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cinema

Douloureux Festival du Film (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Première livraison de critiques portant sur le Festival du Film de ce mois de mai 2010…Début laborieux, avouons-le, avec une certaine colère et beaucoup d’incompréhension. Snobisme à l’envers ou enthousiasme programmé de nos amis critiques. Il faudra m’expliquer comment Robin Hood peut devenir pour Libération, un héros prolétarien, après son traitement « Scottien » ou la tournée, un hymne à la nuit "qui met la barre très haut (sic)", pour le Festival... Désolé, Bernard pas comprendre !

 

Film d’ouverture du Festival de Cannes. Robin Hood, par Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett. Ou l’histoire de Robin avant qu’il devienne des Bois, revu et corrigé par la grande machinerie américaine, sur un scénario indigent, avec des acteurs convenus dans des rôles sans surprises, un montage tellement hollywoodien que l’on pourrait en faire une leçon du cinéma par l’absurde. Il faut noter la séquence du débarquement à la façon du « jour le plus long », monument kitsch élevé à la gloire de tous les cinéphiles comme une faute de bon goût, paramétrage absolu du vide historique, des scènes qui étirent le temps en laissant les personnages exsangues à force de regards faussement intériorisés et d’attitudes compassées. Ce film est au cinéma historique ce que le Macdo est à la nourriture : un plat indigeste d’une industrie qui ne sait plus rêver !

Rizhao Chongqing, (Chongqing blues) de Wang Xiaoshuai. (Compétition). Où et comment 2 milliards de citoyens sont définitivement rattrapés par Papa Freud en terre Mao. Un père qui a la «fibre paternelle » malgré sa disparition depuis 14 ans, revient pour comprendre la mort de son enfant (25 ans) tué au cours d’une prise d’otage. Son enquête, lente à souhait, chargée de signification à chaque plan étiré, prouve « qu’il manquait beaucoup à son enfant » ! C’est du cinéma pesant, musique redondante, maniérisme de la mise en scène, pâle copie d’un cinéma européen des années 70 basé sur l’affect et l’académisme. On en sort laminé par tant de componction ! Deux éléments ressortent pourtant de cette projection matinale : revoir Chongqing où j’ai passé une semaine en voyage culturel particulièrement passionnant et éprouvant, (ville tentaculaire avec une conurbation de 35 millions d’habitants), et indirectement, ce film donne une image d’une Chine beaucoup plus complexe que celle des discours officiels et des images préfabriquées. La politique de l’enfant unique et le sacre de l’enfant roi a donné aux jeunes une place centrale dans la société qu’ils ne sont pas près d’abandonner aux oripeaux d’un pouvoir central étrangement absent ! Les enfants de la Chine sont en train de s’éveiller et il n’est pas certain que les rêves de ces jeunes seront aussi lisibles et prévisibles que dans un livre rouge ou dans les pages de Sigmund !

Tournée de Mathieu Amalric. (Compétition). Grotesque et ridicule. Les « news burlesques », spectacles de strip-tease et de cabaret, jouent dans des salles de province combles devant des publics hystériques (faudra m’expliquer ce petit détail ! Comment avoir des salles pleines avec un spectacle en province que personne ne connaît ?). Un ancien producteur de télévision caractériel et tricard tente de les imposer pour son come-back des « states » où il s’était exilé. Tout se mélange, les situations les plus improbables mais tellement « tendances », s’enchaînent, le passé revient par bribes sans jamais être expliqué, sans aucune cohérence ni émotions, tout sombre dans l’à peu près comme le jeu exhibitionniste de l’acteur principal et réalisateur qui mouline dans le vide pour faire croire qu’il avance. C’est un film sur le monde du spectacle (celui-là, je le connais un peu !), comme une caricature à gros traits épais et baveux à souhait, le monde de la nuit pour « gogos », avec cigarettes, whiskies et grosses pépées ! La scène finale dans un hôtel abandonné sur une île au large de La Rochelle est un monument élevé à la bêtise !

Bran Nue Dae de Rachel Perkins, (Cinéma des Antipodes) est l’adaptation sympathique d’une comédie musicale Australienne aborigènes située dans les années 60. Willie, un jeune garçon destiné à la prêtrise par sa mère, choisira l’amour de Rosie et une vie naturelle dans ce paradis de Broome, sur une côte perdue à 3000 kms de Perth, plutôt que l’évangélisation de ses confrères noirs. Les chansons sont efficaces, le thème honorable, les acteurs portent un message de tolérance et d’espoir non départi d’humour. C’est un film gentillet qui ouvre l’horizon sur les paysages magnifiques de ce continent du bout du monde et sur l’oppression des aborigènes et le rôle de l’église. A déguster sans se prendre la tête et sans imaginer que le monde sera transformé à la fin du prochain plan-séquence !

 

Bon, le festival continue… Les salles sombres m’attendent… Petite entorse, cet après-midi, je cours à la soutenance de thèse de Julien Gartner, (La place des arabes dans le cinéma Français) à Nice. Il a dans son jury, Jean A Gili, mon ex-professeur de Cinéma à l’Université de Nice, tendance siècle passé, il y a quelques lustres, quand je n’étais encore qu’un étudiant heureux et sans histoires, avec une vie à construire et des rêves dans la tête ! Je suis ému de le retrouver, plus de 15 ans que ne n’ai pas eu de ses nouvelles. Je vous raconterai !

 

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Mon Festival 2008 (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Des beaux moments de cinéma, il y en eut pendant ces 12 jours de Festival, beaucoup bien sûr et heureusement, suffisamment pour remplir la tête de panoramiques cernant les personnages, d’éclairs de violence, de plongée dans la réalité, de notes en contrepoint, de couleurs délavées et autres procédés techniques chargés de coller en symbiose une forme sur un fond.

Le cinéma a cela d’incroyable qu’il autorise toutes les audaces, permet toutes les ellipses, entraîne vers des mondes imaginaires en parlant de notre réalité. Il parle à la tête en passant par les sens, commotionne le cœur en court-circuitant le filtre du cerveau, vous fait pleurer et rire, vous donne la certitude de ne plus être dans le monde présent et vous offre un avenir éternel.

C’est cela mon Festival, c’est lui qui me pousse à voir 3 a 4 films par jour en moyenne, à enchaîner des histoires de continents opposés, à voir se tisser des liens improbables dans des hémisphères qui s’ignorent, comme si le monde des idées était plus fort que les camisoles qui nous isolent dans nos solitudes.

Vive le cinéma des rencontres.

 

Dans la série surprenons-nous, deux petits évènements avec deux bijoux de films d’animation. Kung-Fu Panda de Mark Osborne et John Stevenson et Waltz with Bashir de Ari Folman. Le premier est un conte délicieux avec un bon gros Casimir adepte de Kung-Fu qui va devenir un guerrier de légende et sauver le monde du mal. C’est gai, frais et amusant, un film que l’on rêverait de voir avec ses enfants. Le deuxième est dramatique, il parle de la guerre du Liban et de l’occultation dans la mémoire du narrateur, du drame de Sabra et Chatila, un massacre perpétré par les phalangistes contre les populations palestiniennes sous les yeux des militaires de Tsahal. Le graphisme est étonnant, on en oublierait que c’est un dessin animé. C’est superbe, émouvant, déchirant et cela parle du rôle de la guerre dans la destruction de cette part d’humanité qui réside au fond de chacun d’entre nous.

A l’évidence, les progrès techniques de l’animation permettent désormais de coller à un projet artistique en inventant un langage approprié. Avec le Marjane Satrapi primé l’an dernier, il y a éclosion d’un nouveau genre totalement adulte et cohérent. Vive le dessin animé et parions que le Waltz with Bashir aura un prix, il le mérite.

 

Moscow, Belgium du Flamand Christophe Van Rompaey est un premier film totalement réussi qui inverse avec jubilation les codes traditionnels. Il s’agit du drame familial de la femme de 40 ans délaissée par un mari artiste lui préférant une jeune élève. La rencontre musclée avec le camion d’un camionneur va lui permettre de briser les tabous, d’inverser les rôles et de plonger dans les délices d’une nouvelle aventure amoureuse avec son « Gigi l’amoroso ». C’est émouvant, drôle et terriblement amoral !

Dans le registre des comédies sympas, on trouve certains films du cinéma australien, très présent à Cannes comme Footy Legends de Khoa Do, délicieux conte sur fond de chômage d’un groupe de loosers qui se transforment en winners par la grâce d’un rugby à 7 et d’une énergie puisée dans le dérisoire. C’est plein de tendresse et d’espoir et l’on applaudit des deux mains au dernier essai qui consacrera la victoire du faible sur le fort. Le sport dans ce cas précis est le moyen de se libérer et non d’aliéner un peuple comme dans le film de Salles (Linha de Passe).

Autre bijou avec O’Horten de Bent Hamer qui doit solder ses comptes avec sa vie au soir de son dernier voyage comme conducteur de train. Pour gagner cette liberté et accepter son statut de retraité, il va falloir que le héros (Odd) au temps retrouvé passe par quelques épreuves initiatiques. Après une entame très classique, le film s’autorise quelques incursions dans le monde de l’absurde, décalage réel entre le sérieux du protagoniste et les situations complètement loufoques qu’il vit. C’est frais et revigorant comme un pays nordique sous la neige.

Petite comédie française avec en vedette un Darroussin enfin échappé des Pyrénées, Les Grandes Personnes de Anna Novion est un conte loufoque qui brode autour des émois d’une adolescente et du rapport qu’elle entretient avec un père possessif et fantasque à la recherche d’un trésor. Les adultes ne seront pas épargnés dans cette rencontre fortuite entre deux familles pour cause d’erreur de location d’une maison en Suède. C’est gentillet comme une glace à la vanille en temps de vacances.

 

Linha de Passe de Walter Salles et Daniela Thomas (après le film Carnet de voyages sur le Che) montre la vie d’une famille dans les quartiers pauvres de Sao Paulo où tous les chemins qui mènent vers la réussite semblent condamnés. C’est un film noir sur l’enfance dérobée et sur la pauvreté où le football devient le nouvel opium du peuple et sert d’exutoire à toutes les misères, où la ligne qui sépare l’honnêteté de la malhonnêteté est si ténue, que l’on peut la franchir à tout moment. Il en va de même avec Le sel de la terre de Annemarie Jacir, un film sur le retour en Palestine d’une fille de réfugiés, née aux Etats-Unis. Elle cherche à récupérer un maigre pécule laissé par son grand-père dans une banque palestinienne et tente de retrouver les traces de sa famille. Si Kafka devait renaître, il fait nul doute qu’il élirait domicile en territoires occupés ! Son combat pour rester sur la terre de ses ancêtres croisera le chemin d’un jeune Palestinien qui désire s’évader de cet enfer. C’est un film très sensible et émouvant même si quelques naïvetés parsèment son parcours.

 

Blindness de Fernando Meirelles faisait l’ouverture du Festival. L’occasion était trop belle d’entamer cette semaine dédiée aux dieux de la pellicule par un film dont le sujet est une pandémie de cécité dans un monde qui a perdu son âme. Les aveugles parqués dans des prisons vont reproduire les tares de la société, les plus forts dominant les faibles, la violence prévalant sur la raison, et les femmes devenant une marchandise dans un troc pour la survie. C’est une parabole entre la nuit des morts-vivants et un conte philosophique pervers. Dommage qu’une fin poussive aux relents de happy end vienne entraver cette glissade dans les abysses de la noirceur des hommes.

 

Gomorra de Matteo Garrone est une peinture des luttes fratricides entre clans de la Camorra. Sur fond de drogues, extorsions, d’escroqueries à l’Europe sur le traitement des déchets, de meurtres et d’armes, plusieurs histoires s’entremêlent pour peindre un tableau d’apocalypse d’une société au bord du gouffre. Il n’y a plus de lois, plus de règles, les amis d’enfance se tuent, les mères se font assassiner par des hommes de mains, les jeunes n’ont comme objectif ultime que d’intégrer une bande et pour ce faire, passent des épreuves initiatiques en se faisant tirer dessus, la population devient une masse asservie sans possibilité de réaction et l’humanité se dilue dans une sauvagerie sans limite.

C’est magnifiquement filmé comme un reportage flamboyant qui oscille entre le réalisme et la fiction, la fin létale d’un monde chancelant. On devrait retrouver ce film dans le palmarès, (commentaire écrit avant la cérémonie de clôture !), il est de salut public avec cette maigre lueur d’un homme qui va refuser de voir sa terre mourir et décider de couper tout lien avec la pègre. Puisse-t-il avoir un peu raison dans ce troupeau qui se laisse conduire vers une mort au travail sans réaction dans une ville de Naples gangrenée par un amoncellement d’ordures qui la paralyse !

 

Le silence de Lorna des frères Dardenne est un film émouvant traitant de la place des émigrés dans les marges de notre société européenne. A la recherche d’un sésame absolu : la carte d’identité communautaire qui permet de s’affranchir des frontières. Un mariage blanc avec un « camé » a permis à Lorna, jeune et belle réfugiée, d’obtenir ce passeport pour le paradis terrestre de la consommation. Las ! Lorna va s’attacher à ce junkie qui tente de se sevrer. Il va réussir grâce à son aide à s’émanciper de la dope et en cela, déjouer les plans de l’organisation maffieuse qui avait déjà prévu un remariage de Lorna avec un truand Russe en mal de nationalité belge. Il sera donc « overdosé » afin de libérer une place au banquet de la consommation ! Chronique douce-amère d’une tragédie au quotidien, le film montre que derrière l’instinct de survie de ceux qui ne possèdent rien, un reste d’humanité stagne, petit sable dans les rouages d’une mécanique froide de l’horreur. La mort va déclencher une prise de conscience qui mènera Lorna vers la fuite de tous ses espoirs. La folie est parfois le prix à payer des réveils d’une conscience assoupie !

 

Film parmi les films, réalisateur parmi les grands, L’échange de Clint Eastwood était attendu sur la Croisette par son copain Sean Penn, président du jury. N’en déplaise aux « pisses copies », le rendez-vous fut à la hauteur de l’attente. Angélina pas seulement jolie, une histoire qui mêle tueur en série, force de police gangrenée, psychiatrie et folie, religion et féminisme ne pouvait que nous enflammer. C’est filmé avec la sobriété de ceux qui n’ont plus peur du vide, l’histoire est légèrement distante, la reconstitution soignée, le jeu des acteurs impeccable, tout est quasiment parfait et s’installe à mon goût dans le palmarès au sommet de l’or, vers une palme promise et méritée, (Bon, je crois que j’avais un peu exagéré !). Un conseil, allez voir ce film au plus vite. Clint, on t’aime ! (Et là, je maintiens !)

Bon, vendredi prochain, vous aurez droit à la 2ème tranche de mon parcours dans ce 61ème Festival du Film ! Souvenez-vous, ces commentaires ont été écrits à chaud, d'où parfois ce décalage avec la réalité ! Mais c'était le but du jeu, donner mon impression dans l'ambiance de cette consommation forcenée... alors, on ne change pas la règle ! Rendez-vous vendredi, il y aura encore quelques surprises !

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