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cinema

entracte cinématographique !

Publié le par Bernard Oheix

Il reste un poignée d'articles à rédiger pour émerger de mes combles... mais sortir un peu la tête de son grenier est parfois salutaire !

Surtout qu'une décision importante s'est imposée à moi : sauver l'industrie cinématographique en allant à marche forcée au cinéma, dans de vraies salles, des fauteuils confortables, entouré de spectateurs passionnés... Bon, cela n'est pas gagné, vu qu'à la plupart des séances auxquelles j'ai assisté, nous étions de 3 à 10 personnes. Cela facilite les gestes barrières me direz-vous, mais comment imaginer un monde où le public est absent, une salle vide, c'est une partie de notre humanité qui s'envole dans les limbes d'un cauchemar où chaque geste d'amitié devient suspect !

Le monde de la culture est fracassé. Il agonise sur les peurs et la hantise d'une contagion délétère. Que restera-t-il pour nos enfants, nos petits-enfants de cette année 2020 ? Comment remettre en marche une machine sociale qui se grippe sur les réflexes du renfermement, de la peur de l'autre, de la destruction de toutes nos valeurs d'entraide et de solidarité ?

Tenter de sauver l'économie est une chose (encore que si c'est avec les mêmes recettes pour les mêmes causes, on puisse douter de son efficacité !), mais réinstaller l'humain au centre d'un monde qui est le sien, la planète que l'on a tant fait souffrir avec nos comportements prédateurs, en est une autre, autrement plus importante ! Il en va de l'avenir des êtres que nous aimons de pouvoir regarder le futur sans trembler, de comprendre ce qui est en jeu  afin de faire renaître l'espoir !

Alors c'est vrai, aujourd'hui, aller au cinéma n'est peut-être pas le geste révolutionnaire définitif, mais c'est le seul qui est à ma disposition pour tenter de faire perdurer l'espoir d'une renaissance !

De plus, il y a une rafale d'excellents films à notre disposition pour oublier temporairement ce présent qui nous dérobe l'horizon !

 

Des films Français tout d'abord, dans cette veine d'un cinéma d'émotions, d'intelligence et de construction élégante qui est bien notre marque et nous permet d'exister encore et plus que jamais devant les grosses machines américaines dopées à la testostérone des effets spéciaux. 

Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait d'Emmanuel Mouret avec Camélia Jordana, Emilie Dequenne, Vincent Macaigne est une subtile variation autour des jeux de l'amour et du hasard (!), un puzzle où chaque sentiment interfère avec l'autre, où l'aile d'un papillon peut transformer la réalité ! C'est joué à la perfection, filmé avec talent et sobriété, et chaque séquence est interconnectée avec une autre comme si chaque choix dévoilait une réalité souterraine où la noblesse des coeurs l'emporte sur la passion funeste ! Sublime d'intelligence !

Les apparences de Marc Fitoussi en est un autre exemple. Karin Viard et Benjamin Biolay sont époustouflants dans cet autre jeu de l'amour et du massacre. Un couple à Vienne à qui tout réussi, lui, chef de l'Orchestre de l'Opéra, elle responsable de la bibliothèque à l'Institut Français... une liaison avec l'institutrice de leur enfant et un homme obsédé qui la traque vont faire basculer le couple dans une descente aux enfers haletante ! Une réussite sur le fil du cordeau de la bienséance confrontée à la passion et où les secrets ne le restent jamais !

Le bonheur des uns... de Daniel Cohen avec une distribution d'exception (Bérénice Bejo, Florence Foresti, Vincent Cassel et François Damiens) s'ouvre sur une scène hilarante que tout le monde a vécue : au restaurant, 2 couples d'amis en train de se "chiner", vient le moment fatidique du choix des desserts ! La réussite de la plus discrète, son exposition médiatique comme écrivaine à succès, va faire exploser les liens d'amitiés et d'amour du groupe. Florence Foresti en vrai/fausse copine jalouse, Vincent Cassel en macho désarçonné, François Damiens en allumé permanent, font de cette comédie un vrai moment de bonheur et de tendresse ! A voir comme un remède contre la morosité ambiante !

Je reste plus circonspect devant Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal.. mais malgré tout, on passe un bon moment avec Laure Calamy et son âne Patrick ! Et un peu de tendresse ne fait pas de mal dans ce monde de brutes... non mais !

Et dans les films étrangers, 2 bijoux sertis de toutes les passions. L'infirmière de Kôji Fukada qui sur la trame d'un film policier suit, en brisant le rapport temporel, les errances d'une infirmière injustement accusée d'un crime qu'elle n'a pas commis. Derrière, toute un pan de la société japonaise se dévoile... celui d'un amour coupable d'une femme pour une autre femme, la force du paraitre sur l'être, les non-dits et le voile du regard des autres ! Entre Hitchcock et Lynch, le film est construit comme un jeu de piste où le temps bascule en permanence du passé au futur ! Un grand film japonais !

The Perfect Candidate de la réalisatrice Haifa al-Mansour, prouve à l'évidence qu'en Arabie Saoudite, où les droits de la femme sont les plus méprisés, quelque chose est en train de se passer, porté par le courage et la volonté de femmes d'exception. Maryam, médecin dans une petite clinique nichée au fond d'un chemin défoncé, confrontée en permanence aux lois qui l'inféodent aux hommes, va se révolter en assumant de se présenter aux élections municipales contre un homme, contre tous les hommes... Un savoureux cocktail de tendresse, d'humour et d'espoir ! Un film jamais caricatural mais qui ouvre tous les horizons d'un futur où les femmes seront bien cette moitié de l'humanité en marche !

Et voilà... 6 films en 10 jours ! L'amorce d'un printemps cinématographique ! A l'heure où le débat politique et scientifique stagne au degré zéro de l'intelligence, quelques conteurs d'histoires, amuseurs publics, montreurs d'images, nous rappellent que la culture vaut bien un détour par l'écran de nos passions, que l'espoir peut renaître des cendres de notre cauchemar et que les frontières du monde sont à notre portée !

Allez, encore un effort pour être révolutionnaire !

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Hors Normes et La Belle Epoque : 2 visions du cinéma !

Publié le par Bernard Oheix


Voici deux films particulièrement intéressants qui posent le problème du vrai et du faux, de la réalité et de la fiction, deux films qui se répondent en écho pour imposer leur vision d’un monde où rien n’est figé comme on l’imagine.

Hors Normes n’est qu’un film ! Mais un excellent film de Olivier Nakache et Eric Toledano avant tout ! Même si le peech est à faire peur, « des autistes en phase d’adaptation dans des structures parallèles...», on a connu mieux pour attirer le spectateur lambda ! Et pourtant, quelle passion tout au long de ces deux heures, scotchés à l’écran, perdus dans les limbes étranges d'un univers parallèle. Ce n’est qu’un film, car à l’évidence Vincent Cassel et Reda Kateb ont des têtes connues et sont de vrais acteurs, pas des soignants. Alors on imagine sans peine les heures de tournage pour aboutir à ce film, les projecteurs qui ronronnent, les «moteurs», «coupez», les éclairagistes et les techniciens qui s’affairent, les travellings et le point photo, les repères entre les réalisateurs et les comédiens, la machine cinéma en pleine action pour créer l’artifice.
Mais alors pourquoi cette impression de réalité extrême, de naturalisme, de vérité pour un film que l’on pourrait classer dans la catégorie «documentaires» mais qui nous tient en haleine comme un polar social.
Dans l’excellence du jeu des deux acteurs principaux, assurément ! Dans l’impressionnante performance des ados «autistes», coupés de notre réalité dont on ne saura jusqu’au bout s’ils sont d’authentiques acteurs où d’admirables malades. Dans les adolescents «binômes/accompagnants», plus vrais que nature, jeunes de banlieue en phase d’insertion professionnelle que l’on imagine aussi bien sorti d’un casting sauvage dans les cités du 9.3 que d’une école de formation au métier d’acteur.
Tous ces ingrédients assument et portent une histoire fascinante, une fuite en avant vers l’amour de la différence, la capacité de recréer des ponts entre deux publics marginalisés (les autistes et les jeunes en insertion) et leur environnement, la force de la tendresse sur les rigueurs de l’administration. La puissance des actes contre les actes de puissance, l’écoute comme vertu, le coeur contre la raison, l'optimisme comme un rempart contre les forces du mal...
Certains devraient méditer sur les leçons de ce film et traverser la rue pour regarder la réalité. Hors Normes est un film hors norme qui nous donne la certitude que le monde est bien réel et qu’un film peut donner à voir ce que notre cécité nous empêche de discerner : la beauté insondable du monde !

C’est bien tout le contraire pour La Belle Epoque de Nicolas Bedos qui se situe à l’opposé exact de la démarche de Hors Normes. Les héros sont des acteurs de la vie réelle et le cinéma dans le cinéma va pouvoir les «téléporter» dans un monde reconstitué, un monde d’artifices où le génie de la reconstruction avérée s’en donne à coeur joie ! Un auteur de BD en panne d’inspiration et coincé dans une relation amoureuse qui s’épuise (Daniel Auteuil) accepte l’offre de plonger dans une expérience de retour en arrière grâce à un metteur en scène qui offre ce service à coups de décors, acteurs et scénarios élaborés en fonction du désir de l’ordonnateur. 
C’est en 1974 qu’il décide de se retrouver, dans le bar même où son existence a basculé, le jour précis où il a rencontré l’amour (Fanny Ardant) pour en revivre les premiers instants magiques. Le film va basculer entre un vrai présent et un faux passé (ou l’inverse !), entre la réalité de ce qu’ils sont devenus et  le rêve de ce qu’ils étaient, et comme on est assurément au cinéma, le faux (qui est le vrai) et le vrai (joué pour du faux) s’entremêlent dans un joyeux télescopage où tout est légitime, tout est illusoire ! C’est d’un équilibre exquis, tant par le scénario ciselé à l’extrême que dans une réalisation où l’artifice cinéma s’en donne a coeur joie ! Il y a de «La Nuit Américaine» dans cette Belle Epoque ou l'on roule en solex dans des rues de carton pâte, les oeufs durs trônent sur le comptoir, les cigarettes à la bouche, et où les actrices qui campent des personnages censément ayant existé, sont capables de tomber amoureuses du double imaginaire de leur partenaire. 
Et dans un ultime pied de nez, Fanny Ardant convoquera Daniel Auteuil dans «sa» reconstitution de ce même moment pour renouer avec les liens qui ont tissé leur vie et faire renaître leur amour au présent.
Un exercice de style époustouflant où Nicolas Bedos donne la pleine mesure de son amour du cinéma et de son talent pour parler de l’éphémère et de l’artifice.

Deux films à voir en urgence, deux facettes de la richesse du cinéma français, deux approches radicalement inversées qui démontrent l’extraordinaire vitalité de notre cinéma !
Allez, filez devant vos écrans pour faire vivre la fiction du réel !

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Agnes Varda !

Publié le par Bernard Oheix

Agnes Varda !

Agnès Varda, une rencontre, une belle rencontre ! 

Dans mes années de jeunesse, Directeur de l'Évènementiel au Palais des Festivals de Cannes, je m'occupais des empreintes de stars pendant cette quinzaine où tous les regards convergent vers la capitale éphémère du Cinéma. Il y a 20 ans, à l'aube d'un millénaire nouveau, Agnès V est annoncée au Festival avec Les glaneurs et la glaneuse. Avec Nadine Seul, qui suit ce dossier dans mon équipe, nous contactons son attachée de presse. Après quelques tergiversations, elle accepte à une condition "-Que mes empreintes soient placées à côté de Jacques Demy, sinon, c'est inutile de les faire !"

Et la rencontre aura lieu, dans nos bureaux, fait exceptionnel, la plupart des artistes préférant le regard de la foule et des photographes.

Avec humour, elle nous parle de la vanité, du temps qui passe, de mille sujets, importants comme  bénins...

Elle s'amuse de ce moment particulier où règne l'idée d'une postérité à travers ses mains dans la terre cuite, des traces sur un parvis pour célébrer son futur, la preuve tangible qu'elle a occupé une place de choix dans cette grande mécanique de la Culture et du 7ème Art.

Au moment de l'autographe, elle s'amuse avec le mot culture, comme une gamine riante d'une bonne blague à l'histoire.

Au moment de l'autographe, elle s'amuse avec le mot culture, comme une gamine riante d'une bonne blague à l'histoire.

PS : ne cherchez pas sur le parvis du Palais, ce petit coin de paradis qui aurait réuni à jamais Agnès et Jacques, son amour de toujours. Les responsables en poste sont incapables d'exploiter la richesse de 400 empreintes qui croupissent dans les caves du Palais. Une mémoire vivante du Cinéma où se trouvent des trésors enfouis dans l'oubli et l'impéritie du Palais et de la Ville ! Un capital pour le tourisme inexploité, une gabegie !

Et pendant ce temps, en support d'une plaque métallique du plus mauvais effet, une quarantaine d'empreintes sont ignorées, placées à des endroits ridicules, sans commentaires ni information !

Dommage !

Tout le monde parle des empreintes des stars de Los Angeles mais personne ne les a vues... A Cannes, tout le monde les a vues, mais personne n'en parle !

Cherchez l'erreur !

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Retour sur La Stratégie de l'Araignée de Bertolucci

Publié le par Bernard Oheix

 

A travers les hommages rendus à Bernardo Bertolucci, je me suis aperçu que La Stratégie de l’Araignée est comme un trou noir dans sa filmographie. C’est Le Conformiste (1970 avec Jean Louis Trintignant) et Le Dernier Tango à Paris (1972, avec Marlon Brando et sa scène controversée ) qui vont lancer sa carrière et lui permettre d’obtenir les moyens colossaux de sa première fresque (320mn en deux parties) Novecento qui l’installera au panthéon des jeunes cinéastes, (1975/1976, avec une distribution exceptionnelle, Gérard Depardieu, Robert De Niro, Burt Lancaster, Dominique Sanda, Laura Betti, Donald Sutherland, Stefania Sandrelli, Paolo Branco, Sterling Hayden, Alida Valli….).

C’est comme si la Stratégie de l’Araignée était un chapitre vide de sa filmographie. Il est impossible d’ailleurs de trouver ce film dans le commerce, aucune réédition, pas de traces dans les catalogues et les références de la Fnac et autres distributeurs.

Or pour moi, c’est bien ce film qui est le pivot de son oeuvre.

Ex-assistant de Pasolini, c’est avec son 2ème film qu’il reçoit une reconnaissance des critiques (Prix de la jeune critique au Festival de Cannes 1964) et des cinéphiles avec Prima della Rivoluzione (1963/1964) même si le public n’est pas vraiment au rendez-vous. Puis s’ensuivront les années difficiles de 65 à 68 ou il enchaîne des documentaires de commandes (La via del Petrolio, Il canale), un sketch dans le film Amore e Rabbia et son oeuvre la plus déstructurée, Partner avec Pierre Clementi. Influencé (trop !) par Godard et sa révolution esthétique, le film échappe à son créateur et c’est un échec complet sur tous les plans.

Après avoir entamé une analyse et s’être ressourcé, il se consacre à l’élaboration d’un scénario à partir d’une nouvelle de Borges (Thème du Traitre et du Héros).

Il se replonge dans la campagne de Toscane et renoue avec les racines de la culture italienne.

Tara, petit village qui vit au rythme de la campagne et des travaux des champs. Athos Magnani fils débarque d’un train poussif. Il répond à une lettre de l’ancienne maîtresse de son père (Alida Valli) qui a vu sa photo dans un journal et lui demande de venir pour lui parler de son père. C’est son sosie et il en porte le même nom : Athos Magnani (les deux sont interprétés par Giulio Brogi

Toute la ville honore la mémoire de son père, un héros de la résistance communiste tué lâchement dans des conditions mystérieuses, dans une loge de l’opéra pendant le final d’un opéra de Verdi. Statue, place de village, maison des jeunes, Athos Magnani est le symbole même de la résistance et de l’héroïsme face à la barbarie fasciste. Le village est comme figé dans l’or du temps et les vieux, peuplent les rues.

Presque malgré lui, Athos Magnani fils va se retrouver piégé dans Tara à la recherche de ce père mort avant sa naissance.

Et ce qu’il va découvrir échappe à la légende dorée. Derrière son héros de père, un homme lâche aurait trahit sa cause, et cette mort mise en scène en serait le châtiment librement décidé par Athos Magnani lui-même afin d’expier sa trahison dans une scénographie destinée à forger sa légende pour l’éternité !

Sauf que….les faits révélés ne sont qu’apparences. Dans un renversement éblouissant, Le traitre redevient héros.  Devant l’incapacité de ses amis, résistants d’opérette, impuissants à commettre un attentat contre Mussolini qui doit venir au théâtre inaugurer l’opéra, il se décide à fomenter cette fausse trahison pour offrir un héros à la révolution. Ce complot devra marquer les générations futures et enfermera son fils dans une toile d’araignée dont il est la clef. Jeux de dupes, glissement progressif de la déraison, qui possède la vérité ultime sur Athos Magnani père ?

Au-delà de cette sophistication extrême d’un scénario tiré au cordeau, Bertolucci s’est débarrassé de ses « tics » godariens et filme la sensualité de la terre, l’humanité profonde des êtres, noyant d’airs d’opéras les actes et les paysages.

Dans la scène finale bouleversante, Athos Magnani fils attend la micheline annoncée avec du retard. Mais l’herbe a repoussé sur le ballast, il est enfermé à jamais dans la stratégie de son père et ne pourra plus symboliquement, repartir de Tara.

 

Une des clefs qui explique la qualité profonde du film vient de l’utilisation d’un « alphabet » technique en osmose avec l’état d’âme des protagonistes. C’est Godard qui avait déclaré qu’un travelling est affaire de morale, Bertolucci va le prouver par l’image !

 

Une séquence, au début du film en est un exemple, le démontre sans équivoque. Athos Magnani est filmé, immobile de dos, occultant l’espace de l'écran. Dans le basculement de sa marche en avant, on découvre ce qu’il observait, une statue de son père, son sosie. Il va la contourner et s’éloigner sauf que l’angle choisit, le fait disparaître derrière la stèle de son père. En gros, symboliquement, il est avalé par son père, enfermé dans sa toile.

La scène du bal en est un autre exemple magique. Un bal champêtre, il arrive en saharienne et foulard rouge autour du cou. Les fascistes en tenue noire l’observent. Un jeu de panoramiques à 360°  d’une incroyable maestria va enfermer les forces du bien (le rouge) dans le noir des desseins du mal. Afin de le paralyser, les fascistes font jouer l’hymne Mussolinien à l’orchestre et ainsi vide la piste de danse. Giulo Brogi va alors hésiter, suspendre le temps, cherchant une réponse. Il va la trouver par une série de travelling ou il retrace la route du mal pour venir saisir une femme et danser sur l’hymne fasciste sur le plancher vidé de son peuple.

Tout cela dans une forme extrêmement sophistiquée mais s’écoulant avec naturel, en panoramiques et travellings, angles impossibles et contrastes violents où les signes s'affrontent en parallèle de l'histoire.

La scène capitale du dénouement à l’opéra (enfin, du premier dénouement !) en est un autre exemple. Athos Magnani Fils est dans la loge de l’opéra,  filmé de profil, pendant l’air de Rigoletto (Ah, la malédiction !) sensé être celui pendant lequel son père a été tué. Par un effet de travelling optique, quand son visage est sur le point, le fond (l’autre loge où se trouve les amis de son père qui l’auraient tué) est dans le flou. A chaque fois que le point se fait au large, on s’aperçoit qu’un des personnages a disparu. Quand la loge est vide, Athos Magnani fils, affolé, se tourne en champs/contrechamps vers la porte et l’on voit les 3 résistants dans l’entrebâillement. Par une simple mise au point de la focale, on fait vivre l’action de l’intérieur, on dévoile ce qui est dérobé !

 

C’est une forme de structuralisme totalement intégré, des forces soutenant un propos par un alphabet intérieur qui donne une charge « émotionnelle » au discours tenu.

 

Alors, héros ou traitre, il vous appartient désormais de choisir votre option en visionnant en urgence ce film charnière de l’oeuvre d’un cinéaste qui s’est révélé au génie avec La Stratégie de l’Araignée.

Moi, en ce soir de printemps 1971, quand je l’ai découvert sur l’écran de la MJC Gorbella de Nice, il m’a enfermé dans sa toile et je ne l’ai plus quitté. Il est devenu un référent de ma culture, un personnage de ma vie et de mes choix. J’ai décidé de faire ma maîtrise de cinéma (« L’ambiguïté et l’incertitude en miroir » chez Bernardo Bertolucci) sur ce seul visionnement et pendant que j’élaborais mon mémoire, sont sortis successivement Le Conformiste, Le Dernier Tango à Paris et Novecento, comme pour conforter mon choix. Je ne l’ai jamais regretté !

Quand à mon travail, une grande partie en a été reprise en 1979 dans Etudes Cinématographiques (122/126) dans un spécial Bertolucci.

Allez cinéphiles, l’histoire nous mord la nuque, encore un effort pour tenter de comprendre que « bienheureux sont les pays qui n’ont pas besoin de héros (Bertolt Brecht) !

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Hommage à Bernardo Bertolucci

Publié le par Bernard Oheix

 

Nous sommes en 1970. J’ai 20 ans et je termine ma licence. Le sujet de mon mémoire de maitrise d’histoire du cinéma est en train de se préciser. Jean A Gili, mon directeur et maître vénéré (avec Max Gallo, également mon professeur !), spécialiste du cinéma italien, m’aiguille vers Elio Pétri, jeune cinéaste en devenir dans un pays qui explose par l’image et règne sur le 7ème art mondial avec les anciens (Fellini, Visconti, Antonioni, Rossellini, De Sica…) mais aussi la jeune garde qui explore tous les champs de l’image (Bellocchio, Pasolini, Comencini, Scola, Rosi, Sergio Leone).

Elio Pétri a réalisé La Dixième victime et vient de remporter le Grand prix du jury au Festival de Cannes pour Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon. Jean A Gili organise une table ronde et l’invite à l’université. J’obtiens alors une interview de Elio Petri, un homme charmant, intelligent, cultivé en train de préparer sa prochaine Palme d’Or à Cannes (La Classe ouvrière va au paradis en 1972).

Mes dès sont jetés. Je vais travailler sur Elio et obtenir mon sésame pour une thèse sur le cinéma !

 

Mais voilà, dans les films que nous dévorions à l’époque en flux continu  dans les innombrables salles de cinéma d’Art et Essai de la ville de Nice, la MJC Gorbella propose Une Stratégie de l’Araignée d’un certain Bernardo Bertolucci, auteur d’un Prima della Rivoluzione à la réputation excellente. Je n’avais jamais vu de film de lui (à ma décharge, il n’en avait pas réalisé beaucoup !) et son dernier film Partner avec Pierre Clémenti s’était fait descendre par la critique. Les revues de cinéma qui pullulaient à l’époque et que nous lisions sans modération (Ecran, Cinéma, Positif, Les Cahiers du Cinéma, Jeune Cinéma) l’annonçaient comme un excellent film d’auteur.

 

Je me pointe donc, avec ma bande de potes cinéphiles et nous attendons sagement un film de plus dans notre parcours marathon d’une image en mouvements. Las ! Pour moi, ce ne sera pas un film de plus, mais bien une rupture totale, un choc émotionnel violent, une mise en apnée que seule une oeuvre d’art peut déclencher. Choc esthétique, subtilité du scénario tiré d’une nouvelle de Borges (Thème du traitre et du héros), qualité des acteurs (Giulio Brogi, et Alida Valli), grain de l’image  de Vittorio Storaro. Le lendemain, je téléphonais à Jean A Gili pour lui annoncer que j’avais trouvé mon sujet de mémoire, ce serait Bertolucci et personne d’autre !

 

Et l’aventure commença, féérique. Plusieurs séjours à Rome dont 10 jours à la Cinecittà pour visionner l’intégrale de son oeuvre sur les moviola de l’usine à rêves. L’amitié avec Gianni Azeglio qui avait été  son assistant, la rencontre avec Bertolucci en train de monter le dernier Tango à Paris avec Marlon Brando. Entre temps, Le conformiste était sorti avec Jean Louis Trintignant balayant tous les sceptiques et le propulsant au sein du cénacle des jeunes talentueux cinéastes transalpins.

Pion à l’internat de Sospel, je m’occupais du ciné-club pour les élèves. J’ai choisi la Stratégie de l’Araignée dans le catalogue Jean Vigo (en copie 16mm) et l’ai projetée pour les élèves de 3e qui n’ont pas (il faut l’avouer) toujours compris la subtilité du film même si le débat que j’animais les ramena dans le droit chemin. Dans les nuits qui suivirent, au lieu de les surveiller, je me suis visionné la pellicule 12 fois, notant ligne à ligne les effets, les dialogues, dans le bruit du projecteur et le silence de la nuit !

 

Ma maitrise obtint une mention Bien, les félicitations du jury et Michel Estève, le directeur de la collection Etudes Cinématographiques en publia pratiquement l’intégralité dans un cahier « spécial Bertolucci ».

 

 

Hommage à Bernardo Bertolucci

Jean A Gili devint mon ami et mentor pour la vie. Le succès de Bertolucci le propulsa dans la stratosphère des immortels. Le sulfureux Dernier Tango à Paris balayé par un  Novecento à la distribution éblouissante puis bien après, en 1987, Le Dernier Empereur au 9 oscars…

 

Quelques année plus tard, je deviens Directeur de l’Evénementiel au Palais des Festivals de Cannes. J’ai tracé ma route sur les chemins de la culture vivante dans le temple du 7ème art… Et c’est ainsi que j’ai eu l’occasion de croiser une dernière fois sa route.

 

A l’occasion d’un hommage lors du Festival de Cannes en 2011, j’ai eu l’occasion de « faire les empreintes » de Bertolucci. Elles doivent d’ailleurs toujours être dans les caves du Palais, à pourrir parmi tant d’autres reliques de l’art cinématographique. Ce jour-là, j’étais ému de pouvoir de nouveau le rencontrer. Je me souvenais d’un homme fort, imposant de stature, au regard profond. Je le savais malade mais quand je vis son grand corps que j’avais connu si tonique et musculeux, avachi dans une chaise roulante, j’ai eu comme un pincement au coeur. Pourtant ses yeux vivaient encore, comme un rappel de cette lumière qu’il sut dompter dans une oeuvre riche et exigeante techniquement. En italien, je lui rappelais mon souvenir de lui, cette première étude universitaire réalisée sur son oeuvre, notre rencontre. Il a esquissé un sourire las, mais dans ses yeux, une lueur c’est allumée, celle d’un passé d’insouciance et de créativité, celle d’un espoir jamais trahi que son corps abandonnait mais que son esprit gardait vivace.

 

Il m’a offert cette dédicace tremblée et un chapitre s’est clos pour moi. Mais c’est le livre qui se referme désormais. La trace de mon passé est dans la fuite de son temps. Les autres meurent pour nous rappeler que nous ne vivons que par intérim. Bernardo Bertolucci s’en est allé et quelque chose se referme à jamais pour moi.

 

 

PS : Depuis des années, dans les cours que je dispense à l’Université, au Campus International où dans des séminaires, j’utilise un module sur La Stratégie de l’Araignée, qui est pour moi son chef d’oeuvre. C’est une réalisation qui permet de comprendre la technique dans ce qu’elle a de morale (dixit J L Godard)  et l’analyse de trois séquences, plan à plan, et sans aucun doute la meilleure introduction possible à la complexité et à la richesse du langage cinématographique !

 

PPS :  Cher Bernardo, j’ai vu plus de 30 fois ton film La stratégie, et encore aujourd’hui, chaque fois que je le regarde, j’y découvre des détails, des éléments cachés. Je ne m’en lasse pas et j’espère encore en découvrir le ressort caché de tant de fascination.

 

Ciao Ciao Bernardo, je te rejoindrais bien un jour pour prendre un Thé au Sahara, dans la clarté de La Luna. Avec toi comme Partner tout est encore possible !

Hommage à Bernardo Bertolucci

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Guy, Photo de Famille et Roulez Jeunesse !

Publié le par Bernard Oheix

Quelques films Français en cette chaude rentrée d’automne, une palette de bons sentiments et d’histoires pour mieux lire l’en-dehors. Une plongée bien de chez nous pour des émotions universelles ! Une façon de lire bien différente d’une industrie formatée au divertissement et qui fait honneur à ceux qui produisent, réalisent et interprètent  les pages d’un 7ème Art à la Française !

 

Il y a tout d’abord un bijou d’intelligence et de finesse. Guy d’Alex Lutz qui part d’une idée profondément novatrice, un faux film de reportage devenant fiction. L’argument est simple. Un homme découvre à la mort de sa mère le nom de son géniteur, Guy Jamet, chanteur de variété qui a eu son heure de gloire et qui, surfant sur la vague de la nostalgie, se retrouve de nouveau sous les feux de la rampe. Vidéaste, il décide de le rencontrer sous prétexte de lui consacrer un film de reportage.

Il y a une mise en abysse de la réalité, fausses pistes permanentes entre le passé et le présent, l’être et le paraître, la vérité et le mensonge.

Alex Lutz joue lui même ce rôle d’un vieux « crooneur », plus vrai que nature, tant dans son aspect physique, que dans sa façon de s’exprimer, usé par les années, par ce regard de la gloire qui s’est posée sur lui. Il chante à merveille la ritournelle de ces années dorées d’une jeunesse envolée.

Le quotidien de ce chanteur devient du coup mystérieux, étrange, renvoyant au problème de la filiation, du rapport à la célébrité et au temps qui passe.

Dans le regard de ses fans, il y a toute la ferveur de ses admirateurs de toujours qui remplissent ses galas au nom d’un souvenir ému et viennent communier dans le souvenir.

Le film évite tous les pièges d’une redondance, renvoie parfois vers l’interrogation existentielle (Qui suis-je ? Qui puis-je ?), ouvre des pistes finement suggérées (le chanteur se doute-t-il de quelque chose dans certains regards interrogatifs ?). Bref, ce film, entre les lignes, dessinent le portrait d’hommes et de femmes à la recherche du temps qui passe, d’une parcelle d’humanité et d’un morceau d’éternité !

 

Tout aussi passionnant est Photo de famille de Cecilia Rouaud avec une distribution étincelante.

3 frères et soeurs, Vanessa Paradis gagne sa vie immobile, statue vivante dans les parcs de Paris, Pierre Deladonchamps en game designer autiste, Camille Cottin, la rage au coeur de ne pas réussir à tomber enceinte alors que toutes ses copines pondent allègrement (même la nouvelle jeune femme de son père !), se réunissent avec leurs parents, Chantal Lauby déchirante d’humanité et Jean-Pierre Bacri dans un registre plus sobre qu’à l’habitude, autour de la grand-mère qui ne peut plus vivre seule et veut « retourner » à St Julien, le lieu de leur enfance, pour y mourir. Derrière les déchirures de la vie, il y a, à fleur de peau, tous les mystères de l’amour et de la tendresse. Chronique douce amère d’une France de la confrontation des âges (4 générations coexistent), des familles où se tissent des liens que le temps écharpe, des ressentiments et de la générosité, de l’amour et de l’interrogation sur un futur qui nous guette.

 

Dans un registre plus mineur de la comédie mais d’une facture tout à fait honorable, Roulez jeunesse de Julien Guetta, un premier film avec Benjamin Roux en chef opérateur talentueux, sait naviguer entre les écueils de la facilité et les codes d’un genre, la comédie dramatique porté par un drame social. Alex, campé par un lumineux Eric Judor vit toujours chez sa mère en camionneur étouffé par son omniprésence. il rencontre au hasard d’une course, un fille allumée qui lui lègue en cadeau d’une nuit, trois enfants dont il va devoir s’occuper par nécessité. Entre la chronique sociale d’un Ken Loach et la comédie de moeurs à la française, le film oscille agréablement, cheminant vers les chemins de traverse d’un Tchao Pantin moins sombre et tourné vers l’espoir. C’est d’une facture intelligente et légère qui laisse augurer d’un avenir prometteur pour le réalisateur.

 

Reste une petite déception, Les Frères Sisters de Jacques Audiard. Si attendu, précédé d’une réputation flamboyante et d’une distribution exceptionnelle, ce film « western réaliste » étire sur deux heures les errements d’un duo de tueurs à la solde d’un « commodore » impitoyable traquant deux gentils allumés à la recherche d’un paradis à créer. D’où vient alors ce sentiment de longueur, cette impatience qui nous saisit dans les échanges sans fin entre le quatuor de bras cassés en butte aux hordes de tueurs lâchés leurs basques et la vie sauvage d’un Ouest en pleine conquête en ce milieu du 19ème siècle ! peut-être dans un trop plein d’images, de mots et de fureur. Bon, peut-être aussi dans une trop grande attente d’un « western à la Française ! »

 

En conséquence et malgré tout, vive le cinéma Français, si riche et vivant, si ancré dans la réalité et dans le rêve, dans l’ici et l’ailleurs, apte à nous transporter dans de belles histoires, de belles contrées, campé par des hommes et des femmes qui portent les drames et les joies d’une vie à construire.

Vive le Cinéma, Vive le Cinéma Français !

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Un festival pas comme les autres !

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc un article paru dans l'excellente revue culturelle de la Côte d'Azur, La Strada (N° 295 du 4 juin 2018). Son  directeur, Michel Sajn, mon ami, m'a demandé de faire un papier sur le Festival du Film de Cannes. Avec 40 films au compteur j'avais peut-être, selon lui, une certaine légitimité à faire un bilan. Le voici donc... à vous de juger !

 

Un Festival pas comme les autres !

 

 

Et je ne parle pas seulement du virage de la sélection, des nouveaux auteurs qui font irruption cette année et de l’absence (justifiée ?) d’un lot  d’icônes récurrentes du Festival et plus généralement des américains…

Non, je parle aussi de la capacité extraordinaire pour un cinéphile lambda comme moi de faire son propre marché en voyant 40 films en 9 jours dont les 3/4 de la compétition, presque tous les films de la Semaine de la Critique, la majeure partie d’Un certain regard et quelques sélections de la  Quinzaine où autres catégories (cinema des antipodes, acid ect…

C’est le privilège accordé par le badge cinéphile à ceux qui refusent de monter les 24 marches du tapis rouge pour aller dans les salles périphériques de la Bocca prendre leur over-dose d’images du monde, de sujets brûlants et de visions paradoxales.

 

La sexualité déclinée

 

Et en ce mois de mai 2018, nous avons été particulièrement gâtés. Année du renouveau ? Peut-être, même si le cinéma produit par les témoins d’un monde en convulsion ne peut que refléter l’état d’urgence de notre société a entamer sa grande mutation vers un monde meilleur.

Deux thèmes vont parcourir ces films en écho d’une planète du 7ème Art, parcourant tous les recoins d’une planète bien étroite quand il s’agit de celle des idées, du Mexique au Japon, de la Russie à l’Egypte… Le premier concerne une déclinaison permanente de la sexualité sous toutes ses formes, du trans-genre à l’homo, de la passion assumée à l’indicible constat de son appartenance hors les normes. Toutes ces variations tentent de faire resurgir l’humain et sa fragilité derrière son sexe, de décliner une identité nouvelle brisant les tabous. Avec réussite et élégance dans Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré où rode l’ombre du Sida ou chez Mario, le jeune footballeur épris de son coéquipier de Marcel Gisler. Il est plus tragique dans l’excellent Sauvage de Camille Vidal-Naquet (la descente en enfer d’un jeune prostitué drogué que rien ne pourra sauver, même les mains tendues) ou totalement déjanté dans le quatuor amoureux et savoureux de A genoux  les gars du réalisateur Antoine Derosières, ou une cité sert de laboratoire à l’apprentissage du sexe chez 4 adolescents. Verbe et jubilation ! Chez Ryusuke Hamaguch, Asako 1 et 2 va tomber amoureuse d’un garçon sosie de son premier grand amour Bakou… celui-ci fait un retour  dans sa nouvelle vie et va remettre en cause toutes ses certitudes… dans le formidable Shéhérazade de jean-Bernard Marlin, un couple improbable, lui jeune délinquant et apprenti proxénète, elle sa première pute, vont connaitre le grand amour jusqu’à briser tous les codes d’honneur de la délinquance en assumant le statut de « balance » pour que leur passion vive et s’épanouisse dans l’espoir d’un futur !

Mais c’est avec Girl du Belge Lukas Dhont que le Festival subira un de ses choc le plus poignant et émouvant! Une jeune fille mène de front son apprentissage de danseuse dans une académie de danse où elle martyrise son corps pour atteindre l’excellence et son chemin vers une transformation physique destinée à lui ôter les attributs masculins d’un sexe qui n’est pas le sien. Le jeune acteur Victor Polster habite ce personnage d’une grâce, d’une énergie et d’une certitude qui balaient tous les poncifs autour de cette mutation. Entouré d’un père aimant et d’une équipe médicale attentive, elle va provoquer le destin dans un acte final à couper le souffle ! Prix et interprétation pour l’acteur. Le choc du Festival !

 

L’enfance en filigrane

 

Le deuxième thème tourne autour de la situation des enfants et des adolescents, trop souvent maltraités, victimes et observateurs, dévoilant les injustices de leur environnement hostile. Parfois aimés comme dans la Palme d’Or (quelque peu sur-valorisée !) de Kore-eda, La petite famille où des enfants sont recueillis et deviennent des apprentis voleurs, où dans le formidable et injustement oublié du palmarès, Yomédine de Abu Bakr Shawky en orphelin compagnon d’un lépreux sur les chemins d’un voyage initiatique vers un passé douloureux. C’est l’enfant kidnappée qui provoque le drame de Everybody Knows de Asghari Farhadi, l’excellent film d’ouverture du festival, dont l’absence au palmarès est bien étonnante. Dans Wildlife de l’américain Paul Dano, c’est dans les yeux d’un adolescent que l’on voit le délitement d’un couple dans une société américaine désemparée et sans illusions. Les futur électeurs de Trump sont en gestation dans ce Montana des années 70… Dans Ayka, film russe de Sergey Dvortsevoy, l’enfant est abandonné à la naissance par une immigrée Kirghize au bord du gouffre, exploitée par des marchands de sommeil, des patrons véreux et pourchassée par des prêteurs sur gage qu’elle ne peut rembourser. Dans sa plongée vers l’horreur, elle va retrouver ce bébé pour se libérer de sa dette en le vendant aux truands…mais réussira-t-elle à s’en séparer ? Un prix d’interprétation féminine consacre ce film haletant et poignant où, dans un Moscou sous la neige, le sort des immigrés vient en écho de  leur situation dans tous les pays du monde ! Dans Capharnaüm de Nadine Labaki, récompensé par le jury, l’enfant intente un procès à ses parents pour l’avoir fait naître dans ce monde de souffrance et d’horreur pour les plus faibles.

 

La société française en miroir

 

Mais le festival de Cannes, en cette édition 2018, c’est aussi un formidable miroir à l’international d’une série de films Français renvoyant à la réalité si dure d’un pays qui cherche un sens à son avenir. Nos Batailles de Guillaume Senez et En Guerre de Stephane Brizé consacrent un genre bien politique du cinéma français. De la réalité à sa mise en fiction, ces deux films sur la dureté du monde de l’entreprise et la lutte pour survivre se voient comme des films haletants et des aventures humaines sans complaisance. Romain Duris et Vincent Lindon sont formidables en héros d’un peuple que la pression de l’entreprise et la logique de la rentabilité renvoie à la casse sociale des laissés pour compte ! Films avant tout.. même s’ils renvoient à un présent que nous aimerions bien voir changer !

Et notons que les évènements si proche de la Vallée de la Roya autour des migrants auront eu un écho dans deux films. La traversée de Goupil/Cohn-Bendit où le couple part sur les chemins de France à la recherche des racines de l’histoire contemporaine. Déambulation testamentaire des héros soixante-huitards, le film alerte le meilleur (la scène de l’ouvrier retournant dans son usine désaffectée, le retour aux chantiers naval de St-Nazaire) mais manque parfois de clarifications à des rencontres sans réponses (Ménard, Le repas avec les sympathisants du FN). Un des moments de grâce du film reste les interventions des habitants de La Roya confrontés au problème des migrants, l’humanité profonde qui se dégage de ceux qui vivent au contact de ces êtres perdus errants sur les routes du désespoir.

Et bien sur, en séance spéciale du Festival, Libre, le documentaire réalisé par  Michel Toesca avec Cedric Hérrou où pendant 3 ans, caméra à l’épaule, le réalisateur va suivre son ami et tous ceux qui se sont engagés au delà des clivages, pour assister et soutenir ces ombres qui marchent coincées dans cette vallée du Sud-Est par la loi des logiques d’état contre celles du coeur !

 

Voilà donc un panorama de ce qui vous attend dans les prochains mois sur vos écrans. 40 films visionnés en 9 jours sur les centaines de films présentés… c’est peu certes mais suffisant pour donner une image de la production mondiale. Et si les commerçants de Cannes tirent la gueule sur cette édition en constatant les chiffres d’affaires en baisse, les cinéphiles eux affichent le sourire satisfait d’une attente récompensée. Allez les les sélectionneurs, continuez à nous faire rêver et le monde de l’économie retrouvera les chemins de l’espoir !

Le Festival du Film de Cannes reste le plus grand évènement mondial du cinéma, n’en déplaise à quelques américains confiants  dans leurs certitudes !

 

PS : Et si vous voulez vivre un vrai moment de cinéma pur, pensez à aller voir dès qu’il sortira Artic, de Joe Penna avec au générique un Mad Mikkelsen éblouissant… et une actrice dans le coma qui ne prononcera qu’un mot de tout le film. Par contre, lui, dans ce rôle d’un Robinson Crusoé des mers de glaces s’en donne à coeur joie pour tenter de survivre. Du grand cinéma d’aventures dans des paysages fabuleux et qui repousse les limites du courage et de l’acharnement à ne pas sombrer !

 

PPS : Et je n’ai rien à vous conseiller pour Le grand bain, comédie jubilatoire de Gilles Lellouche avec un casting de folie. Ce sera le prochain grand succès de la rentrée (mérité) et vous vous régalerez comme tous ceux qui l’ont vu à Cannes. Vous rirez comme moi et comme la France entière aux déboires d’une cohortes de pieds cassés en train de vaincre leur destin de losers !

 

Allez, et bonnes toiles pour les amateurs de cinéma, là où il faut les voir, c’est à dire devant le grand écran d’un grand cinéma  !

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Festival du Film 2018 : L'apothéose !

Publié le par Bernard Oheix

 

Bon, il y a des miracles… Cette édition 2018 le confirme. De séances en séances, de films en films, bouleversants, étonnants, à rire et à pleurer, qui font réfléchir et qui détendent. Toute la panoplie des émotions y passent avec ce mystère d’un monde qui respire aux quatre coins de la planète du mouvement de l’intelligence et du coeur.

Après 39 projections en 7 jours, l’oeil se vide de tous préjugés et l’esprit se remplit d’humanité. C’est ainsi, 2018 est une très grande année pour le cinéma !

 

Deux films merveilleux en cette période de « macronisation » aiguë de la société ! Nos batailles de Guillaume Senez permet à un Romain Duris d’exploser dans le rôle d’un employé d’une multinationale de la distribution (Amazon, je t’ai reconnu !) dont la femme épuisée quitte le foyer et ses deux enfants. Tranches de vie bouleversante entre la profonde inhumanité du monde de l’entreprise et le destin brisé de deux enfants, d’une famille solidaire mais désemparée devant la dureté de l’existence. Un film âpre et prenant dont on ne sort pas indemne.

C’est encore plus violent dans le Stephane Brizé en compétition, En Guerre, où Vincent Lindon va tenter l’incroyable pari d’obtenir un second prix d’interprétation mérité pour un rôle qui se situe sur le même terrain que La Loi du Marché. Une entreprise d’Agen est promise à la fermeture et ses 1100 salariés à la casse malgré sa rentabilité et un précédent accord où le personnel avait consenti des sacrifices en signant un contrat rognant sur leurs droits et primes pour faire vivre l’entreprise. Mais la firme allemande propriétaire décide de délocaliser la production en rompant son engagement de maintenir l’activité pendant 5 ans. La lutte s’engage, violente, un combat dont personne ne sortira indemne. Et pendant ce temps les politiques pérorent et les patrons taillent à la serpe dans la vie des gens. C’est magnifique, bouleversant, haletant jusqu’à un dénouement qui vous prend à la gorge ! Sous la plage de la Croisette, les pavés volent aussi !

Plus étonnant La traversée, où l’ont suit les pérégrinations de Dany le rouge et de Romain Goupil sur les terres d’une France dévastée par la désindustrialisation, la peur de l’autre (le passage sur la vallée de la Roya et les immigrés est magnifique et les idées extrêmes d’un Ménard (un peu complaisant nos amis face à leur ancien pote !) et d’une tablée du Front National… C’est un film où la liberté de ton est réelle, où Dany s’en donne à coeur joie et cabotine à souhaits, avec des portraits de gens engagés qui donnent de l’espoir… même s’il manque parfois un peu d’analyse sur les réponses aux problèmes soulevés !

Loi des séries avec deux beaux italiens. Dogman de Matteo Garrone film en compétition où le réalisateur de Gomorra revient filmer des paumés de la vie dans un quartier populaire sous la botte d’un truand sauvage. Un homme simple, toiletteur pour chien, va régler ses comptes en affrontant le chef de gang. Euphoria de Valeria Golino est un film magnifique où un homme en train de mourir d’une tumeur est recueilli par son frère, gay et riche, cultivé et sensible. Tous les deux vont communier et se retrouver pour un dernier parcours sur les chemins de la vie. Poignant et digne et certainement pas misérabiliste même si je défie quiconque de ne pas verser une larme dans la séquence finale !

Mon tissu préféré de Gaya Jiji se situe dans une Syrie en train de se convulser sous les assauts d’un printemps libérateur. Une jeune fille est promise a un expatrié qui choisit finalement sa soeur cadette. Elle va rêver sa vie, son destin, un avenir, pendant que toutes les certitudes explosent et embrasent le quotidien. Un vrai document sur une histoire en train de se défaire !

Parmi tous ces films, un Semaine de la Critique (1er ou 2ème film) laisse afficher de belles promesses. Woman at War de Benedikt Erlingsson, un thriller écologique islandais, suit une femme tentant de s’opposer à un conglomérat industriel en provoquant des attentats sur les lignes à haute tension…

De même, deux films japonais en compétition seront proposés à quelques heures d’intervalle. Shoplifters de Kore-Eda est un peu convenu et longuet. Ce film sur une famille recomposée au grand coeur, composée de voleurs de tout âge, s’étire… même s’il se laisse voir sans déplaisir. Plus surprenant est Asako 1 et 2 de Ryûsuke Hamaguch. Une jeune fille est amoureuse de Baku qui la quitte plusieurs fois. Il va disparaître définitivement et bien des années plus tard, elle va tomber amoureuse du sosie de Baku. Jusqu’à ce qu’il revienne une nouvelle fois troubler son existence  et que toute ses certitudes s’écroulent ! Passionnant.

Pour rester en Asie, le trop long Burning de Lee Chang-Dong loupe le coche. Une première partie interminable, une deuxième qui rate l’essence d’une histoire de Murakami… Dommage !

Cold War de Pawel Pawlikowski devrait se retrouver au palmarès. Dans les années soixante de la guerre froide, un chef d’orchestre et une chanteuse vont vivre une passion sans avenir. La fuite de l’un à Paris et la montée de la main-mise des politiques sur l’orchestre folklorique ne vont leur laisser que quelques bribes d’une vie à partager, jusqu’au dénouement final, une des plus belles séquences proposées par les films de cette édition 2018 si riche en langage cinématographique !

Reste la surprise de la dernière heure. Ayka de Sergey Dvortsevoy suit le destin d’une jeune Kirghize émigrée à Moscou. Une plongée glaçante dans une ville tentaculaire sous la neige. Marchands de sommeil, employeurs véreux, policiers corrompus, prêteurs sur gage et cet enfant dont elle accouche et qu’elle abandonne dans une fuite éperdue pour survivre. Tous les ingrédients (femme, émigrée) pour éperonner la conscience de nos conformismes se trouvent réunis pour créer la surprise au palmarès. Une femme présidente pour une laissée pour compte de la société inhumaine des hommes… Pourquoi pas la plus haute marche du palmarès 2018 ?

 

 

Resterait plein d’autres films à commenter mais aussi un palmarès qui va débouler, avec son lot de surprises traditionnelles et il est donc l’heure tant attendue des pronostics.

Avec 16 films en compétition sur les 21, je m’avance donc avec la réserve de ceux que je n’ai pu voir. On devrait retrouver dans les primés les deux films de la Russie (L’été de Serebrennikov et Ayka de Sergey Dvortsevoy) et celui de la Pologne (Cold War de Pavel Pawlikowski) auxquels on peut rajouter Everibody Knows de Asghar Fajardie et Yomeddine de Abu Baki Shawky pour la Palme d’Or.

Pour l’interprétation masculine, Vincent Lindon pour En guerre et Maurizio Braucci pour Dogman vont s’affronter à armes égales (… et pourquoi pas un double prix ?) quand à l’interprétation féminine, elle revient de droit à l’actrice qui interprète Ayka.

Mais le jury a ses raisons que la raison ne connait pas toujours ! Verdict dans quelques heures !

Et n’en déplaise aux critiques pisse-froids, ce fut un excellent Festival, rempli de surprises et qui nous a permis de voyager à travers le monde à la recherche de ce bon sens qui semble tant manquer à une humanité au bord du gouffre !

Quand à moi, j’atteindrai aujourd’hui cette barre mythique des 40 films…et je vais peut-être pouvoir me détendre au bord d’une des plus belles scènes du monde, devant un écran gigantesque, celui d’une Méditerranée nonchalante qui berce nos pieds endoloris par les heures passées dans les files d’attentes  à parler et discourir sur les films avec des inconnus en mal d’émotions fortes et de partage !

Allez, rendez-vous pour le palmarès tout à l’heure et à l’année prochaine pour de nouvelles aventures !

PS : Et si vous voulez rire au cinéma, n’hésitez pas. Le grand Bain de Gilles Lellouche, promis à un destin national, vous permettra de vous laisser aller autour d’un casting de rêve particulièrement bien utilisé, d’une histoire éternelle (les looseurs qui gagnent !) et sera la grande comédie de l’année… à juste titre !

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Festival du Film... des raisons de rêver !

Publié le par Bernard Oheix

 

22 films et le miracle perdure.  On se souviendra de cette édition comme d’un moment de grâce que les propositions des réalisateurs parent de toutes les gammes des émotions et des sentiments. Et la fête n’est pas terminée !

 

Souffle d’air frais avec une rafale de films français de qualité. A genoux les gars, de Antoine Desrosières, montre un quatuor adolescent en train d’éperonner tous les codes de l’amour. Dans une cité de banlieue, deux soeurs Rim et Yasmina à la verve haut en couleur, vont se retrouver en train d’expérimenter les jeux de l’amour sans le hasard ! Rires garantis et fraicheur des acteurs pour une comédie sans romantisme.

Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin offre un autre visage de l’amour sur les trottoirs de Marseille. Un jeune délinquant tombe amoureux de la première prostituée du réseau qu’il monte. De souteneur à soutien, il n’y aura qu’un pas qu’il franchira en endossant le rôle de « la balance » si honnie dans ce milieu de la délinquance aux codes d’honneur inscrits dans le marbre. Pour la sauver, il retournera en prison, perdra un oeil mais en trouvant la lumière. Traitre à sa bande, il va enfin accepter ce grand amour qui le sauvera !

Joueurs de Marie Monge oppose un Tahar Rahim étincelant en joueur accroc, à une jeune fille bien sage dévorée par l’ennui et la solitude. Happée par ce tourbillon de sentiments et cette griserie d’un monde de la nuit où le jeu dévore l’ennui, elle va glisser à ses côtés vers la pente fatale de la mort. Elle tentera bien de le sauver malgré lui, mais cet amour sauvage ne peut que se briser sur les illusions d’une fuite vers le néant. Marie Monge, pour ce premier film, démontre une belle maitrise, un sens inné pour raconter et filmer une histoire éternelle, celle des jeux de l’amour et du hasard, même s’il n’y a plus de hasard dans sa capacité à devenir une metteur en scène dont on attend désormais les prochaines productions !

O Grande Circo Mistico voit un revenant renaître de ses cendres. Carlos Diegues n’avait plus tourné depuis 18 ans. Ce seigneur du Cinéma Novo brésilien des années 70/80 s’était muré dans le silence. Avec ce film qui suit la vie d’un cirque sur un siècle, entre les deux passages de la comète de Haley, il crée un univers baroque et sensuel, des personnages décalés dans des situation absurdes. C’est du grand cinéma, inspiré, et on peut noter la participation exceptionnelle d’un Vincent Cassel métamorphosé.

Wildlife est une plongée dans l’Amérique profonde du Montana, près ère Trump ! A la hauteur d’un adolescent, le film montre le délitement d’un couple qui s’enfonce dans une crise de confiance, une fuite en avant où tout est prétexte en faire surgir l’incompréhension et le désarroi. Cet angle si précis donne une dimension de proximité au drame en train de se jouer et annonce les désastres à venir d’une société américaine sans illusions.

Enfin 2 bijoux pour conclure cette deuxième livraison.…

3 visages de Jafar Panahi, le banni iranien interdit de sortie du territoire. Il va poser un des visages sur son film, le sien. Mais il y a aussi dans cette histoire tous les ingrédients d’un mystère à résoudre. Un message filmé d’un portable est arrivé chez une actrice célèbre de la télé iranienne. C’est un appel au secours d’une jeune fille. Sa famille veut l’empêcher de devenir élève dans une école d’art dramatique et la marier de force. Elle décide de se pendre en se filmant. Ce message va déclencher le départ pour son village reculé dans les montagnes de l’actrice et de son réalisateur, Jafar Panai lui-même. Ils vont enquêter sur cette affaire et au passage, dévoiler toutes les contradictions d’une société iranienne engoncée entre le passé et l’absence de futur. C’est un film d’une rare puissance, une pérégrination sur les chemins de l’émancipation des femmes dans une société corsetée par les codes du machisme et de l’honneur.

Girl de Lukas Dont, un flamand est sans doute l’oeuvre la plus passionnante de ce Festival. présenté à Un Certain Regard, elle méritait de pouvoir se mesurer aux autres films en compétition.

Par le thème d’abord, celui d’une jeune fille Clara engoncée dans un corps d’homme et qui entame sa mutation médicale soutenue par son père et un corps professionnel attentionné. Par la personnalité exceptionnelle de son acteur principal, Victor Polster qui d’ores et déjà aura gagné la palme de toutes les interprétations, masculine comme féminine ! La jeune fille partage sa vie entre cette académie de danse (rarement on aura montré cet art du mouvement comme une douleur si intense de la répétition vers la perfection), et ses séances avec les psys et médecins. C’est une ode à la liberté, à la tolérance et à l’amour. Dans sa nature si troublée, elle trouve une force incroyable pour jeter à tous ceux qui pensent qu’une « manif pour tous » suffit à remettre des frontières, un pavé dans la mare de la bienséance et du poncif. Le drame final lui permettra enfin d’être cette jeune femme libre qu’elle a toujours été dans sa tête.

A voir avec urgence !

 

Et le Festival s'avance, de séance en séance. A chaque ouverture, nous espérons toujours et encore être surpris, émus, amusés… et cela tombe bien, car cette édition 71 restera dans les annales du cinéma ! Jusqu’à maintenant tout au moins ! Bon, avouons-le, il y a toutes les raisons d’espérer, au vu de l’état du monde, que le 7ème Art aura encore de belles pages à écrire pour tenter d'éclairer le monde !

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Festival du Film 2018... Un début en fanfare !

Publié le par Bernard Oheix

 

12 films et déjà une impression d’être au centre du monde du 7ème Art, qualité au rendez-vous des cinéphages,  films intéressants, voire passionnants dégustés sans retenue. Le festival semble bien parti, puisse-t-il tenir ses promesses et continuer à nous emmener vers ces chemins de traverses qui nous font voyager au coeur des hommes et à travers les paysages si divers de notre planète,  celle des sentiments d’une urgence à mieux lire ce monde.

 

De cette ouverture, nous pouvons retenir la qualité avérée du cinéma des antipodes avec deux films australiens et un superbe court métrage. That’s not me réalisé par Grégory Erdstein est l’histoire de deux soeurs jumelles dont l’une réussit à devenir une star pendant que l’autre doit assumer son rôle de doublure frustrée. La légende de Ben Hall de Matthew Holmes est tirée d’une véritable histoire et se situe plus classiquement sur le terrain d’un western Australien. Ben Hall, l’ennemi public numéro 1, détrousseur de diligences et de convois d’or, dans une dernière randonnée sauvage, va tenter de fuir et d’échapper aux forces qui le traquent.

Un court métrage The Dam (Brendon McDonnel), va introduire ce qui semble être le thème de cette 71ème édition du Festival de Film de Cannes : l’homosexualité. Deux jeunes se baignent dans la mer, 40 ans plus tard, ils se retrouvent au crépuscule de la vie et vont dans un dernier round, tenter de renouer les fils de leur histoire afin de la comprendre. 3Trois bijoux qui montrent à l’évidence combien ce cinéma des antipodes est riche et mérite d’être plus reconnu.

Sur le thème des amours lesbiens et homosexuels, nous allons enchaîner avec Sauvage (réalisation Camille Vidal-Naquet) de la semaine de la critique (1er ou 2ème film), remarquable portrait d’un enfant perdu, prostitué, drogué, malade. Sans affect, il va plonger vers son destin sans pouvoir saisir les mains qui se tendent pour le sauver. troublant. Plus classique le Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré en compétition. Un écrivain précieux dévoré par le sida rencontre un jeune et va tenter de résister à la passion d’un dernier amour. Magnifiquement interprété par Pierre Deladonchamps et un surprenant Vincent Lacoste, le film se penche sur cette époque où la maladie emportait les uns après les autres ceux qui avaient osé transgresser la norme. Académique mais élégant !

Pour cette compétition officielle, les premiers films visionnés sont porteurs d’enthousiasme cinéphilique. Todos lo saben (Everybody Knows) avec le couple charismatique (Pénélope Cruz/Javier Bardem) dans une réalisation de l’iranien Asghari Farhadi, est un bijou esthétique, sensuel, dramatique, formidablement mis en scène et interprété ! Jubilation !

L’été du banni russe Serebrennikov se penche en noir et blanc sur les années 80 et l’irruption du rock et du punk dans la société des jeunes russes. Le corset de l’histoire va exploser dans une mise en scène échevelée où l’art graphique vient compléter cette découverte de la liberté déclinée sous toutes ses formes, y compris celle d’un amour partagé entre une femme et deux rockers. Yomeddine de l’égyptien Abu Bakr Shawky est un road movie où deux exclus, un lépreux et un orphelin nubien, vont partir à la recherche de leur passé. Sublime portrait rempli d’espoir, où le drame côtoie en permanence l’humour, où la force de vie est plus importante que toutes les forces du mal. Le jeu des deux acteurs amateurs est époustouflant et les couleurs d’une Egypte de la tolérance se dessinent entre les lignes de fracture d’une société enfermée dans ses peurs.

Artic de Joé Penna est un huis clos dans l’immensité glacée du pôle. Un homme perdu dans les neiges va tenter de survivre en sauvant une inconnue en puisant dans sa force et ses limites extrêmes imposées par des conditions surhumaines. Mads Mikkelsen est éblouissant, seul acteur quasiment d’un Robinson Crusoé des glaces éternelles.

Petra de Jaime Rosales est d’un académisme troublant, en rupture avec le sujet horrible qui en est la trame. Lent glissement où une jeune femme recherche son père (un odieux sculpteur célèbre) et qui débouchera sur des secrets de famille entrainant un suicide et un meurtre. Quand le silence comme les paroles peuvent tuer !

Rafales de films, rafales d’espoir. On attend avec gourmandise les films qui suivent. Le cinéma est toujours cet art de tous les mystères, capable de nous surprendre et de nous émouvoir ! Vive le Festival du Film de Cannes !

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