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cinema

Timbuktu et les Héritiers

Publié le par Bernard Oheix

Deux films à l’affiche... deux bijoux qui montrent à l’évidence toute la richesse et la poésie de l’image, toute la force et la conviction d’un engagement, l’incroyable pouvoir de fascination d’une histoire juste filmée avec le coeur pour un véritable message d’humanisme. Je ne reviendrai pas sur Timbuktu de Abderrahmane Sissako (cf. mon article du mois de mai dans ce blog) si ce n’est pour vous dire que «Ma Palme d’Or 2014» est «Le» film de l’année. Il est désormais à l’affiche, il est possible de le voir, il est indispensable de le visionner pour mieux comprendre ce qui se passe dans certaines parties du monde traversées par la folie meurtrière de l’intégrisme. Face au pouvoir d’une dictature, tout discours est immédiatement confronté à un contre-discours, une propagande à une contre-propagande, sans que les frontières ne puissent bouger dans ce choc sans vainqueur possible. Mais comment lutter contre une image juste. Contre la guerre du Vietnam, la photo d’une petite fille nue courant sur une route dévastée à plus fait que tous les discours du monde. Pour exprimer la famine en Afrique, une photo de Salgado a renvoyé des générations entières vers le confort de leur égoïsme...

Il fait nul doute que Timbuktu est une oeuvre majeure pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Mais un autre film vient de sortir sans tambours ni trompettes, animé par la force de ceux qui le voient et en sont les véritables portes paroles. Les Héritiers, où comment intégrer notre vision de la jeunesse dans un univers où nous ne comprenons pas toujours le véritable enjeu de ce qui se trame dans nos banlieues et dans la tête de nos enfants, ceux d’une 3ème génération après la révolution des années 1968 où nous pensions changer le monde sans comprendre qu’il nous fallait aussi changer pour réussir cette révolution sans guerre.

Les Héritiers est un film de Marie-Castille Mention-Schaar avec comme seule actrice connue, une Ariane Ascaride solaire au zénith de son talent, une actrice qui réussit à nous faire partager sa passion et son amour de la transmission du savoir sous les traits d’une enseignante passionnée. Une pléiade de jeunes actrices et acteurs au réalisme foudroyant l’entoure. L’histoire semble presque rebutante de banalité, une énième séquence de la jeunesse d’une banlieue difficile comme on n’en a tant vues, avec tous les poncifs imaginables depuis le choc de la Palme d’Or du Festival de Cannes 2008, Entre les murs de Laurent Cantet.

Et pourtant, le film tiré d’une histoire vraie arrive à renouveler le genre, nous fait passer par toute la gamme des émotions, du rire aux larmes, de la profondeur à la légèreté, de l’attachement à la répulsion, comme sous la palette d’un peintre, l’éclairage permettant des interprétations variées d’une même scène.

La professeur d’Art de cette seconde condamnée à l’échec va réussir l’impossible : fédérer autour d’un projet les personnalités si différentes de cette bande de «barbares» modernes, agrégat de nationalités et de confessions diverses, traversée par les échos d’un monde en fureur que plus personne ne comprend. En parlant de la «grande histoire», la Shoah, ils vont transformer leur propre monde, se ré-approprier une fierté dont on les prive, une capacité de vivre ensemble et d’inventer de nouvelles règles d’harmonie.

Sans jamais caricaturer, abordant par touches légères d’innombrables pistes (le port du voile, la conversion à l’Islam, le rôle des caïds et la pression sur les filles, les vies brisées des parents), la réalisatrice garde le fil de son histoire pour décrypter avec cohérence la véritable histoire morcelée de leurs vies en lambeaux et redonner un lien à l’ensemble.

On en arrive à travers tant d’émotions à espérer un happy end et il n’est que justice qu’il arrive comme pour nous donner le souffle d’espérer, la force d’y croire !

oui, il est possible de changer le monde, oui, il est possible d’introduire de la beauté dans les paysages dévastés de notre société égoïste, oui la vie est belle !

Et si vous ne me croyez pas, allez voir Les Héritiers, au delà d’un vrai film particulièrement soigné et même académique, au delà d’une technique qui évite tous les poncifs (le bruit des voix, les couleurs criardes), il y a une authentique histoire de l’homme en train de se souvenir des drames passés pour exorciser les démons du présent !

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Plaidoyer pour Timbuktu...

Publié le par Bernard Oheix

Voilà donc un jury du Festival de Cannes composé de gens éminents et respectables, dont chacun est une partie du cinéma contemporain, qui aiment le 7ème art et en sont des acteurs majeurs... Jane Campion, Carole Bouquet, Dafoe, Garcia Bernal, Refn, que du beau monde, la crème, l’élite. On ne peut douter de la probité de ces personnalités et aucun lobby au monde n’aurait les moyens d’influer sur leur jugement...c’est un fait avéré mais alors, comment expliquer que le palmarès soit indigne de leur talent !

Je suis persuadé que si vous invitiez à la maison l’un des membres de ce jury et qu’après un bon repas, vous l’invitiez à voir le film turc dans une salle de votre quartier, il en ressortirait horrifié en se demandant comment on peut infliger une heure de champs/contre-champs sur des dialogues ésotériques et abscons, insérés dans un film de 3h20 au spectateur même cinéphile le plus branché, même si par ailleurs le film a d’indéniables qualités artistiques, même si le final est, parait-il, très beau, ce final que je n’ai pas vu puisque je suis sorti épuisé après deux et quart de film ?

Le syndrome de L’Oncle Boonmen, celui qui se souvient de ses vies antérieures (ce filmThaïlandais de l’édition 2010 dont le président était Tim Burton) vient-il encore de sévir ?

Si la personnalité des membres du jury n’est pas remise en cause, alors c’est bien dans cet habit de jury du plus grand Festival du monde qu’il faut chercher, dans les mécanismes sans doute inconscients qui font que chacun se saborde et abandonne son libre-arbitre. Interdiction de prendre du plaisir, nécessité de faire compliqué, postulat de surprendre et de faire différemment, émulation malsaine qui débouche sur des choix absurdes. Fuite en avant vers les frontières du réel !

A la lecture des nombreuses Palmes qui parsèment les éditions du Festival, très souvent, la qualité prime, les choix sont offensifs entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur, tension évidente entre ces deux tendances qui animent la production mondiale. Cannes sait se positionner entre ces deux options, miracle d’équilibre, mais trébuche parfois aveuglé par la volonté de trop bien faire !

Pourquoi ne pas se laisser aller à la poésie tragique d’un film africain ? Il y a tout dans Timbuktu, et d’abord le sujet, l’intégrisme dont on peut penser qu’il pourrait primer sur le nombrilisme d’un adolescent attardé nous infligeant une nouvelle fois, les hurlements de sa mère (Dolan) ou une énième variation sur une émission de télé-réalité (le Meraviglie). Il y a une beauté sublime et désespérée dans la complainte d’une femme fouettée pour avoir chanté et qui exprime sa douleur devant les bourreaux en chantant cette douleur. Il y a toute la noblesse d’un père de famille vivant dans le désert qui sera abattu avec sa femme, unis dans l’amour comme dans la mort. Il y a l’absurdité des ordres des terroristes, les armes qui tirent et la force surréaliste d’un peuple qui lutte afin de garder sa dignité (la partie de football sans ballon). On convoque Kafka dans ce grand désert tout blanc où luit la mort avide, les surréalistes toquent à notre porte devant ce dialogue des intégristes sur la victoire de l’équipe de France en 1998 alors que le foot est interdit, ou dans ces dialogues que l’on traduit en langues multiples pour se faire comprendre. Il y a du suspense et une énergie sans limite dans une écriture cinématographique parfaite... mais qu’est-ce que tout cela devant des séquences d’une heure de dialogues abscons entre deux individus perdus dans leur solitude ?

Que devra faire l’Afrique pour être primée à Cannes ? On n’a pas souvent l’occasion d’hériter d’un tel chef d’oeuvre de ce continent pour avoir le droit de l’ignorer !

Et si l’on aime pas l’Afrique, pourquoi ne pas reconnaitre aux frères Dardenne dans Deux jours et une nuit, l’incroyable originalité du sujet abordé et son traitement particulièrement dynamique. Un thème social scénarisé sous la forme d’un polar, la quête éperdue d’une Marion Cotillard éblouissante vers sa dignité et la reconquête de son honneur... Aller de famille en famille pour convaincre ses collègues de changer leur vote quand à son licenciement contre une prime, c’est moins glamour qu’une litanie de jurons hurlés avec l’accent Québécois, c’est moins exotique que les maisons troglodytes de la Turquie ou que la Belluci déguisée en fée ridicule...mais cela fonctionne quand on a les Dardenne aux commandes !

Que se passe-t-il dans la tête de chaque jury et comment en arriver à un tel échec du collectif sur le désir de l’individu ?

Pour avoir participé à de nombreux jurys (cinéma, chansons, humour...) et pour avoir géré pendant 15 ans celui de la pyrotechnie à Cannes, je pense qu’il y a un syndrome du membre parfait d’un jury qui se met en branle à endosser une responsabilité aussi importante. Il n’est pas aisé d’être celui qui va juger les autres et le collectif renforce cette tendance suicidaire à l’automutilation des sens les plus primaires. Comme si l’on s’aveuglait de trop regarder les autres au détriment de son propre plaisir !

Moi, en cette année 2014, ma Palme d’Or reste attribuée à Timbuktu et mon film fétiche demeure Le Dardenne... même s’il y avait nombre autres films qui auraient pu prétendre à être célébrés sans que l’on ait l’impression de déchoir.

Tant pis pour Jane Campion la présidente, dont on pouvait attendre plus de lucidité, tant pis pour les autres jurés...tant pis pour le cinéma Africain qui attendra encore pour être reconnu à sa juste valeur !

Et pour finir, ce lendemain de Festival nous aura offert un autre palmarès tout autant tragique, celui d’un FN à 25% pour une élection Européenne. La aussi, il y a un vers dans le fruit, une indécence à imaginer qu’un quart des électeurs auront choisi les chemins de l’horreur, le bourrage d’urnes de leur fiel, la complainte absurde de leur médiocrité. Les abstentionnistes nombreux sont comme leur pendant. Il n’en reste pas moins que des êtres dit civilisés en ce XXI siècle, osent faire balbutier l’histoire et trébucher les valeurs fondamentales de l’humanité. Comment se faire séduire par les sirènes d’un Bleu Marine à la teinte foncée en filigrane ? Relisons l’histoire, revoyons les formidables films de l‘Apocalypse diffusés par Arte, il y a quelques semaines, sur la montée du nazisme, écoutons les rumeurs du passé et comprenons bien que le séisme que nous avons vécu en ce 25 mai dépasse largement l'anecdote !

Nous sommes bien dans une crise majeure de la démocratie et pour ceux qui l’ignorerait encore, du chaos nait l’horreur, et le diable ne résiste jamais à être sollicité, il s’impose comme une évidence quand on l’invoque !

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Coup de folie sur la Croisette (3)

Publié le par Bernard Oheix

Que s’est-il passé en ces mercredi et jeudi 21 et 22 mai d’un Festival pas comme les autres... Tout a commencé par une panne de projecteur à la salle de la Licorne, haut lieu des cinéphiles, et c’était bien la première fois qu’un tel fait advenait,, nous privant de films pendant 24 h, puis par une éclipse de jour causée par des nuages noirs roulant dans le ciel, à laquelle a succédé un orage diluvien plongeant les festivaliers dans les bras de dizaines de noirs vendant des parapluies à 10€, surgis comme par magie, de tous les recoins de la ville, et pour finir, par vagues déferlantes une série de films magnifiques, comme pour me narguer, moi qui avait osé mettre en doute la haute tenue de cette édition 2014... Alors, petite revue d’effectifs !

Et tout d’abord les prétendants à une consécration finale. Maps of the Star, de David Cronenberg. Peinture au vitriol de l’univers Hollywoodien...où la drogue et le sexe servent de toile de fond au pouvoir de l’image et du paraître, où l’inceste plonge dans l’histoire des familles, où l’enfant génial devient un tyran incontrôlable, où rien n’est respecté, même pas la mort, et où les assistants des stars sont traités comme des esclaves. Cronenberg signe ici, une de ses oeuvre la plus troublante, la plus dérangeante, véritable miroir d’un monde en train de se déchirer et dont les codes centrés sur des égos surdimensionnés transforment la machine à rêves en cauchemars. Il dispose d’une Julianne Moore terrifiante d’impudeur et de méchanceté en star déclinante. Une palme d’interprétation serait un minimum pour ce film et pour l’actrice.

Deux fois Palme d’Or déjà, les frères Dardenne venaient pour tenter la passe de 3 et ouvrir une nouvelle perspective à ceux qui tentent de décrocher l’or... Leur film, Deux jours, une nuit est génial, comme d’habitude, un bijou social transformant en aventure la quête éperdue vers sa reconnaissance d’une Marion Cotillard ouvrière licenciée par un vote de ses collègues à qui l’on demande de choisir entre une prime ou son poste de travail. Cette quête haletante chez tous ceux qui ont voté pour infirmer leur décision, donne au film une tension et un rythme étouffant. Les personnages, derrière leurs réponses, campent des positions souvent justes, reconnaissables sans manichéisme. C’est un grand film qui sera au palmarès, osons et disons pour un Prix Spécial du Jury... Réponse dès ce soir.

Il y a deux fibres chez Ken Loach, l’historique et la sociale. Dans Jimmy’s Hall, il réussit à nouer ces deux tendances qui parcourent son oeuvre. Un jeune irlandais débarque chez lui dans les années 1930 après 10 ans d’exil pour rejoindre sa mère et renouer les fils de son histoire. Il va raviver toutes les plaies non-refermées depuis son départ en rouvrant une maison associative, véritable MJC avant l’heure, malgré l’opposition des fascistes, des propriétaires terriens et d’une Eglise omnipotente et farouchement engagée dans son refus de laisser le peuple danser et se cultiver.

C’est un film d’une facture particulièrement classique, du Loach dans l’image, un monument à sa propre gloire. On y plonge avec ravissement... mais sans surprise. Un film indispensable, beau comme une page d’histoire, où la culture Irlandaise est mise en valeur et où les jeunes portent l’espoir d’un monde nouveau.

Un petit mot sur un très beau film tiré d’une histoire réelle qui s’est déroulée à la fin des années 90, Foxcatcher réalisé par Bennet Miller avec des acteurs incroyables (et souvent à contre emploi) comme Steve Carell, Mark Ruffalo, Channing Tatum. Dans le milieu sportif de la lutte, un milliardaire (John «Eagle» DuPont) fonde une école de lutte et réunit les meilleurs compétiteurs avec l’ambition de truster les médailles pour son pays et d’être reconnu comme un entraineur... et un père par ses lutteurs ! Sa folie débouchera sur un drame sanglant et la mort guette ceux qui s’approchent de son rêve mortifère.

Et s’il fallait donc se coller au jeu des palmes du mois de mai, un jeu typiquement cannois en ce dernier jour du Festival, cela pourrait donner...

Bon, Je ne vais pas me mettre à la place du jury mais vais vous offrir mon palmarès...

Et tout d’abord, n’ayant visionné qu’une partie de la sélection, (11 sur 18), certains films dont on dit le plus grand bien ont pu m’échapper... Assayas, Mike Leigh, Kawase, Hazanavicius... Excusez du peu !

Ensuite, je refuse tout idée de prix et de récompense pour le «chouchou» de la critique, l'hystérique Mommy du Québécois Xavier Dolan. Même si, pour son 4ème opus, il y a indéniablement une amélioration, son cinéma épileptique et ses tics «mégalomaniaques», sa capacité à se centrer sur sa petite personne et à coller des scènes sans logique (pourquoi la première ?), sa façon d’aborder la technique sous l’angle unique de l’effet, son rapport à l’histoire éternelle des liens avec «une maman» omniprésente déclinés à l’infini, sont insupportables. Qu’il ait un avenir est évident... mais qu’il grandisse vite, par pitié, afin de nous offrir ce cinéma adulte qu’il semble capable de porter !

And the winner is...

Palme d’Or : Timbuktu de Abderrahmane Sissako

Prix Spécial du Jury : Deux jours, une nuit des frères Dardenne

Interprétation féminine : Julianne Moore (Maps of the Star de David Cronenberg)

Et pour les autres accessits, je fais confiance à Jeanne Campion, Carole Bouquet, Sofia Coppola, Willem Dafoe, Garcia Bernal.... qui composent un beau jury 2014

Enfin, comment ne pas parler de la dernière oeuvre de Wim Wenders, Le sel de la Terre, une révélation, un film qui ouvre l’intelligence et donne une leçon d’art, de vie, d’humanité au spectateur. Un film sublime et sublimé sur l’oeuvre d’un photographe Sebastiao Salgado dont on connait forcément quelques uns de ses clichés célèbres. Il a grandi au Brésil, s’est réfugié en France, a parcouru le monde pour le capturer dans sa boite noire. Il s’est d’abord centré sur l’histoire des hommes jusqu’à figer l’insoutenable, les massacres, les exodes, les charniers de cette fin du XXème siècle. Hutus et Tutsis, Ethiopie, Sahel, Sarajevo... Clichés mortifères qui le résoudront à fuir le monde des humains et à se réfugier dans celui de la nature. Utopie mise en oeuvre avec ce reboisement d’une forêt détruite au Brésil et ses derniers reportages sur les animaux et la végétation pour une ode à la création, lui le spécialiste de toutes les morts.

Le film mêle habilement, images animées et fixes, extraits de reportages passés et film en train de se tourner. On y trouve par séquences, une interview de Salgado rythmant les divers chapitres. Ce philosophe et humaniste, revenu de tous les combats parle en nous regardant droit dans les yeux. D’autres interventions de ses proches, sa femme si importante, son fils, co-réalisateur et auteur des séquences du passé, son père, dessinent un portrait en creux de Sébastiao Salgado.

Il y a dans ce film documentaire, toute la fiction du monde, toute la beauté et le suspense d’une vie en mouvements perpétuels. C’est un film indispensable à l’histoire de l’homme et un hommage aux forces nobles de l’être humain devant celles obscures qui tentent de détruire les fondements d’une humanité perdue !

Le Sel de la Terre de Wim Wenders et Timbuktu de Abderrahmane Sissako prouvent que l’on peur encore raconter des histoires, quelqu’en soit la forme, qui touchent à l’essence de l’être, et que la poésie est le moteur de l’homme et le ferment de l’espoir !

Voilà, le Festival se termine tristement pour moi, sur un 34ème film argentin attendu mais raté, Jauja, avec Viggo Mortensen à 10h11 en ce samedi 24 mai 2014. C’est loin de la cible des 4O films espérés mais pas catastrophique si l’on considère que j’ai perdu 24h pendant la panne du projecteur à la salle de la Licorne et fait l’impasse sur les deux derniers jours de projections pour me rendre à Nîmes pour une fête de famille.

Festival contrasté, bizarre, tourmenté, indécis, festival bien en phase avec le tempo de la crise actuelle, mais Festival du Film de Cannes tout de même, moments magiques aussi ou tout peut advenir, se déclencher, éclairer le monde et rendre plus lisible les pages brouillées de la vie !

Merci à tous les faiseurs d’images qui tentent de décrypter la réalité et nous offrent un peu de leur âme !

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Festival du Film 2... à mi-parcours !

Publié le par Bernard Oheix

Petit bilan à mi-parcours. Sauf à imaginer que les derniers jours ne présentent que des chefs d’oeuvre (ou des navets !), on voit bien après 20 films, les tendances de cette édition 2014. Disons-le tout net, ce ne sera pas un grand crû dont on se rappellera particulièrement pour son lot de découvertes et de coups de coeur. Ce n’est en aucun cas la faute du Festival et de ses programmateurs puisque cette tendance dépasse largement la seule compétition et touche aussi Un Certain Regard, La Semaine de la Critique, la Quinzaine et toutes les autres sélections diverses...

Petite revue d’effectif de nos déceptions et des quelques bonnes surprises !

Atomisé Egoyan que l’on attendait avec Captives, lassitude devant le vide de The Homesman de Tommy Lee Jones, films bancals comme Tourist ou l’attendu Eleanor Rigby de Ned Benson qui derrière une belle technique, étirent les plans à l’infini et se perdent dans des histoires à tiroirs, mauvais film pour l’italienne Alice Rohrwacher sur une famille germano/italienne descendant, il fait nul doute, de terroristes reconvertis en apiculteurs participant à une émission de télé-réalité sur les produits du terroir, film raté du Turc Nuri Bilge Ceylan qui commence bien son opus, le termine magnifiquement mais inflige d’insupportables dialogues en champs/contrechamps d’un verbiage pseudo philosophique comme pour éprouver le spectateur dans sa résistance à subir un vide de 60 minutes en plein milieu d’une oeuvre de 3h16. Winter Sleep aurait pu être un de ces coups de coeur que l’on affectionne et qui nous transporte, il reste un film mal maitrisé où le réalisateur se perd dans sa complaisance.

On passe sur Grace de Monaco qui réussit à conjuguer tous les défauts de Olivier Dahan (mais aussi quelques unes de ses qualités !), sur le pontifiant Amour Fou de Jessica Haussner où un acteur-pantin appelé à interpréter Heinrich Von Kleist cherche une âme soeur prête à mourir avec lui par amour (je vous assure que même vivre avec lui serait une punition !), sur Run qui tente de conjuguer tous les défauts du cinéma africain que le magnifique Tumbuktu a su éviter, et cela donne beaucoup d’amertume, des rendez-vous ratés et l’impression que la crise ne touche pas que nos portefeuilles mais aussi les esprits des scénaristes et des réalisateurs...même si les acteurs et les actrices semblent tirer leur épingle dans ce jeu de dupes !

Quelques réussites malgré tout, comme Les Combattants de Thomas Cailley, qui une nouvelle fois démontre le talent de la «french touch» tant sur le plan de la technique que des idées avec des réalisations qui pallient parfaitement le manque de moyens financiers par une inventivité et un soin dans la réalisation qui leur donne une vraie ambition. Paradoxe, dans le marasme semble-t-il du cinéma mondial, notre petit pays s’affirme avec une nouvelle génération de cinéastes et de techniciens qui promettent des lendemains heureux à l’heure où tous les indicatifs virent au rouge !

Autre petit bijou, le Relatos Selvages de l’argentin Damian Szifron qui avec des sketches imbriqués réussit à nous faire rire du tragique, sourire de la vie quotidienne et offre un bol rafraichissant de bonne humeur au festivalier épuisé !

Chaque année, nous voyons quelques tendances se dessiner, des thèmes en écho d’une polyphonie mondiale de l’image. Indubitablement, cette édition sera marquée du sceau de la présence des femmes, de leur rôle central et de personnages particulièrement affirmés, déclinant une place prépondérante dans l’univers fantasmé par le 7ème Art de la réalité ambiante. Même dans des films plus ou moins aboutis comme Homesman ou Self-Made, les femmes sont un pivot sur lequel tourbillonne les drames de la vie. Et la deuxième tendance qui semble s’inscrire en filigrane de ces pellicules, est la tentative de rire et de faire rire. Humour décalé de Turist, de Bunny et scènes diverses qui parsèment la plupart des films et apportent un peu de fraicheur dans l’eau tiède des bons sentiments.

Alors bien sûr, il reste les films des Dardenne, de Kawase, de Cronenberg, de Godard, tous ceux que l’on a pas vus et tous les autres aussi... En attendant, je file voir The Foxcatcher de Bennet Miller dont on dit beaucoup de bien et je reste accroché à mon idée d’une Palme d’Or pour le magnifique, sublime et si humain, Tumbuktu de Sissako, la révélation de cette première moitié du Festival qui récompenserait à juste titre la maturité d’un cinéma Africain qui n’a rien à envier aux canons de l’esthétique occidentale !

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Festival du Film 2014. Cannes. 1ère étape

Publié le par Bernard Oheix

le Festival du Film 2014 a pris son rythme de croisière...maison pleine, 5 films par jour, des files d’attente, les repas dans les jardins, les discussions acharnées, il ne manque que les parties de rami Corse traditionnelles... et on se croirait au Festival du Film de Cannes !

Au 14ème film, après 5 oeuvres françaises, 2 australiennes et une palette de polonais, kazakh, turc, israélien, autrichien et autres, un petit état donc de la situation du cinéma mondial !

Et tout d’abord, le miracle du Cinéma Africain existe, nous l’avons rencontré. Comment imaginer que Timbuktu, le chagrin des oiseaux ne soit pas palmé... La vraie question porte sur la nature du prix qu’il obtiendra, consécration finale, une Palme d’Or, ou un accessit ? Il est un peu tôt pour le dire, mais avouons que ce film Malien de Abderrhmane Sissako est un vrai bijou, un ovni, un formidable film en résonance avec une histoire contemporaine tragique, la prise du pouvoir par des intégristes de la ville de Tombouctou. A l’heure du Jihad qui fascine tant de jeunes du monde entier, ce film est une réponse étonnante à la fascination de l’absolu, une réponse en images aux rêves désespérés d’imposer une morale par la force. Les premières décisions des conquérants sont l’interdiction de fumer, d’écouter et de faire de la musique, et l’obligation pour les femmes d’être voilées et de mettre des chaussettes et des gants dans un pays écrasé par le soleil où le sable envahit la vie quotidienne !

Le film, d’une poésie à couper le souffle par la beauté de ses images et une bande son très soignée, une technique parfaite, va offrir à une pléiade d’acteurs jouant particulièrement juste, de mélanger l’onirique et le réel, la beauté et le sordide, l’absurde et l’humour. Il reste en mémoire des scènes d’anthologie. Le football étant interdit (même si ces intégristes parlent longuement entre eux de la victoire de la France en 1 998 et de Zidane !), les joueurs jouent donc sans ballon en une pantomime savoureuse devant les gardes qui ne savent comment réagir, la musique est prohibée, les musiciens chantent des sourates du Coran, la poissonnière interrogent les gardiens pour savoir comment elle doit travailler le poisson avec des gants, les mariages forcés permettent une savoureuse exégèse par l’Imam intégriste de la nécessité de forger les corps des combattants par la pureté des jeunes filles. Si l’humour est la politesse du désespoir, alors ce film est un chant désespéré pour invoquer une vie de beauté sur les champs démembrés d’une atrocité sans limite.

La noblesse d’une civilisation millénaire se fracasse sur la ronde des 4/4 chargés d’hommes en armes qui tirent sur tout ce qui bouge et pourchassent une gazelle du désert en une métaphore explicite sur la beauté que l’on assassine. La lapidation du couple adultère est insoutenable, non dans l’image montré réellement, mais surtout dans la symbolique évidente du massacre de l’amour !

Des téléphones portables sans réseau et des mégaphones pour dispenser toujours plus de contraintes à la population soulignent l’ubuesque mosaïque des langues véhiculant les ordres des envahisseurs. Le rapport d’un intégriste se fera en anglais car son arabe est jugé trop mauvais par son chef, le jugement s’effectuera avec 3 traducteurs, un en idiome local qui traduit en arabe afin qu’un 3ème puisse formuler en anglais et que les décisions justes soient prises par le responsable ! Comment ne pas imaginer la douleur de cette femme fouettée pour avoir osé chanter en étant seule avec des hommes dans une chambre et qui sous les coups, dans les larmes, se met à vocaliser sa peine et sa douleur en un ultime défi à ses bourreaux !

Ce film est le plus bel hommage à la tolérance qu’un cinéaste pouvait réaliser. Il prouve que la caméra est encore une arme pour ceux qui tentent de mettre un peu d’ordre dans le chaos !

Dans la série des découvertes heureuses, une séance spéciale de la Semaine de la Critique, une catégorie sélectionnant les 1er ou 2ème film de réalisateurs. Mélanie Laurent avec Respire nous offre une oeuvre magnifique, toute de tension et de crispation. Une nouvelle élève vient bouleverser le quotidien d’une jeune fille brillante mais réservée qui prépare son baccalauréat. Elle va vers ses 18 ans et a tous les tourments de cet âge, portent toutes les ambiguïtés de cet ultime passage vers le monde des adultes ! Cette amie s’avèrera une redoutable manipulatrice et sèmera le chaos autour d’elle jusqu’à un final en apocalypse. Le film échappe largement aux clichés habituels sur les films d’adolescents. Il interroge sur le rapport aux adultes sans jamais caricaturer, avec doigté, évoquant les tourments intérieurs sans être explicite, évitant le piège d’une «sexualisation» de l’attirance des deux jeunes filles. Toute la partie finale monte en un crescendo insoutenable que la bande son souligne par des phases de saturation déclenchant une vibration interne physique. Ivresse, cigarettes et sexe, vieux triptyque, mis au service d’une mythomane et qui débouche sur le drame et l’incompréhension. La dernière image nous permet enfin de respirer, et ce n’est pas le moindre des succès de la réalisatrice que de nous tenir en haleine tout le tiers final de son film !

A noter l’éblouissante performance des deux actrices, les jeunes et talentueuses Joséphine Japy et lou de Laäge.

Enfin dans les films à voir, on peut noter Bunny de la polonaise Annika Glac, un couple lunaire déguisé en lapine et en renard, propose des prospectus dans la rue. Une belle histoire nimbée de cet humour polonais, de ce «non-sense» illustré par tant de réalisateurs de ce pays et qui fait penser au Polanski des origines. Party Girl est un film Français réalisé par trois réalisateurs (Claire Burger, Samuel Théis, Marie Amachoukeli)... cas de figure assez original pour une oeuvre de tendresse sur les gens du nord, héritiers des corons, à la frontière Flamande, un peuple à la désespérance ancrée dans une soif de vivre et d’exister. Il n’y a pas de misérabilisme dans cette femme de soixante ans aux charmes usés, vivant dans un bar pour hommes et qu’un vieux retraité demande en mariage ! Leçon de vie, de tolérance et insatisfaction d’une femme pourchassée par la peur du vide et qui brise le bonheur autour d’elle comme pour exorciser ses propres démons...

Reste un film d’horreur pure de David Robert Mitchell, It Follows où comment le diable se transmet par le sexe et comment s’en débarrasser ! Accrochez-vous à vos fauteuils même s’ils n’y sont pour rien ! C’est un genre suffisamment rare à Cannes pour noter sa belle réalisation et le vrai suspense qui en découle !

Allez, je vous quitte, le 15ème film m’attend, un argentin à sketches, je vous en parlerai peut-être, l’Argentine, je connais !

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Festival du Film Panafricain de Cannes

Publié le par Bernard Oheix

Basile est ainsi, un extraterrestre, un OVNI en terre de culture, un lettré à la mode du passé plongé dans le monde bouillonnant du lendemain, un homme de coeur et de rencontres, un médiateur de toutes les bonnes volontés. Basile Ngangue Ebelle, d’origine Camerounaise, Français de vie, qui porte sa couleur comme un emblème de tous les possibles.

Qui, à part lui, pourrait, dans l’inconscience la plus totale, monter et s’arc-bouter afin de tenir les rênes d’un Festival du Film à 500 mètres de la Croisette, 15 jours avant l’autre, le grand, et cela depuis 11 ans...

Un Festival Panafricain, reflet d’un continent trop souvent perdu, si peu représenté dans les manifestations, qui peine à se développer, à trouver un public, à s’insérer dans le tissu démantelé des sociétés de pays déchirés par la pauvreté, gangrenés par la prévarication, où le bon sens à parfois tant de peine à exprimer ses besoins. On connait une poignée de cinéastes Africains reconnus pour un continent vaste comme le coeur de l’humanité. C’est si peu et tellement injuste !

3 cinéastes «congolais» réunis par les hasards de la sélection, dans une conférence commune, faisaient le constat des dérives du système, de la puissance des actions individuelles, de l’énergie d’un «nollywood» en train de se structurer, de l’espoir de trouver une oreille attentive auprès d’un responsable haut placé d’un président, afin de lancer un embryon de «CNC» à l’africaine et de permettre aux cinéastes de tourner, de croître, de se voir en miroir d’un continent, de vivre de leur art et de créer une dynamique. Tous affichaient leur détermination, mais derrière l’espoir réel d’ouvrir une voie vers l’avenir, une sombre ombre de fatalisme nimbait leur propos.... Et si l’histoire balbutiait encore et toujours... Et si chacun n’était que la énième vague d’une nouvelle jamais aboutie... Et si le système n’était que la perpétuation d’un démantèlement social, culturel... Et si le rien guettait ceux qui oeuvrent à affirmer leur spécificité afin d’ouvrir des brèches dans un 7ème Art en train de muter !

C’est ce que le Festival Panafricain tente d’offrir, une part de rêve, à tous ceux qui espèrent en ce continent fascinant et en la passion de ces acteurs culturels qui prêchent dans les déserts démembrés de leur absence de perspectives !

Que ce soit en haute couture, en musique, en arts plastiques, dans les salons d’un hôtel cannois, ou sur l’écran d’une salle de conférence qui a vu projeter une cinquantaine de films, courts et longs métrages, fictions et documentaires, l’équipe de Basile et son festival multi-culturel, renvoie clairement la problématique de l’existence d’une dynamique novatrice sur le continent noir, à la capacité d’influer de tous les acteurs d’un monde nouveau à créer, loin des déchirements et si proches des passions.

Sur quelques films :

Laurent et Safi. Réalisateur : Anton Vassil. 115 ‘

Tout sépare Laurent, jeune cadre qui doit se marier et Safiatou, une Malienne vivant en France. Et pourtant...

Il y a des «Chansons d’amour» dans cette comédie romantique plutôt réussie, un bric à broc sympathique qui force l’adhésion vers le happy-end d’une mixité possible, de couleurs, de classes sociales, de cultures... Mais ce n’est pas une thèse, juste une comédie avec des chansons plutôt réussies, des acteurs de qualité... Un «bollywood» à l’Africaine re-mixé à l’ascenseur social Français perdu !

A coeur Ouvert. Réalisateur : Ayekoro Kossou. 15’

Un couple mixte, une belle mère odieuse, un coeur qui lâche... Petit film au sujet grave, bien joué et à la morale surprenante. Une fiction comme un test pour aller vers le long métrage, une carte de visite que le réalisateur c’est donné afin de convaincre les décideurs. Une belle réussite !

Entre le marteau et l’enclume. Réalisateur : D’Amog Lemra. 98’

Construit comme un puzzle, autour de petits sketches avec des personnages récurrents, le film est une peinture saisissante de la société du Congo, de l’univers de Brazzaville de la pauvreté latente et de la richesse extrême de certains.

Il y a Pascal, le chef d’entreprise odieux, écrasant le monde de son argent, satisfaisant ses désirs lubriques sans égards pour ses victimes... Il y a la femme abusée par son pasteur, la fille dépressive du père qui a sombré dans l’alcool, le vendeur de médicaments amoureux... Toute une galerie de portraits savoureux qui dépeignent la ville, la société, l’injustice profonde du pouvoir de l’argent !

Dans une économie de moyens forcenée, le film n’en est pas moins très soigné, plans sobres, montage intelligent, raccords harmonieux. A noter la qualité d’expression des acteurs, pour la plupart amateurs, et les voix bien posés et audibles !

Une classe d’enfants regardent le film, effet miroir du cinéastes vivant en France et retourné dans son pays pour y tourner cette fiction bien plus vraie que la réalité.

Voilà une brève sélection parmi les nombreux films présentés et, disons-le, la plupart étaient de facture honorable, voire de grande qualité. Au dire des organisateurs, le niveau s’élève d’année en année et les cinéastes prennent enfin leur destin en main ! Acceptons en l’augure et que mille fleurs s’épanouissent au chevet du cinéma africain. Le monde à besoin de leur regard !

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Le temps de l'attente et de la répétition !

Publié le par Bernard Oheix

Bon, je suis d’accord avec vous, la précédente annonce était un peu «mégalo» et le ton y était sans aucun doute un peu too much... emphase, circonvolutions...cette «vie, son oeuvre»... un peu pompier, n’est-ce point ?

Mais bon, on se pardonne ! C’est vrai qu’exhumer de mes malles tant de photos, d’articles, faire un retour en arrière et en même temps, présenter mes projets et l’actualité à travers BO Conseils, m’a amusé, ému, et au fond, donné l’impression d’avoir vécu pour quelque chose... Posséder les autographes de 50% des Beatles, d’une myriade de cinéastes mythiques (de Jack Nicholson à Polanski, d’Antonioni à Léonardo le magnifique, de Kim à Sharon... Et des musiciens, plasticiens, gloires du théâtre et de la danse... Parfois, quelques annotations prouvent à l’évidence que quelque chose c’est passé, de l’ordre d’une presque amitié...Vous les retrouverez dans «mes rencontres» sur mon site www.bernardoheix.com même si je n’ai pas encore fini de les légender toutes.

Il y a aussi beaucoup de mes écrits, d’articles sur ma fonction et mes divers passages dans les lieux de culture et d’animation où j’ai oeuvré. Souvenirs, souvenirs !

Mais il n’y a pas que le passé lointain ! Il y a quelques mois de cela, mon ami Gérard Camy, directeur des études au BTS Audiovisuel de Cannes, avec qui j’ai déjà collaboré dans l’écriture par le biais de revues de cinéma, m’a sollicité pour savoir si j’avais une nouvelle adaptable au cinéma, les étudiants de fin de cycle de la promotion 2014 devant tourner un court métrage sous sa direction. Une aubaine dans la ville du cinéma !

Je lui ai transmis une de celles que j’aime particulièrement, «Ce tapuscrit est admirable» que vous pouvez retrouver sur mon site ou sur mon blog et il l’a transformé en scénario librement adapté de ma nouvelle !

Il a été emballé par le sujet. Un écrivain prend en otage un directeur de collection pour le forcer à éditer sa dernière oeuvre. Il va mettre en scène son propre suicide afin que les médias en parle et que le livre paraisse... Las, au bout du compte, il n’atteindra pas vraiment son objectif par un retournement de situation qu’il vous faudra découvrir en lisant la nouvelle ou en visionnant le film quand il sera présenté !

Je n’y avais mis qu’une condition : avoir un rôle dans le film et me voilà donc présent en ces 18 et 19 avril, sur les lieux de tournage (une étude en ville chez une amie avocate et le bureau du proviseur du lycée Carnot de Cannes), où j’avais sévi pendant mes années de bac, de 1966 à 1969, avec au milieu, un certain mois de mai 68 qui reste ancré en moi comme une période de rêve où nous pensions transformer le monde et le rendre plus juste ! J’avais juste 18 ans !

Deux jours de tournage avec des comédiens professionnels et de renom... Daniel Prévost en éditeur, Antoine Coesens en écrivain, Jacques Boudet en producteur de films et Frédéric Gorny en animateur de télé...Moi, je suis le flic au pistolet (mais la production n’a pas voulu de vrais balles !) qui va faire irruption pendant la prise d’otages !

J’ai une scène importante à jouer avec deux répliques meurtrières («-Police, ouvrez, que se passe-t-il ? et «-Je suis l’inspecteur Blot, je vous demande d’ouvrir cette porte»... ce à quoi, au bruit d’une détonation, je l’enfonce cette putain de porte à coups de tatanes et reste figé devant le cadavre d’un homme...

Et oui, tous les grands acteurs ont commencé par faire un flic qui enfonce une porte (même si je ne pouvais donner la pleine mesure de mon talent «stanislaviskien» vu que la porte appartenait à ma copine avocate et qu’il était hors de question, que la production exsangue du film ait à la remplacer !).

Maquillage avec Manon, scènes répétées de nombreuses fois, technique envahissante...

Là où les autres comédiens, les vrais, improvisent avec maestria un texte qu’ils ne connaissent qu’approximativement (n’est-ce point monsieur Prévost...) tout en réussissant à nous faire hurler de rire avec leurs improvisations.. Moi je galère avec mes deux bouts de phrase et mon simulacre d’enfoncement de porte ouverte.

Et le temps de l’attente ! Des heures avant de pouvoir contempler ce putain de cadavre d’Antoine qui respirait comme vous et moi, et de feindre la stupeur, jamais la bonne suivant le réalisateur qui, d’ami, s’était transformé, comme dans un film d’horreur, en vampire destiné à nous sucer le sang !

Et le mécanisme de la répétition ! Toujours refaire jusqu’au clap final du «-C’est bon !» du réalisateur. Le même plan, le même geste, toujours différent malgré tout, à satiété !

A travers mon expérience du documentaire «Port Lympia» de mon ami Arnaud Gobain, où je faisais le personnage récurrent entre les scènes et la voix du narrateur et ce court métrage «ce manuscrit est admirable»,(rassurez-vous, ce n’est pas une carrière qui commence, juste des chemins de traverse entre mes passions), la réalisation d’un film est synonyme de temps d’attente et d’efforts de répétition...

Bon, c’est pas la découverte du siècle, mais après avoir fait une licence et maitrise de cinéma (éditée s’il vous plait !), toucher du doigt l’interprétation et participer à l’élaboration d’une véritable oeuvre collective est un enchantement !

Et puis, comme l’on dit (et c’est vrai dans ce cas !), l’équipe était formidable, l’ambiance géniale sur le plateau et mon épaule a tenu quand j’ai enfoncé la porte !

Bon, si vous avez besoin d’un scénario avec acteur amateur, vous savez où me trouver ! Ciao, et à la première de «mon» film... heu, de celui de Gérard Camy du BTS Audiovisuel de Cannes, mon ami, que je ne remercierai jamais assez de m’entrainer sur les chemins de la création !

les acteurs sur le banc... j'y suis aussi ! L'équipe de jeunes étudiants autour et Gérard Camy comme ange tutélaire au dessus ! L'aventure d'un tournage heureux !

les acteurs sur le banc... j'y suis aussi ! L'équipe de jeunes étudiants autour et Gérard Camy comme ange tutélaire au dessus ! L'aventure d'un tournage heureux !

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Mon festival du Film 2013.

Publié le par Bernard Oheix

MON FESTIVAL DU FILM....2013

Premier Festival de l’ère de la retraite... Terminé le badge Directeur du Palais, passer devant tout le monde, entrer par les «artistes», faire les empreintes des stars (Ah ! Kim Basinger !)... Etre in...

Place à l’anonymat des longues heures d’attente dans des files interminables, à la cohue pour se battre afin d’obtenir un siège bien placé, aux regards scrutateurs des cerbères sur le badge cinéphile suspendu à la poitrine comme une prothèse permanente... Etre out...

Et vous savez quoi, j’ai aimé mon Festival du Film 2013 et ces 37 films ingérés à raison de 3 à 4 par journée. Détaché de toutes contingences autres que celle d’une maison pleine (3 corses, 1 allemand, 2 enfants, quelques neveux et 1 marocain...), hôtel California, complet... mais si vivant ! Quand on est heureux, on partage ce bonheur. Quand on a la chance d’être dans la ville du cinéma en étant cinéphile, on s’offre le plaisir extrême d’aller à la découverte du monde par des pellicules interposées, entouré d’une famille recomposée, dans un happening cinématographique que même le mauvais temps ne peut entraver.

Etre heureux et donner du bonheur en en recevant, c’est cela mon festival de 37 films concentrés en deux salles périphériques, la MJC Picaud et la salle de la Licorne et un jardin de La Bocca.

Cette année, disons-le, ce fut un très bon crû, même s’il a manqué un chef d’oeuvre pour parachever ces 12 jours de folie. Beaucoup de très beaux films, passionnants, sur des sujets attractifs, comme si le coeur de l’homme venait battre à notre porte, avec des résonances étranges qui créent des parenthèses dans des univers improbables.

Deux thèmes se sont taillés la part du lion. Le premier est celui de l’homosexualité décliné dans toutes ses variantes, rebondissant d’un Libérace à La vie d’Adèle, la Palme d’Or, de films tragiques en comédies, de scènes très crues en esthétique suggestive. Le monde en ébullition des manifestations contre le mariage pour tous résonnait comme un écho délétère de ce mouvement d’idées traversant toutes les cultures de nombre pays. Et quand on ne transgresse pas le genre, alors, on dispense son corps comme une monnaie d’échange, tel la jeune fille de Jeune et Jolie de François Ozon qui se prostitue pour combler un vide, et parce qu’il n’y a plus de repères entre son corps et la «marchandisation» de son sexe, ou l’on construit sa vie sur une imposture, comme le remarquable et jouissif Les garçons et Guillaume, à table de Guillaume Gallienne, hilarante comédie où le garçon élevé pour être une fille et aimer les garçons, s’aperçoit qu’il aime les filles et pas les garçons !

Le deuxième est paradoxal puisqu’il concerne l’enfance et la filiation. De la naissance à l’adolescence, le poupon fut roi en ce festival de la recherche d’une filiation impossible. Sujet au coeur du japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, justement primé, qui tranchera pour la loi du coeur contre celle du sang, pour les liens de l’amour contre ceux plus hypothétiques du gène. Il y eut de fréquentes naissances, des bébés fripés grandissant pour devenir des enfants maladroits, sous l’oeil d’une caméra inquisitoire saisissant les rapports tendus entre adultes et enfants (Ilo, Ilo du singapourien Anthony Chen entre une servante philippine et un enfant roi insupportable, les rapports père-fille du magnifique et très cinéphilique Michael Kohlhaas de Arnaud des Pallières, l’ambigüe relation entre une petite fille et le docteur nazi Menguele dans l’émouvant et saisissant Wakolda de l’argentine Lucia Puenzo).

Mais dans ce déluge de scénarii, d’histoires renvoyant souvent à la réalité d’un monde en crise où les plus faibles (les pauvres et les jeunes) sont broyés par la violence (l’incroyable la Jaula de oro, de Quemada-Diez, épopée tragique par les trains poussifs chargés d’émigrants qui mènent 4 jeunes des bidonvilles du Guatémala au «paradis» des Etats-Unis, (un seul survivra), Omar de Hany Abu-Assad, ou l’impossible survie de 3 jeunes palestiniens plongés par l’absurdité d’une terre occupée qui sécrète sa propre violence et broie les individus, The Selfish Giant de Clio Barnard quand deux jeunes exclus du système anglais dévoilent l’intolérable misère de ceux qui restent en marge et survivent des miettes du festin de la société.

Et maintenant donc, passons à quelques aspects particuliers de ces films en miroir. Des éléments qui surgissent au fil des heures de projections, qui se renvoient la balle et que l’on retrouve comme en leitmotiv. 5 tics sont apparus pour constituer un alphabet improbable de l’année 2013. Signalons que pour avoir l’honneur de figurer dans ce palmarès, il faut avoir été repérés 5 fois dans 5 films différents, dûment constatés par une cour de justice assermentée composée de l’ensemble des résident de mon «hôtel California».

  1. En 2013, on urine énormément dans le 7ème Art. Homme comme femme, avec des jets puissants, des commentaires acerbes (c’est les chutes du Niagara), dans toutes les positions, en devant de scène ou en arrière plan. Les «pisseurs» ont manifestement pris le pouvoir contre les «déféqueurs».
  2. En 2013, la sonate de piano envahit la bande sonore. Parfois, elle déborde même et s’insère comme un élément de l’image, les interprètes maniant le clavier comme moi, une boîte à outils, avec une certaine nonchalance et un immense talent. Les états d’âmes torturés des protagonistes retrouvent en contrepoint du jaillissement des «urineurs» désinvoltes, les notes cristallines de Schubert, Bach, Chopin...
  3. Les Films de cette année sont très souvent découpés en saisons, voire en mois. De l’été à l’hiver, de décembre à juillet, la fuite inexorable du temps, rythmée par les sonates de pianos bien qu’entrecoupées par des jets de pisse, montre à l’évidence que la linéarité est un leurre dans un monde où s’entrechoquent les violences d’un univers sans âme.
  4. Tout n’est pas aussi noir. Même brisé et à bout de souffle, les acteurs et actrices se lavent les dents avec régularité, et même la langue d’ailleurs, dans ce monde qui nous opprime. Ne jamais aller au lit sans passer par la case brosse à dents, quelque soit l’âge du protagoniste.
  5. Mais le danger guette. Opportunément, des plans de coupe avec des nuages viennent signaler les menaces extérieures, et quand on montre des nuages à l’écran, en 2013, ils sont forcément énormes, envahissant, cumulus-nimbus aux teintes bistres. Il ne suffit pas de les voir... Ils se décident à crever mais attention, quand il pleut au cinéma à Cannes, forcément, il tombe des trombes d’eau, des orages cataclysmiques, qui balayent tout sur leur passage et empêche même les essuies-glaces des voitures de fonctionner. Remarquez, les cinéastes étaient synchrones avec la météo cannoise de ces deux semaines de Festival. Prémonition quand tu nous tiens !

Voilà donc un petit tour d’horizon des manies du crû 2013 de nos cinéastes....Il faut signaler qu’un film réussit le tour de force de conjuguer les deux thèmes et la quasi totalité des tics de l’année. Il s’agit du Chateau en Italie de la soeur de..., enfin, de Valeria Bruni Tedeschi, film au demeurant intéressant, où la cinéaste tente une auto fiction dans la lignée des deux précédents opus...mais en s’améliorant nettement. Encore un effort, Valéria, et tu l’auras ta Palme !

Reste le Palmarès, éternel sujet de controverses, les pressions imaginaires, ou pas, que sont sensés subir des juges en train d’élire les vainqueurs de cette édition dans une tambouille que ne désavouerait point un gâte-sauce réfugié dans un temple du 7ème Art culinaire.

Pour tout vous dire, je ne crois pas une seconde à un Steven Spielberg engoncé dans des choix partisans. Subjectifs certes, et c’est le propre d’un jury que d’exprimer sa sensibilité, de trancher entre les options multiples d’un agrégat de personnalités aussi diverses et prestigieuses. Forcément injuste et partial, mais reflet de leurs goûts, de leurs rencontres et de ce que d’authentiques professionnels du cinéma pensent de leur art et de son devenir.

Alors primer le mexicain Amat Escalante, Heli, mauvais film, pourquoi pas ? Reste que, même si Nebraska d’Alexander payne n’est pas un chef d’oeuvre, le prix de l’interprétation masculine à Bruce Dern, récompense une belle ballade douce amère d’un vieux père et de son fils à la recherche du temps retrouvé, moment intime de grâce et scanner de la société américaine de l’intérieur. Bérénice Béjo est excellente, mais le film Le Passé de l’iranien Asghar Farhadi méritait mieux que cette récompense en trompe l’oeil (un prix du jury me semblait plus adapté !). Tel père, Tel fils de Kore Eda Hirokazu et le Inside Llewyn Davis des frères Coen sont bien justement reconnus à leur place dans le palmarès final. Je n’ai pas vu le chinois A touch of sin de Jia Zhangke.. aussi n’en dirais-je rien, si ce n’est que le cinéma asiatique, longuement annoncé depuis des années, arrive à maturité et s’impose avec logique dans le concert général des films. Il lutte enfin à armes égales avec les cinématographies occidentales.

Des absents naturellement il y en a. Le troublant et réfrigérant Jeune et Jolie de Ozon, le Jimmy P de Desplechin, le Kohlhaas de Des Pallières... les français étaient vraiment au top niveau cette année, cocorico pour nous, il y a quand même des choses positives dans notre hexagone même si la météo est pourrie !

Reste la Palme d’Or, consécration définitive et baromètre de l’année. Je n’aurais pas misé un kopeck sur une adhésion des deux anglo-saxons (Spielberg et Kidman) sur l’opus sulfureux de Abdellatif Kéchiche, La vie d’Adèle. Raté ! Et ce n’est que justice. Même si je suis critique sur certains aspects du film, c’est une vraie oeuvre de cinéma, une plongée dans le coeur embrasé d’une jeune fille, et la force de son amour dépasse largement le strict cadre d’un amour lesbien. Elle devient universelle dans le tragique de ce qui réunit et divise un couple et les larmes amères n’ont pas besoin de sous-titres ni de commentaires pour exprimer la profondeur humaine. Alors pourquoi une certaine complaisance dans la longueur, pourquoi une redondance dans la crudité de la vision de deux corps féminins faisant l’amour ! Passion quand tu nous tiens ! Un peu d’humilité peut-être et de respect pour le travail des autres (il n’y avait même pas de générique, et que l’on ne me dise pas que c’est la faute d’un manque de temps !). Pas sûr de ce point de vue que cette Palme donne plus d’humanité au réalisateur. Mais son film restera comme un évènement, sans aucun doute le plus torturé et le plus incisif des commentaires sur la vie réelle qui tapait à notre porte dans les actualités d’un monde télévisé affichant les haines et les dissensions.

Bon, 37 films, c’est 3 de moins que mon objectif initial... Je ferai mieux l’an prochain ! Il faut juste que j’améliore mon rendement...

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Les Affres du Festivalier de base !

Publié le par Bernard Oheix

Cet article aurait dû sortir le 1er jour du festival... Problème avec mon blog aidant, le voici donc juste avant la fin du Festival...En attendant, 28 films après l'avoir écrit, il reste totalement d'actualité.

A bientôt donc !

Bon, d’accord, il pleut des trombes pour l’ouverture du 66ème Festival du Film. Mais c’est pas vraiment une surprise, il pleut à toutes les ouvertures ! Il pleut pendant le G20, il pleut toujours sur Cannes dès que les caméras du monde entier se pointent à l’horizon. A se demander comment nous pouvons conserver l’image d’une région où le soleil brille en permanence. Un micro-climat, peut-être, mais certainement pas pas quand les yeux de l’univers sont rivés sur nous. Dès que les caméras s’en retournent dans leurs pays pluvieux et venteux, alors soyez rassurés, nous on retrouve notre soleil !

Et la pluie, ce n’est pas vraiment pas le «top» pour le Festival du Film. En effet, le principe de base étant que pour un film visionné en salle, il faut passer un tiers du temps dans la queue qui est en extérieur pour y accéder, donc sous la pluie, (et sans parapluie pour ne pas avoir à le trimballer...), cela donne sur la base moyenne de 30 films d‘1H30 (ce qui est un film court dans l’esthétique médiane du Festival où le standard est de plus de 2H05 pour obtenir une palme), soit 30*30= 900 mn ou l’équivalent de 10 films sous des trombes d’eau ! De quoi être imbibé même si l’on sait qu’en général la pluie ne tombe que les jours d’ouverture et de clôture du Festival, juste pour ennuyer les organisateurs et permettre aux stars de brandir des parapluies pour affronter la montée des marches.

Il faut avouer que les marches, avec le tapis rouge, les caméras, les hallebardiers, cela en impose . Vous ne pouvez pas imaginer, les feux de la rampe éteints, combien sont déçus les touristes nippons qui déferlent en bus tout au long de l’année, en les contemplant. On les entend caqueter (en japonais) «-Comment cela, si petits ces escaliers ? pourtant, à la télé, ils sont grands, imposants, majestueux...» Et ils repartent au pays du Soleil Levant avec la certitude que l’Européen est hâbleur, menteur et fourbe, alors que l’on n’a même pas les yeux bridés, et nous taillent des croupières économiques pour se venger !

Bon, une fois dans la salle il faut trouver le bon siège. Ce n’est pas facile, les cinéphiles sont grégaires et cherchent toujours la bonne place, 1/3 de l’écran, légèrement décalé sur la gauche, meilleur angle de vision et balayage optimum de l’écran et des sous-titres dans une perception occidentale de lecture de la gauche vers la droite. Pour les arabes qui lisent de la droite vers la gauche nous conseillons d’inverser le positionnement en basculant vers la droite et pour les japonais qui lisent de haut vers le bas, de monter au balcon en central (cela uniquement s’il y a un balcon, bien naturellement). Bon, le problème c’est qu’il y a moins d’asiatiques et d’arabes que d’occidentaux et qu’on se retrouve tous dans la même zone à se battre pour ne pas être déporté vers les ailes de la salle de cinéma avec des angles de vision tellement latéraux que l’on a l’impression de voir le film à travers un prisme déformant.

Une fois que l’on est installé, on peut jouer sur son smartphone à Freecell, (mais discrètement en dissimulant l’écran, ce n’est pas toujours bien vu du vieux cinéphile de base qui est jaloux de ne pas maîtriser la technique !) même s’il est plutôt conseillé de se plonger dans les synopsis des films à venir, et cela jusqu’à ce que retentisse la musique du générique du Festival et que les lumières s’éteignent.

C’est là qu’il faut commencer à trouver une place pour ses genoux même si c’est une opération complexe et délicate. Dès que vous faites plus d‘1,72m, vous avez les genoux qui s’écrasent sur le dossier du spectateur qui vous précède. Il s’agit alors de caler vos articulations sur le fauteuil du devant pour basculer la tête sur votre propre dossier en infléchissant votre postérieur vers le rebord de votre propre siège. Il y a deux inconvénients majeur, si le spectateur qui est devant dépasse les 1,65, il occulte les sous-titres, ce qui est pénalisant pour les films Ouzbeck doublés en anglais. Le deuxième inconvénient est indépendant de la taille mais touche au volume et à la nature contondante des genoux. En général, ils font une pression sur le dos de celui qui vous précède qui a tendance à se retourner en grognant ce qui fait réagir les gens qui l’entourent, éructant des «-Chut» pour faire cesser ces bruits incongrus, ce qui entraîne tout le monde à réagir en un concert d’exclamations énervées sensées faire naître le silence... Et là, vous avez honte de votre taille et de vos genoux mal placés et contondants... De toute les façons, au bout de 20 mn, vous avez mal à vos articulations et serez dans l’obligation de changer de position, ce qui fait que tout le processus recommence et que la salle re-grogne a échéance régulière comme une bête agonisante !

Le spectateur est un étrange animal à sang chaud qui a tendance dès le 4ème jour du festival à s’endormir pendant le 3ème film de la journée (vers 15H35) sur un total moyen de 5 pellicules quotidiennes, (remarque : ce n’est pas mal, et démontre à l’évidence une résistance certaine). Il faut dire qu’un plan fixe Hongrois de 6mn32 après un pan-bagnat, c’est long. Cet assoupissement temporaire et la position inconfortable provoquent alors des ronflements intempestifs mais étrangement, même les plus sectaires des cinéphiles hésitent à réveiller un spectateur qui dort. Il y a des principes sacrés et le besoin de récupérer est une frontière que très peu s’autorisent à transgresser. Comme quoi, que vos propres genoux soit endoloris, tout le monde s’en fout, alors que les narines bruyantes du voisin n’offusquent pratiquement personne. C’est la dure réalité du festivalier.

Il y a, heureusement, la sortie du film pour reprendre ses esprits en parlant de l’oeuvre que vous avez presque vue en entier. De nombreuses méthodes vous permettront de passer à travers les gouttes d’un jugement initial toujours délicat. Imaginez que vous annonciez que le scénario est nul et que ce réalisateur est un «branquignol» (bon, c’est vrai, vous vous êtes assoupi pendant la moitié du film !) alors que tout le monde clame au génie et lui attribue d’office une Palme d’Or (c’est un sport national de décerner les Palmes d’Or à Cannes, à se demander pourquoi il y en a si peu à l’arrivée... c’est comme pour les dimensions des marches, une distorsion de l’espace-temps caractéristique de la déformation due à une consommation excessive d’écrans), et que les critiques (que l’on vomit par ailleurs), lui octroient plein de petites Palmes dans les journaux...

Bon, on a un thermomètre pour se situer intuitivement, les applaudissements ou sifflets à la fin de la projection, car à Cannes, on manifeste toujours à la fin du film et même pendant la projection, d’ailleurs.

A partir de là, vous pouvez adopter plusieurs attitudes. Soit aller à contre-courant et encenser ce que les autres ont hué, ce qui vous assure d’être au centre des débats intenses d’après projections (avec son corollaire où vous démolissez ceux que les autres ont adulé), soit vous vous inscrivez dans le droit fil de la foule et vous vous épargnez toutes arguties (cela dépend parfois du fait que vous avez faim ou envie de faire pipi, car la position assise récurrente est tyrannique pour la prostate des cinéphiles de plus de 60 ans). Dans tous les cas, vous pouvez utiliser deux ou trois fois pendant le Festival quelques arguments massues, tels la distanciation Brechtienne ou le rapport entre la forme et le fond, en veillant toutefois à ne pas systématiser ces apports sous peine d’être taxé de pédant ce qui est contradictoire avec l’image de l’intellectuel proche du peuple cinéphile que vous désirez incarner.

Il reste aussi l’attitude interrogative qui peut vous donner la stature de celui qui cherche et soupèse mais là aussi, il ne faut pas s’enferrer dans sa reproduction, car on pourrait assez rapidement vous taxer d’être incapable de juger les films et vous marginaliser dans les discussions.

Mais pour voir les films, il faut avoir des invitations... et à Cannes, ce n’est jamais gagné, même pour les plus grands. Activité principale du mois de mai, la recherche du sésame qui autorise la montée des marches s’apparente à un chemin de croix. Les badgés et les VIP ont bien une longueur d’avance mais la véritable démocratie festivalière (les places ne s’achètent pas et les puissants doivent courber l’échine devant les responsables des bureaux divers et variés qui répartissent les milliers d’invitations quotidiennes) fait que les compteurs sont régulièrement remis à zéro et que tout le monde se bat pour avoir le passeport béni. Avouons malgré tout, que dans cette démocratie, quelques commerçants Cannois de la rue d’Antibes ont une longueur d’avance sur le cinéphile de base.

Le problème malgré tout, c’est qu’une fois que vous avez obtenue, après une heure d’attente dans une file bigarrée, une invitation pour la séance qui débute deux heures après, vous refaites la queue pour accéder au film et que, c’est à ce moment précis, en général, qu’un cerbère vous bloque alors qu’il n’y a plus que douze personnes entre vous et l’entrée... car la salle est pleine ! Et parfois il pleut, en plus !

Mais Cannes, c’est Cannes et pendant quelques jours vous êtes au centre du monde, dans le temple de la cinéphilie, au coeur de toutes les tensions du monde médiatique. C’est vrai que vous ne pouvez plus circuler en ville (d’où l’utilité d’avoir une 650 bandit Suzuki vendue par des Japonais qui vous détestent parce que vous lui avez fait miroiter une montée des marches sans commune mesure avec la réalité !), que se garer (même avec un deux roues) est un cauchemar, et que vos interlocuteurs pendant ces deux semaines de folie se résumeront à des hordes de cerbères, gardiens du temple et autres forces de police qui vous imposent dans la plus grande des confusions de cheminer en dehors des clous, sur des voies qui empruntent plus à Kafka qu’à un plan de la Ville... Mais quand les marches rouges apparaissent sur l’écran de tous les désirs, que la musique (Haendel ? Water Music ?) du générique retentit et que le noir se fait complice, alors, vous pouvez vous laisser aller et entrer de plein pied dans le monde d’un imaginaire débordant, celui de tous les rêves du possible.

Et vous pourrez tout au long de l’année dire «-Oui, j’y étais au 66ème Festival du Film.» Oui, depuis 1969 et la première édition de la Quinzaine des Réalisateurs (Easy Rider et If), j’ai participé à quasiment toutes les éditions (à l’exception de mes six années d’exil Burgien). J’ai eu des badges divers, des invitations de raccroc, des entrées par les portes de sorties, des cartes de Directeur ou des fausses cartes de presse imprimées en Corse, j’ai visionné 30 à 40 films par édition même s’il y en a 400 de présentés (ce qui fait que le vrai étalon d’un Festival n’est pas le nombre de films que vous avez vus mais bien l’ensemble de ceux que vous avez ratés !), j’ai rencontré Polanski et j’ai fait les empreintes d’Antonioni, j’ai joué dans la cour des grands et subit toutes les avanies d’un cinéphile mordu par le désir d’embrasser cette fenêtre sur le monde des images. Oui j’ai discerné à chaque édition des thèmes transversaux qui, de Singapour à la Bolivie, du Niger à l’Islande, entraient en résonance pour mieux comprendre le monde, pour mieux le lire en nous rendant plus intelligent...

C’est mon Festival du Film, et il n’appartient à personne d’autre qu’à moi, et je suis heureux d’aller voir dans quelques heures le film d’ouverture, Gatsby le magnifique, même si je n’attend pas grand chose de Léonardo Di Caprio.

Alors, Vive le Cinema !

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La compétition... Festival n.2

Publié le par Bernard Oheix

 

Je sais, il se fait tard et le Festival est bien loin.... Mais j'ai des circonstances exténuantes, un voyage à Paris, plein de dossiers à remplir pour mon futur départ à la retraite, mille choses à terminer....

En cette 65ème édition du Festival du Film de Cannes 2012, j’ai pu visionner 14 films de la compétition sur les 22 présentés… score honorable sans plus ! Mais il y avait beaucoup d’autres films dans des sélections parallèles et, tant de sollicitations !

 

En ce qui concerne les « Palmés » :

Belle et méritée récompense pour l’émouvant et pétillant Ken Loach, La Part des anges. Une comédie douce amère d’une totale humanité bien que basée sur un présupposé moralement très contestable !!! Imaginez sauver vos jeunes héros et leur permettre de sortir de la délinquance, de la violence et du chômage… et pour ce faire, un dernier casse suffira, comme l’alcoolique pour son dernier verre, rondement mené, avec au bout ce couple qui échappe à la misère du monde par l’obtention d’un travail. Les périodes ont les rêves qu’elles peuvent et le paradis aujourd’hui, n’est même plus de ne pas travailler, mais bien d’obtenir un emploi… Vive le chômage de masse ! Quant au film, dans la veine des comédies sociales de Ken Loach, avec un humour et des moments de « non-sens » à faire hurler de rire. Entre la violence moderne et le rire de la déraison, juste un interstice pour continuer de rêver !

J’espérais mieux pour La Chasse de Thomas Vinterberg, à l’évidence un des bijoux de cette sélection, bien que snobé par une partie de la critique ! Une petite ville du Danemark, une fillette adorable et un homme, sortant d’un divorce difficile et souffrant de l’absence de son fils. Il aime les enfants et travaille comme assistant dans une école pour petits. La fillette va accuser cet homme de l’avoir abusé. Concours de circonstances débouchant sur le soupçon, puis sur les certitudes de la masse et sur l’horreur d’une véritable chasse à l’homme qui ne laisse plus de place au doute. Il est forcément coupable… même innocenté, comme le signale la dernière scène. Un film sur la manipulation, les frustrations et le désir de vengeance collective qui gomme les responsabilités individuelles. Un film à méditer, cruellement d’actualité en cette heure où les boucs émissaires bien basanés font florès dans la bouche de certains de nos hommes (et femmes) politiques. Le prix d’interprétation masculine pour Mads Mikkelsen est totalement justifié mais me semble un peu réducteur au vu de la densité du scénario et de la qualité de la réalisation.

Comment le film mexicain, Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, s’est-il retrouvé dans le palmarès ? Mystère et Festival ! Soulignons que chaque édition accouche systématiquement d’au moins un extra terrestre pour se glisser entre les lignes des récompenses, comme s’il fallait justifier automatiquement que l’on est juge de la norme et que le cinéma est aussi affaire de vision extralucide ! Qu’adviendra-t-il de cet opus ennuyeux et pompier, figé dans un esthétisme exhibitionniste, si ce n’est le sort peu enviable d’être oublié avant même d’avoir été visionné !

N’ayant pas eu le plaisir de voir le film roumain multi primé de Cristian Mungiu, Beyond the Hills, je ne me prononcerai pas… si ce n’est pour affirmer que la seule Palme d’Interprétation possible et envisageable était une récompense au couple de cinéma Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant pour Amour de Haneke. Phénoménaux, énormes, gigantesques monstres sacrés habitant leurs personnages, ils illuminent le film d’une aura mortifère, une lente mort au travail sertie dans un écrin sobre et sombre. Mais la Palme d’Or est exclusive de tout autre prix et ne permet qu’une mention, ceci expliquant cela !

Reality de Matteo Garrone, le réalisateur de Gomorra. On connaît le poids de la télévision et ses dangers. Brisant les vies de familles, le temps des lectures et des dialogues, divertissement et approche individuelle d’une sous-culture… Dans cette œuvre héritière du néoréalisme italien, un homme va plonger dans l’univers de la téléréalité et voir son existence voler en éclats. Son désir éperdu et son phantasme d’intégrer une émission « le grand frère » lui font perdre contact avec le monde extérieur. C’est une problématique particulièrement contemporaine en cette heure où la lucarne animée est bien le réceptacle de tous les espoirs et où le quart de gloire « Warholien » est trop souvent assimilé au passage obligé d’un inconnu dans une émission de télévision. Une comédie douce amère, grinçante, avec un acteur amateur, en semi-liberté, qui donne une âme à son rôle de Napolitain débordant de vie !

Et donc cette Palme d’Or d’Amour. Je faisais partie des laudateurs du Ruban Blanc, un choix difficile pour un film exigeant. Là, rien de tout ceci, juste l’évidence d’un chef-d’œuvre hors du commun. Des acteurs transfigurés, cruels de naturel, une technique discrète et maîtrisée, parcourue d’éclairs étranges comme des déflagrations incongrues dans une norme toujours plus prégnante de cette agonie d’un couple amoureux. Il y a toute l’humanité du monde et toute l’animalité de la chair en décomposition dans ces 126 minutes d’un chemin de croix vers la rédemption finale. C’est aussi un thriller, un film surréaliste, un poème… C’est la magie de l’esthétisme au service d’une cause qui ronge chacun d’entre nous, l’angoisse de la vieillesse, de la décomposition et la beauté de l’amour qui sublime cette lente usure de l’espoir.

Merci Monsieur Michael Haneke.

Je n’ai pas vu et ne dirai rien de Holy Motors de Leos Carax, Paradies : Liebe de Ulrich Seidl et le dernier Resnais… films dont on a dit le plus grand bien… Mais pourquoi donc ignorer De rouille et d’os  de Jacques Audiard. Belle histoire étrange habitée par une Marion Cotillard transfigurée. Sur un fond mélo et tragique (décidément, les handicapés font recettes au cinéma en ce moment !!!), une histoire de violence et d’amour, de courage et d’espoir. Superbement filmé, décors magnifiques, acteurs justes, tous les ingrédients d’un grand succès populaire annoncé… et donc trop « beau » pour le Festival. Le syndrome du Grand Bleu a encore frappé !

Légère déception chez les américains, The Paperboy, Lawless, Mud même s’il y a un bémol pour Moonrise kingdom de Wes Anderson sauvé par son humour grinçant. Tous ces films sont dans la même veine, œuvres pas vraiment hollywoodiennes et bourrées de bonnes intentions… sauf qu’il leur manque ce soupçon iconoclaste, cette insouciance que s’autorisaient leurs glorieux aînés (Scorcese, Lucas, Spielberg, Coppola) en train de forger un style sur des histoires nouvelles pour une vague déferlante partie à la conquête des grands studios. Là, on trouve de belles histoires décalées, des acteurs et actrices performants, des cadres exotiques… mais cela ne suffit pas à nous faire sortir du cadre !

Voilà avec un peu de retard la dernière page du Festival du Film 2012. Belle édition avec énormément de films intéressants même s’il a manqué quelques bijoux aux côtés d’Amour de Michael Hanneke pour notre félicité. C’était mon dernier Festival en tant que Directeur de l’Evénementiel…  Alors vive le Festival 2013 et cette fois-ci, j’y arriverai à ma ligne de crête des 40 films ! Non mais !

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