez droit à la 2ème tranche de mon parcours dans ce 61ème Festival du Film ! Souvenez-vous, ces commentaires ont été écrits à chaud, d'où parfois ce décalage avec la réalité ! Mais c'était le but du jeu, donner mon impression dans l'ambiance de cette consommation forcenée... alors, on ne change pas la règle ! Rendez-vous vendredi, il y aura encore quelques surprises !

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