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les greniers de la memoire

Le grenier de la mémoire 31 : pause Absurde ?

Publié le par Bernard Oheix

En 1978, la gauche n'est pas encore au pouvoir, Valéry Giscard d'Estaing est guilleret et pimpant en jouant de l'accordéon. 15 ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre d'Algérie mais quand Yves Boisset sort un film sur ce thème, R*A*S, c'est un tollé et une attaque en règle du pouvoir pour contrecarrer sa sortie. La commission de censure n'osera pas l'interdire mais exigera la coupure d'une scène de torture (comme si la torture n'avait pas existé !), et une scène qui montre un général tourné en dérision par ses soldats, provoque une attaque en justice de l'officier en question. Il y aura même des manifestations de l'extrême droite pour perturber des séances. Et pour couronné le tout, le film sortira en plein été, dans une saison où les films sont sacrifiés sur l'autel des vacances !

Pourtant, il va faire plus d'1,3 million d'entrées, un succès qui ne plaira pas à tout le monde...

Pour preuve cette photocopie improbable retrouvée dans mes dossiers d'archives :

Parfois "La Grande Muette" gagnerait à le rester et à ne pas s'exprimer !

Parfois "La Grande Muette" gagnerait à le rester et à ne pas s'exprimer !

Et dans la série des moments surréalistes, cet interview croisé de Max Gallo et de Bernard Oheix paru dans H NOUS, le CITY Magazine, le news urbain diffuseur de Tendances et Révélateur de Talents (sic !) que j'ai retrouvé en farfouillant dans mes boites à secrets !

Et je dois dire que en cette semaine de septembre 2006, j'ai été quelque peu surpris !

Manifestement, il y avait eu une inversion de photo au montage des interviews !

Manifestement, il y avait eu une inversion de photo au montage des interviews !

Dans l'affaire, c'est moi qui gagnait au change... troquer ses habits de saltimbanque, fut-il de luxe, contre l'épée d'un académicien, n'est pas donné à tout le monde !

Dans l'affaire, c'est moi qui gagnait au change... troquer ses habits de saltimbanque, fut-il de luxe, contre l'épée d'un académicien, n'est pas donné à tout le monde !

Cette confusion entre Max Gallo et Bernard Oheix m'a légèrement déstabilisé... Et pour cause ! Académicien, romancier prolixe (la saga de La Baie des Anges), historien vulgarisateur (Mussolini, La guerre d'Espagne...), Max Gallo avait commencé sa carrière comme tout jeune prof d'histoire à l'Université de Nice...

Et dans les rangs de ses étudiants, un certain Bernard Oheix, comme tant d'autres, l'idolâtrait ! Avec Jean Gili et Christian Loubet, mes "maîtres", ils représentaient toute la richesse d'un enseignement supérieur moderne dans ces années de l'après 68 où l'université se cherchait une âme ! Elle la trouvait avec de tels enseignants, brillantissimes, proches des étudiants, faisant des cours passionnants que l'on ingérait avec délice, la porte ouverte aux dialogues, rompant avec l'académisme des "sachants" qui pontifiaient... ce qui n'est pas sans saveur quant on sait qu'il rejoindra les "Immortels" de l'Académie Française !

Bernard Oheix et Max Gallo, dans l'ordre de gauche à droite....

Bernard Oheix et Max Gallo, dans l'ordre de gauche à droite....

On s'est retrouvés à un Festival du Livre à Nice. Je me suis présenté et il a été heureux de ce retour vers son passé. Je n'ai pu résister à lui raconter une anecdote de 1970 qui nous concernait directement !

Je devais faire, avec Sylvie Gros, ma complice d’enfance et future photographe, un exposé sur la succession de Lénine. Trotsky/Staline, le duel... Dans un exposé enlevé, nous l’avions mimé et vécu cette Russie soviétique en train de se déchirer pour l’héritage d’un pouvoir sans partage. C’était le début des «exposés» comme méthode de fond, et nous nous étions mis en scène avec passion et je dois l’avouer, un certain panache. La trace indubitable du futur homme de spectacle que je deviendrai et de l'oeil déjà photographique de Sylvie. Max Gallo avait écouté sans broncher, les étudiants applaudirent. Et lui d’intervenir : «- Quel brillant exposé. Pour la forme c’était parfait, vivant, passionnant. Quant au fond, si vous le permettez, réduire l’opposition Staline/Trotsky a un conflit quasi oedipien me parait un peu osé ! Alors je vais quand même vous donner un 13... mais je vous en supplie, ne réduisez pas le courant de l’histoire à de la psychologie de comptoir. L’histoire c’est avant tout l’analyse des faits dans leur perspective historique, pas des suppositions aléatoires sur des états d’âmes supposés. Revenez toujours aux faits ! Mais bravo quand même ! 13, cela vous convient-il ? 

Quand je lui ai raconté cette histoire, il a sourit... "-Finalement, ce 13, c'était un bon compromis entre  l'Histoire avec un grand H et votre propre histoire !"

Et Max Gallo à toujours eu une place à part dans mon panthéon car il a vraiment été un de mes formateurs et j'ai pleuré en 2017 de savoir qu'il était allé rejoindre Staline et Trotsky pour leur raconter notre vision de leur affrontement...en se gaussant de nous !

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Le grenier de la mémoire 30 : Lili Boniche !

Publié le par Bernard Oheix

J'avais ouvert ma première saison "Sortir à Cannes" 1997/1998 avec une légende, Idir... la 2ème se devait d'être tout aussi flamboyante. 

Mais parfois, on n'a pas vraiment le choix, les éléments tranchent pour nous ! Impression agréable que l'agencement des planètes est en concordance avec votre horloge interne !

Il a suffi de quelques rencontres pour que dans le courant de cette saison exaltante, l'hypothèse de l'ouverture de la Saison 1998/1999 s'impose avec une évidence éclatante !

Voyez plutôt !

Une des plus belles et étranges rencontres de ma carrière... Le désir de la repartager avec vous ! Lili Boniche, juste une autre époque, un temps évanoui mais dont les sons sombres et mélancoliques remontent malgré tout jusqu'à nous. Écoutez Ana el Owerka et vous comprendrez mieux l'automne et ses feuilles qui tombent en enterrant nos espoirs. Lili, son sourire et sa voix chaude me manquent...je l'ai croisé, un souffle d'orient avec panache !

 

Lili Boniche la légende de la musique orientale. J'ai eu la chance, l'honneur, le plaisir de le rencontrer dans des conditions particulières. Il vient de mourir, ce 19 mars 2008. Il est une de mes plus surprenantes aventures culturelles, le produit d'une série de coïncidences rares, la preuve que le hasard fait parfois bien les choses. C'est ce que je raconte dans ce texte.

Il me reste quelques inflexions de sa voix chaude, le regard pétillant d'un vieux monsieur toujours jeune, l'impression réelle d'avoir pressenti son come-back, mieux, d'avoir ajouté une pierre à sa légende. Je l'ai redécouvert à un tournant de sa vie, anticipant cette mode qui allait lui permettre de revenir pour une dernière apparition sous les feux de la rampe. Modestement, j'ai eu un peu flair et beaucoup de chance en ce mois de juin 1998.

Et pour ceux qui douteraient du génie de cet homme, achetez son disque dans la collection "trésors de la chanson Judéo-Arabe", vous serez convaincus !

 Le temps est une valeur relative. Quand on regarde derrière soi, on discerne cette fuite, ce fil discontinu qui nous éloigne toujours plus du passé mais que la force des émotions conserve intact. J'avais ouvert cette saison culturelle avec un concert d'exception de Lili Boniche, cette légende vivante des rapatriés d'Algérie qui, après une longue éclipse causée par son amour pour une comtesse russe, avait repris sa guitare à plus de 70 ans et, par un concours de circonstances particulièrement savoureux, s'était retrouvé sur la scène d'un Palais des Festivals comble. Un peu plus de cinq mois s'étaient écoulés depuis ce jour et il me semblait suivant l'optique avec lequel on le regardait, qu'une éternité nous en séparait ou, à contrario, qu'un simple claquement de doigts avait chassé ces innombrables spectacles que nous avions proposés, s’enchaînant sans répit, semaines après semaines, les week-end se télescopant dans la mémoire vive en un tourbillon de notes et d'images.

Ce concert était né dans des conditions étonnantes. Il y a plus de deux années, mon ami d'enfance Jean-Paul Bertrand, avec qui j'avais traversé une décennie universitaire et les fièvres des soubresauts qui agitaient le monde de l'après 68, m'avait apporté un supplément de Télérama, un CD des étoiles de la musique algérienne incluant toutes les stars de la chanson judéo arabe autour de Reinette l'Oranaise, Blond-Blond, Cheikh Zekri et autres légendes de Radio Alger. A l'écoute du disque, juste derrière le "A Vava Inouva" d'Idir, une plage m'avait envoyé un véritable électrochoc, une décharge rare, capable de secouer et de lancer des ondes de bonheur, un morceau de musique, "Ana el owerka", complainte qui déchirait l'air, hors du temps et de l'espace. Sur le thème d'une feuille morte tombée de sa branche que le vent emporte et que les gens piétinent, le chanteur, avec une voix de gorge particulière qui lui permettait des crescendos sur les couplets pour revenir à la rugosité de l'arabe sur le refrain, exhumait un chant enfanté dans l'ombre d'un pays de soleil. Accompagné par une base piano, violon tsigane et derbouka, accordéon en sourdine et guitare en contrepoint, la voix s'inscrivait dans un tissu de sons chauds, un étrange tango en glissando, variation subtile naissant dans les bouges enfumés d'un Orient mystérieux pour parler du malheur et de la solitude de l'homme, de la fatalité et de la grâce intemporelle.

 L'interprète de "Ana el owerka", Lili Boniche est tout droit sorti d'un livre d'histoire. Né en 1921 dans la casbah d'Alger, descendant d'une famille modeste de juifs expulsés d'Espagne par Isabelle la Catholique, ses prédispositions musicales extraordinaires lui permettent d'être placé comme élève de Saoud l'Oranais, un des maîtres de l'Haouzi, dérivé populaire de la musique classique arabo-andalouse. A treize ans, il a assimilé ce répertoire et découvert les subtilités du luth, faisant vivre une nombreuse famille en jouant dans toutes les fêtes religieuses et profanes de la communauté juive ou arabe. C'est une star qui aura son émission sur Radio Alger et va entreprendre de moderniser son style en le confrontant aux rythmes modernes du jazz et des "afro-latins", débouchant même sur le "francarabe", un langage qui remonte aux sources des deux cultures et offre des pasos endiablés, des rumbas envoûtantes, des tangos exotiques qui font danser tout le Maghreb. C'est au cours de ses missions, au tout début des années cinquante, que François Mitterrand le découvre dans un cabaret d'Alger, venant tous les soirs à l'heure de son passage et lui donnant sa confiance et son amitié. Bien des années après, devenu Président de la République, il l'invitera régulièrement à donner des concerts privés, autour de la famille au rang de laquelle Roger Hanin, le beau-frère, le futur gardien de la mémoire, trônait dans sa masse imposante de géant débonnaire. La relative éclipse de Lili Boniche, due à une vie privée passionnée et à des choix professionnels parfois surprenants qui l'écartèrent des scènes et de la musique, n'entamera jamais son aura et le crédit de tous ceux qui l'ont connu et ont eu le privilège de communier à ses concerts.

J'ai bien trouvé un disque dans les rayons musiques du monde sur les trésors de la chanson judéo arabe à la FNAC, rencontré deux « pied-noir » qui connaissaient Lili Boniche et me parlèrent abondamment de lui et de leur jeunesse dans un Alger de soleil si loin des turbulences, mais j'étais incapable de le situer et de trouver un agent, un producteur ou un tourneur qui m'auraient aiguillé vers cet homme entouré d'un mystère et d'un prestige qui, conjugués à ce morceau de musique que j'écoutais en boucle, me le rendait attirant et étrange. Dans les guides du show-biz, il brillait par son absence et je désespérais de réussir à nouer un contact quand mon ami Jean-Paul, celui même qui me l'avait fait découvrir, mit la main sur un article qui parlait de lui et d'un sondage qui classait une de ses chansons en numéro deux de Radio Alger, toutes époques confondues, et le situait vivant en reclus sur la Côte d'Azur. Après avoir pianoté sur le minitel, un Elie Boniche s'étalait sous mes yeux et l'adresse indiquée, à ma plus totale stupéfaction, portait le nom de ma rue, à cinquante numéros et quelques centaines de mètres de ma demeure, une villa accotée à une station-service devant laquelle je passais tous les jours, dissimulées derrière une haie de cyprès, mélange pimpant de murs blancs avec des motifs bleus et jaunes qui lui donnaient un air coquet et méditerranéen.

Je n'ai fait que suivre mon instinct en sonnant à sa porte et j'attendais dans le tintinnabulement du carillon quand un vieux monsieur m'ouvrit et d'une voix qui chantait le Sud me demanda ce que je désirais.

-Excusez-moi, mais je cherche monsieur Boniche, Lili Boniche.

-C'est pourquoi ?

-Écoutez, c'est un peu long à expliquer, mais je suis directeur au Palais des Festivals et je souhaiterais lui dire quelques mots à propos d'un disque que j'ai écouté et dans lequel il joue un morceau de musique qui s'appelle "Ana el owerka".

Un immense sourire a illuminé son visage parcheminé, une joie enfantine qui faisait briller ses yeux et le rajeunissait d'un seul coup, gommant des années d'usure, effaçant un lacis de rides et laissant sourdre une fierté qui l'irradiait.

-Entrez, venez, on va parler de tout cela.

 Deux heures après, devant un énième pastis et des tonnes d'olives pimentées, dans la fumée des cigarettes qu'il consommait sans mesure, de sa voix rauque en s'accompagnant à la guitare, il me faisait découvrir ses dernières compositions, me racontant l'Algérie du soleil et de l'amour, les caves des rencontres musicales où les musiciens classiques juifs et musulmans enrichissaient la musique andalouse en se frottant aux rythmes d'un monde nouveau, les perpétuelles nuits de douceur d'une culture qui vivait son agonie et ne pressentait pas les convulsions qui la guettaient. Les douces sonorités du "chaâbi" allaient bientôt se fondre dans le fracas des explosions et du déchirement, les frères se haïr et se partager l'horreur en un tribut que plus rien n'effacerait. Lili Boniche, Juif et Arabe, Français et homme du monde, musicien de génie aux ailes rognées par le destin, m'offrait un concert exclusif, juste présent et attentif au temps des regrets, mélancolie des heures révolues.

 -L'an prochain, si vous en êtes d'accord, vous m'ouvrirez la saison culturelle, je veux vraiment vous offrir une scène dans votre ville, un public, je veux vous partager avec les autres.

-Vous savez, pour les mariages, les bar-mitsva, les fêtes religieuses on m'appelle toujours, je joue au Japon, dans tous les pays du monde, partout où il se trouve une communauté algérienne, mais en France, il y a bien longtemps que je n'ai pas fait de concert sur une scène.

-Monsieur Boniche, on boit un dernier pastis, vous me contactez votre orchestre et l'an prochain, on remplit le Palais des Festivals en faisant la fête !

 Il a fallu plus d'une année pour monter le projet, laps de temps pendant lequel, par un incroyable concours de circonstances, Lili Boniche avait retrouvé les faveurs du public. Il avait suffi du disque de Télérama, d'un extrait de ses chansons dans la bande musicale de "La vérité si je mens" et d'un passage au Printemps de Bourges par un directeur artistique de mes amis pour relancer sa carrière et en faire la coqueluche des programmateurs de musiques du monde et des salles jouant la carte du "revival" et de la nostalgie.

Le hasard en ricochet, comme une chaîne désarmante, une succession d'événements dont le premier induirait les autres, leur ôtant, par cela même, tout caractère aléatoire, les rendant inéluctables. Les cercles concentriques des ronds dans l'eau qui vont se perdre à l'infini et que l'on retrouve flottant à la surface tissant une toile infranchissable. Cette rencontre de l'impondérable, de l'écoute d'un disque à la découverte d'une adresse à quelques centaines de mètres de mon habitation, n'était que le prélude à un autre enchaînement, nouveau concours de circonstances, pied de nez aux arêtes de la réalité.

Je n'avais pas manqué de questionner Lili Boniche sur les amitiés supposées qu'il entretenait avec l'ex-Président de la République, François Mitterrand, sur la légende de ces soirées privées à l'Élysée que le musicien animait. Il était resté très pudique et réservé, opinant juste pour confirmer qu'il connaissait le futur président, depuis qu'un jeune ministre de la France d'Outre-mer de la IVème République avait débarqué en 1950, s'épuisant à passer ses nuits dans les boîtes d'Alger, amoureux de cette douceur langoureuse, des moiteurs orientales des cabarets du quartier sud et de la beauté des femmes qui dansaient sur les pistes. Devenu ministre de l'Afrique du Nord en 1953, il avait eu du temps à consacrer à cette ville qui le fascinait et venait terminer ses nuits dans les volutes de cigarettes américaines, les verres d'alcool et les sons plaintifs des guitares et des instruments orientaux. Ils avaient à peine plus de trente ans et le monde semblait leur appartenir. Le temps avait passé, les lumières de la célébrité l'avaient inondé d'une nappe crue mais Monsieur François lui était resté fidèle, lui conservant son estime, cette constance qu'il lui avait toujours manifestée.

Il se trouve que deux mois après ma rencontre avec Lili, j'accueillis une œuvre de Molière dont le Tartuffe était interprété par Roger Hanin dans une mise en scène qu'il signait. Je tenais à maintenir un classique dans ma saison théâtrale et, même si je n'avais pu visionner le spectacle qui était une création en tournée avant installation dans une salle de Paris, un moyen de roder et tester le spectacle avant d'affronter les critiques et la foule parisienne, je savais par contre m'assurer d'un succès commercial et financier par la présence dans la distribution de Roger Hanin. Il faut avouer que le voir déclamer du Molière avec son accent pied-noir sous-jacent n'était pas vraiment une réussite mais son talent évident par ailleurs et sa gentillesse réelle nous permettaient de tout lui pardonner, y compris quelques traîtrises envers le dieu du théâtre classique.

Dans sa loge encombrée de compatriotes, tous de "là-bas", évoquant leurs souvenirs et égrenant les morts qui parsemaient les allées de leur retour en métropole, j'ai pu dans un moment d'accalmie saluer Roger Hanin et lui parler.

 -Monsieur Hanin si je vous dis Lili, vous pensez à qui ?

-Lili, mon ami Lili Boniche. Il est là, faites-le entrer tout de suite.

-Non, il n'est pas ici, mais je l'ai eu au téléphone et nous avons parlé de vous. Il ne pouvait pas se libérer ce soir, il m'a chargé de vous saluer de sa part.

-Je sais qu'il habite à Cannes. Cela fait un bon moment que je ne l'ai vu. Comment va-t-il ?

-Très bien, et d'ailleurs je vais ouvrir l'an prochain ma saison en lui offrant la scène de cette salle, au Palais des Festivals. Ce sera un grand concert de musique d'Algérie, une fête de famille. J’aimerai lui faire la surprise de votre présence.

De sa voix de basse chargée des couleurs du Maghreb, il a lancé à la cantonade.

-C'est sûr, je viendrai. Nous y serons tous. C'est vers quelle époque ? Octobre. Ah ! Oui, juste après le tournage en Allemagne. Tenez, vous téléphonez à ma secrétaire mais je vous promets d'être là et après le concert, nous mangerons un bon couscous tous ensemble.

 J'étais plus que circonspect sur cette proposition d’un artiste au sortir de la scène, attendant que les actes se concrétisent avant de lancer ma campagne de communication sur sa présence. Quelques mois après, sa secrétaire me confirmait sa venue avec une dizaine d'amis. Refusant de se faire inviter à l'hôtel, exigeant même de payer ses places de spectacle malgré mon insistance, tenant à régler le restaurant où nous devions finir la soirée, il fut à la hauteur de son personnage, chaleureux, humain, serviable, acceptant de se faire photographier avec les invités, accordant interviews sur dédicaces et lançant superbement ma saison  grâce à une photo en première page du quotidien Nice-Matin et à un petit discours improvisé sur scène pour parler de son ami Lili Boniche au bord des larmes en évoquant devant une salle subjuguée, quelques souvenirs du bon vieux temps. Je me rappellerai toujours, à son entrée, la foule des spectateurs se lever et applaudir à tout rompre en scandant "Navarro, Navarro" en une liesse communicative devant son sourire désarmant et la chaleur qu'il dégageait.

J'ai rempli la salle Miramar pour ce concert de la mémoire et j'ai vu des larmes dans les yeux du public, j'ai senti le souffle torride du Maghreb caresser nos visages, l'émotion trop contenue de ceux qui, l'espace d'une chanson, replongeaient dans le monde de leur jeunesse et activaient les souvenirs des temps heureux, quand l'insouciance et l'innocence qui les animaient leur permettaient de ne pas voir les nuages du futur et que la vie se conjuguait au présent.

Le grenier de la mémoire 30 : Lili Boniche !

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Le grenier de la mémoire 29 : en écrits !

Publié le par Bernard Oheix

De tout temps, j'ai écrit... Le plus souvent sur des sujets qui me tenaient à coeur et concernaient la culture ! Sur tous les supports possibles et imaginables, les mots couchés sur le papier m'apparaissaient comme le complément indispensable de l'action que je menais sur le terrain, parfois sérieusement, souvent avec dérision, toujours avec émotion !

je vous propose quelques extraits dans des genres bien différents mais toujours sous la signature d'un Icardi, Jean-Paul ou Paolo !

Une revue de spectacles de Nîmes où mon frère officiait ! Je revenais de Bourges où j'avais présenté des spectacles La Belle Bleue. Il n'y avait pas que de la musique à Bourges en ce printemps 1984 !

Une revue de spectacles de Nîmes où mon frère officiait ! Je revenais de Bourges où j'avais présenté des spectacles La Belle Bleue. Il n'y avait pas que de la musique à Bourges en ce printemps 1984 !

Pour informer le public de Cannes des programmations de Bernard Oheix, qui mieux que Jean-Paul Icardi pour le faire !

Pour informer le public de Cannes des programmations de Bernard Oheix, qui mieux que Jean-Paul Icardi pour le faire !

Le Festival des Jeux est un jeu... je l'avais bien compris !

Le Festival des Jeux est un jeu... je l'avais bien compris !

Dans le début des années 2000, Michel Sajn, mon ami et Directeur de publication, m'avait offert une tribune régulière dans La Strada... J'en ai profité dans un registre plus sérieux !

Dans le début des années 2000, Michel Sajn, mon ami et Directeur de publication, m'avait offert une tribune régulière dans La Strada... J'en ai profité dans un registre plus sérieux !

Ainsi donc ces quelques extraits sortis du grenier envahissant de ma mémoire ! Mais il y en aura d'autres, la coupe n'est pas pleine et mes cartons d'archives toujours bourrés à craquer des vestiges d'un passé qui fut le reflet d'une période où tant de choses étaient possibles ! Il suffisait de "vouloir" et d'avoir la force de se battre pour ses convictions pour que l'aile du destin affleure ! 

J'ai fait partie de ce combat même si à l'heure actuelle, la situation me donne l'étrange impression d'avoir lutté pour le néant. Que s'est-il passé réellement pour que nous nous retrouvions désormais sans culture vivante, avec un passé si riche mais un avenir si sombre ?

Un Covidis qui fait 3 tours et puis plus rien ?

 

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Le grenier de la mémoire 28 : Mon plus grand bide : Lasers à rien !

Publié le par Bernard Oheix

Le grenier de la mémoire 28 : Mon plus grand bide : Lasers à rien !

Je me permettrai aujourd'hui, de reprendre un article que j'avais déjà publié au début de la création de mon blog ! C'est le 13 novembre 2006 que j'avais narré les aventures de Bernard en pays de haute technologie belge.

Cela renvoi aux années 90 de l'OMACC ! Et quelles années folles !


Eté 1990. Une nouvelle municipalité s’est installée à Cannes avec Michel Mouillot à sa tête. Françoise Léadouze est une adjointe à la culture passionnée, mère Térésa des « sans culture », révolutionnaire humaniste persuadée qu’elle peut transformer la réalité à coups de rêve. Elle nous booste, bobo avant l’heure, et nous oblige à trouver du sens à notre action. 
Nous sommes une équipe jeune, celle de l’Office de la Culture, Une dizaine de filles dont je suis le directeur-adjoint, chargées des manifestations. Elles sont issues de stages, de Tuc, de bric et de « broque », manquent cruellement d’expérience mais compensent avec une farouche volonté de bien faire, une capacité de se dépasser et d’accomplir des miracles. Elles sont jeunes et belles, et moi, moins jeune mais toujours rêveur ! 
Et justement, en ce mois de mars 1990, le miracle a eu lieu. Dans mon esprit torturé, mon imagination débordante a encore sévi. L’espoir fou de marquer l’histoire (de Cannes !) et de laisser une trace indélébile me provoque une acné tardive et entraîne toute mon équipe dans un de ces cauchemars récurrents dont je suis un grand spécialiste. 

Tout est venu, à ma décharge, d’une rencontre avec un Belge trop amateur de bière dont les effets néfastes sur son équilibre intellectuel le poussa à me proposer d’illuminer la rade de Cannes avec des lasers dont il faisait la promotion et la commercialisation. Il me dessina si bien le tableau de ce qui adviendrait, que je la voyais cette immense baie, éclatante de soleil de nuit, croulante sous les faisceaux se décomposant en myriades d’étoiles, découpée comme les remparts de Carcassonne, montagnes de lumières assemblées par un architecte divin. C’était moi, ce Dieu de l’impossible, j’allais montrer à quel point le désir est capable d’imposer sa loi à la réalité. 

Le projet consistait à illuminer la Croisette à l’aide de lasers, à l’entracte d’un concert qui se déroulait sur le parvis du Suquet, la colline qui surplombe Cannes de son clocher où se déroule un festival de musique classique. Pour corser l’affaire, nous avions récupéré l’écran géant du stade de foot (à l’époque, Cannes avait une bonne équipe… Zidane, Vieri, Micoud…etc.) pour l’installer sur le parvis du Palais des Festivals afin de retransmettre le concert en « direct live ». Il manquait juste une montgolfière pour y accrocher des miroirs réfléchissants qui renverraient les lasers vers les cieux cléments. Une bagatelle somme toute au vu de ce que nous envisagions. 

Je me souviens alors, de ces nuits de repérages au port Canto, à la pointe du Palm-Beach, des essais pour aligner les faisceaux sur les palaces, visant des disques minuscules qui permettaient de faire diffracter les pinceaux lumineux. Du phare du quai du vieux port pour cibler la pointe du Palais et même la colline du Suquet. Pour être honnête, j’avais l’impression très nette de ne rien voir mais vu les exclamations enthousiastes des techniciens belges, je mis sur le compte de ma fatigue et de mon inexpérience cette absence d’émotion…ce qui aurait dû m’alerter. 
Et puis, nous avions tant de choses à préparer. Trouver la montgolfière, organiser le transport de cet écran géant, obtenir les autorisations de la marine, de la sécurité, ceinturer le parvis du Palais, tirer des tracts dont le titre alléchant explosait en un : « illumination aux lasers de la Baie de Cannes » comme un vœu qui allait rapidement devenir pieux. 

Le soir du concert arrive, l’Orchestre de Vienne interprétant des valses, dirigé par un chef autrichien hilare devant le bordel ambiant. Inquiétude générale. Au dernier moment, les lasériens belges nous demandent un bateau pour étendre un rideau de fumée sur la mer trop étale et claire. Imaginez le ridicule d’une barcasse avec un enfant de Wallonie en tête de proue, le bras levé comme la Victoire de Samothrace, qui dégage à l’aide d’un fumigène un maigrelet trait de brouillard qui se fond dans la vastitude du plan d’eau. Qu’à cela ne tienne ! Il faut désormais boire jusqu’à « l’hallali » cette coupe frelatée de mes propres délires. 

Pendant la première partie du concert, le vent se lève et la nacelle de la montgolfière arrimée au bord de l’eau se couche sur l’eau, endommageant irréversiblement le matériel et faisant courir des frissons auprès des spectateurs inconscients qui batifolent autour du ballon secoué comme un prunier. Un effet à l’eau, déjà, et en l’occurrence, ce n’est malheureusement pas qu’une image ! 

Le public, aussi bien dans l’enceinte du Suquet que sur le parvis, chaloupe et tangue dans la tempête qui se lève. Une nuit de soufre. A l’entracte, le maire de Cannes et les invités de marque se massent au bord du muret dans l’attente du flamboiement de la baie. Après quelques minutes d’intense attente, un filet vert s’échappe presque par hasard du port Canto. Frémissement dans la foule. Enfin le spectacle commence. Las, c’était l’effet final ! Deux doigts anémiques se courant l’un après l’autre, tentant vainement d’accrocher l’attention et de s’imposer devant le grand vide de la baie ouverte à mon désespoir. Je disparais derrière les buissons et me cache aux yeux de tous. Séparé des officiels par un rideau de buissons, j’entends les commentaires fuser, portant tout autant sur le ridicule des lasers que sur la température trop élevé de la coupe de champagne où sur les petits fours rances que le traiteur nous avait refourgués. Certains même se gaussent de moi et je ne peux les en blâmer, sincèrement, j’avais autant envie qu’eux de me moquer de moi. J’ai honte comme rarement un directeur peut avoir honte. Le voile rouge devant les yeux, la gorge nouée, c’est Sophie mon adjointe et Françoise Léadouze qui viennent me déloger de ma tanière. Elles tentent maladroitement de cautériser les plaies à vif de mon orgueil et ne réussissent qu’à me rendre ombre qui marche, zombie de la culture, pâle ectoplasme du pouvoir de faire. 
La deuxième partie du concert fut un feu d’artifice (enfin) d’humour et de déraison. C’est comme si un vent de folie venait doubler les rafales qui soulevaient les tentures du Suquet. En bas, sur le parvis, des milliers de personnes valsaient en riant de cette fête impromptue et gratuite où le grain de la déraison dispensait ses vapeurs hilarantes. 
Pourtant, sur ma vespa, j’entendais, encore et toujours, rire des fameux lasers qui avaient inoculé une dose confortable de ridicule dans l’ego et les couleurs d’un directeur dérouté ! 
La conclusion. Le lendemain, Michel Mouillot m’attendait dans son bureau de maire. En entrant, dans mes petits souliers, je m’excusai platement…Eclats de rire ! J’ai rarement vu le maire de Cannes rire autant et si franchement. Il en avait les larmes aux yeux de me raconter son attente des lasers. Il doit s’en régaler encore et j’entends sa voix me glisser entre deux hoquets : « Oheix Bernard, il n’y a que les imbéciles qui ne se plantent pas… mais là, vous avez fait fort !!! Par contre si les huiles ont pâti d’être sur les hauteurs, mes électeurs étaient en bas et se sont bien amusés. Bon, avertissez-moi quand même si vous avez une autre idée de ce genre ! » 

Et la vie a continué… comme quoi, on survit au ridicule… même si, quand j’entends parler de lasers belges, je me mets à avoir des palpitations et que le rouge me monte au visage. 

Et voilà comme une idée merveilleuse accoucha d'un des plus beau bide de ma carrière !

Et voilà comme une idée merveilleuse accoucha d'un des plus beau bide de ma carrière !

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Le grenier de la mémoire 27 : IDIR s'impose !

Publié le par Bernard Oheix

Triste actualité que l'on ne peut ignorer... Et étrange coïncidence !

Dans le précédent article du 2 mai, je vous parlais de ma fierté d'ouvrir ma 1ère saison "Sortir à Cannes" le 18 octobre 1997 avec un berbère Idir et son tube envoûtant : A Vava Inouva.

Aujourd'hui j'apprends qu'il est décédé le 2 mai, à l'instant précis où j'écrivais ces mots, où je retrouvais sa trace dans ma documentation, où je prononçais son nom !

Mais qui est IDIR ?

C'est dans Intervista (1/10/1997) que j'avais fait paraître cet article, grâce à mon ami Michel Sajn qui en était le Directeur. Cet article fut signé de mon pseudo traditionnel, Jean Paul Icardi, pour des raisons évidentes ! C'était moi qui le programmais et j'y raconte ma rencontre avec lui et l'admiration que je lui voue !

C'est dans Intervista (1/10/1997) que j'avais fait paraître cet article, grâce à mon ami Michel Sajn qui en était le Directeur. Cet article fut signé de mon pseudo traditionnel, Jean Paul Icardi, pour des raisons évidentes ! C'était moi qui le programmais et j'y raconte ma rencontre avec lui et l'admiration que je lui voue !

La vie de Hamid Cheriet est un conte oriental. Né en 1949, destiné à faire de grandes études d'ingénieur, il ne rêvait que de musique. Au début des années 1970, en cachette, il enregistra un morceau A Vava Inouva qu'il signa d'un pseudo et transmis à une radio. Cette chanson déclencha un raz de marée, diffusée en boucle sur toutes les ondes de l'Algérie. Mais personne ne connaissait l'auteur qui se cachait derrière le nom d'IDIR. 

Il dût se résoudre à l'annoncer à sa famille et devint l'icône des Kabyles, arrêtant ses études pour porter le flambeau de toute cette région de l'Algérie en lutte permanente contre le pouvoir central. Il renouvela une authentique culture berbère en lui donnant une résonance internationale !

Sa carrière fut menée en dehors de toutes contraintes. Seulement 7 oeuvres discographiques, une absence de scènes volontaire pendant une dizaine d'années à partir de 1981. C'est en 1980, à une de ses dernières apparitions avant son interruption, que j'ai eu le privilège d'assister à un concert à Rennes. Par la suite, il revint sur le devant de la scène, fit de nombreuses collaborations avec d'autres chanteurs (Manu Chao, Titi Robin, Maxime le Forestier, Alan Stivell...). Chacune de ses apparitions a marqué des générations de musiciens et il est un des vecteurs de l'essor de la "Musique du Monde" qui fit fureur à partir des années 90.

 

Les traces noires sur la pochette du CD sont les restes d'un superbe autographe qu'il m'avait dédié... Las ! Après les inondations de La Bocca de 2015, j'avais retrouvé mon CD dans 10cm de boue, et sa trace s'est envolée ! Je ne peux plus lui demander de réparer l'outrage du temps !

Les traces noires sur la pochette du CD sont les restes d'un superbe autographe qu'il m'avait dédié... Las ! Après les inondations de La Bocca de 2015, j'avais retrouvé mon CD dans 10cm de boue, et sa trace s'est envolée ! Je ne peux plus lui demander de réparer l'outrage du temps !

Le grenier de la mémoire 27 : IDIR s'impose !

Le 29 avril 2006, c'est au Grand Auditorium du Palais (2400 places) que je l'ai reprogrammé dans une soirée partagée avec Enrico Macias. Le pied noir et le kabyle ! Complices, ils s'étaient entendus à merveille et la soirée fut un délice de sonorités de "la-bas !"

Et cette fois-ci, c'était pour la clôture de ma saison 2005/2006. Boucler la boucle, d'une ouverture à une clôture ! Idir reste une des personnalités qui m'a marqué parmi ces innombrables belles rencontres que ma vie professionnelle m'a offertes !

Je n'aurais plus l'occasion de voir sa silhouette gracile se dessiner dans les cônes des projecteurs. Il me reste son souvenir, sa voix chaude et fine, la noblesse de ses traits de seigneur berbère, la certitude d'avoir croisé un barde qui exprimait avec ses mots et ses mélodies, la richesse d'un monde et l'amour de l'autre.

Et un sourire qu'il m'avait envoyé quand je lui avais raconté mon premier concert d'Idir à Rennes en 1980. C'était dans sa loge après un concert d'émotions et il m'avait offert cet autographe envolé !

Il a rejoint mon ami Nilda Fernandez, Christophe et nul doute qu'ils me prépareront une sacrée fête pour mon arrivée ! 

En attendant, un conseil : si vous voyez apparaître votre nom dans cette série d'articles du "Grenier de la Mémoire" de mon blog, calfeutrez-vous, adoptez la distanciation sociale à défaut de Brechtienne, mouchez-vous dans le coude et lavez-vous les mains... On ne sait jamais ! 

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Le grenier de la mémoire 26 : L'envol de l'aigle !

Publié le par Bernard Oheix

Un peu pompier le titre, n'est-ce point ?

Mais en même temps, comment ne pas se souvenir avec émotion de cette période extraordinaire des années 1997 et 1998 où tout se joua .. Mon sort d'abord, l'avenir d'une équipe soudée que j'avais forgée avec Sophie Dupont, une mission qui allait enfin atteindre les sommets auxquels nous aspirions et que compléterait la France du foot obtenant sa première étoile avec Zizou le Cannois !

C'est Gilles Cima, Adjoint au tourisme de Maurice Delauney, le Maire qui avait succédé à Michel Mouillot, emporté par les affres de l'affaire des casinos, qui provoqua une secousse tellurique en m'invitant dans son bureau. Il m'informa que les principes qui avaient fondé les 2 évènementiels étaient devenus obsolètes. D'un côté, un Évènementiel Fêtes dirigé par Pierre Jean composé de 8 personnes qui s'occupaient du Festival des Jeux, de 4 feux d'artifices, des animations gratuites d'été et des quelques fêtes locales. De l'autre, un Évènementiel Culturel dirigé par Bernard Oheix composé aussi de 8 personnes qui géraient 4 festivals (danse, musique classique (2), marionnettes), et de quelques programmations ponctuelles (une dizaine sur l'année)... Avec en corollaire des doublons, une perte d'efficacité, l'absence de cohérence, un manque cruel d'ampleur du projet culturel et d'animation pour la ville...

Gilles Cima, jeune, ambitieux, intelligent, sentait le moment venu d'incurver le cours de l'histoire et de prendre sa place dans le concert des ambitions Cannoises. Nous avons échangé sur les inconvénients de la situation et les options à mettre en oeuvre et quand il me proposa la tête d'un nouvel exécutif chargé de coordonner et developper les programmations, je sentis une douce chaleur m'envahir. Elle avait le goût des années perdues, de ma fuite à La Palestre, de cette période si longue à tenter d'exister en se battant contre le mur de l'indifférence et de l'amateurisme.

J'ai émis quelques réserves à mon acceptation. Choisir les membres de l'autre équipe qui rejoindraient la mienne (avec au passage une économie de 5 postes réaffectés dans les services administratifs de la SEMEC), recréer un Festival des Feux d'Artifices, vieux serpent de mer de la Ville de Cannes que la service Fêtes n'avait su mener à bien, et c'est sur un nuage que je suis sorti de son bureau. Ce soir-là nous avons mangé avec Sophie, le monde à nos pieds et la tête dans les nuages !

Dario Perez et Philippe Villechaize me reçurent et confirmèrent les options que nous avions posées en y rajoutant une augmentation de salaire pour moi. Pierre Jean fut affecté à une mission "Le Passage de l'an 2000", belle voie de garage qui lui permettrait d'atteindre l'âge de la retraite. Je choisis 3 personnes de son team dont Nadine Seul, responsable du festival des Jeux et Daniel Delesalle de la pyrotechnie qui intégrèrent mon équipe (les négociations furent tendues avec eux qui avaient l'impression de se rendre à Canossa !). Je refusais un statut de Directeur Adjoint pour Daniel Delesalle, option indispensable pour préserver Sophie Dupont, mon adjointe, d'une guerre intestine Picrocholine, et dans de nouveaux bureaux situés en dehors du Palais en plein travaux d'extension, nous avons entamé notre marche vers "Sortir à Cannes".

Et par un heureux hasard de circonstances, c'est à ce moment précis que le Casino Croisette décida de ne plus gérer en direct "la contribution artistique" du cahier des charges mais de reverser à la Ville la compensation financière correspondant à cette mission, à charge pour elle de les réaliser. Et Maurice Delauney, dans son bureau de la mairie, en compagnie de Gilles Cima, me confia la mission de programmer une dizaine de pièces de théâtre en sus... J'avais tout ! Encore fallait-il faire la preuve de nos aptitudes à passer au régime supérieur !  

Une nouvelle équipe autour du Président Dario Perez dans nos bureaux du Boulevard Carnot (notez l'affiche des Muvrini au dessus de mon bureau... déjà !) et dessous, la conférence de presse, le 4 mai 1998 présentant le programme d'été et la saison future... On reconnaît Dario Perez, Gilles Cima, l'adjoint au tourisme, Paul Simonet, l'adjoint à la Culture et René Corbier, le Directeur des Affaires Culturelles. Les 5 acteurs d'une politique de culture et d'animation ambitieuse pour la ville sont réunis pour ouvrir un chantier gigantesque et passionnant !

Une nouvelle équipe autour du Président Dario Perez dans nos bureaux du Boulevard Carnot (notez l'affiche des Muvrini au dessus de mon bureau... déjà !) et dessous, la conférence de presse, le 4 mai 1998 présentant le programme d'été et la saison future... On reconnaît Dario Perez, Gilles Cima, l'adjoint au tourisme, Paul Simonet, l'adjoint à la Culture et René Corbier, le Directeur des Affaires Culturelles. Les 5 acteurs d'une politique de culture et d'animation ambitieuse pour la ville sont réunis pour ouvrir un chantier gigantesque et passionnant !

Le premier été fut flamboyant à souhait !

Le premier été fut flamboyant à souhait !

Claude Nougaro, Sylvie Vartan, Khaled, et en gratuit sur le marché de La Bocca, Carlos, Herbert  Leonnard, Jean-Luc Lahaye et mon pote Vincent Absil !

Et même les Marionnettes sur eau du Vietnam du 5 au 7 juillet sur l'esplanade du Palais des Festivals !

Et enfin, le retour d'un Festival d'Art Pyrotechnique qui avait bercé notre adolescence et qu'Anne-Marie Dupuis avait supprimé car le public piétinait les fleurs de La Croisette et que cela drainait toute une populace peu en phase avec l'image d'excellence (!) de la Ville de Cannes ! Sauf que ces soirées drainaient plus de 100 000 personnes sur Cannes et représentaient les meilleures recettes de tout l'été pour nombre d'établissements (plages, restaurants, tabacs, parkings, glaciers...) et que du jour de la reprise, plus personne n'osa le remettre en cause !

La première saison de Cannes (1997/1998) fut menée à marche forcée dans une frénésie incroyable. Nous manquions de repères, de contacts, tout était à créer dans une totale improvisation. Mais l'expérience accumulée depuis des années, le véritable challenge que représentait cette configuration unique de pouvoir façonner l'histoire locale était un moteur qui nous permettait de nous dépasser en d'enchaîner les épreuves. J'ai fait jouer mon réseau embryonnaire, fait sonner le téléphone arabe pour les autres, suis monté faire le tour des agences à Paris et sans filet, avec l'impression étrange de se jeter à l'eau, nous avons enfanté une première saison de "Sortir à Cannes".

Le grenier de la mémoire 26 : L'envol de l'aigle !

Ouvrir la saison fétiche initiale avec le berbère IDIR, "A Vava Inouva" était un rêve et déjà symbolique de la démarche suivie et enchaîner avec "ma" soirée corse une provocation à l'académisme ! Une touche d'exotisme (Clowns russes, Ballet ThaÏ, les tambours de Tokyo) et la chanson française, Gilbert Bécaud l'ancien et Juliette la nouvelle, du café-théâtre (Palmade/Laroque et Metayer), de jeunes compagnies (Fievet/Palies) avec un Dom Juan d'origine ou La Castafiore avec Almanach Bruitax...

En théâtre, un Tartuffe avec Roger Hanin, Guitry avec Francis Perrin, La Nuit des Rois de Shakespeare (Roger Pierre, Jacques Fabri), la Terrasse avec J-P Marielle, Chantal Lauby et Hippolite Girardot, le Journal d'un fou de Gogol...Darry Cowl, Daniele Darrieux, Jacques Dufilho, un Labiche...

Et un sublime ballet, Carmen d'Antonio Gades...

Si l'on rajoute quelques productions locales (Jacquin, Lyricannes de Suzanna Rosander) et les festivals de Marionnettes et de Musique Classique... cela a donné une saison bien "bricolée" mais diablement efficace qui obtint immédiatement l'adhésion d'un public Cannois qui n'avait pas de repères de "saison" et se rendait en général à Nice pour les sorties spectacles d'hiver !

Un succès immédiat et un nombre d'abonnés impressionnant !

Le grenier de la mémoire 26 : L'envol de l'aigle !

Cette 2ème saison fut celle de la confirmation de nos choix initiaux. Plus de 40 spectacles conjuguant un éclectisme , une volonté de rompre avec le conformisme mais en offrant quelques points d'ancrage, de surprendre mais aussi de confirmer. Higelin, Serge Lama, Claude Barzotti, Jean-Louis Murat avec Zuccherro, Lili Boniche, El Cabrero et Vicente Amigo !

La recette (et je ne l'ai pas inventé, rassurez-vous... mais senti intuitivement, peut-être parce que j'étais le premier spectateur des spectacles que je programmais), permettait à chacun de s'y retrouver et de picorer dans l'offre globale des spectacles qui les séduisaient. Un abonnement souple mis sur pied par Sophie qui avait la haute main sur la communication et avait monté un réseau de relais dans les entreprises et établissements où des responsables locaux diffusaient nos programmes et vendaient des places en obtenant un quota d'invitations, permis un vrais succès entretenu par la presse pas avare d'articles et renvoyant une image dynamique et novatrice. 

C'est dans cette période que collectivement, nous avons forgé ce qui sera globalement la colonne vertébrale du paysage culturel cannois des 15 années qui suivront ! Des années exaltantes où nous avons appris, où nous nous sommes "plantés" quelques fois, où nous avons beaucoup réussi de coups improbables, où le rythme incroyable des "saisons" à forgé notre identité et notre vie quotidienne !

L'apprentissage était terminé !

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le grenier de la mémoire 25 : SEMEC... la préhistoire !

Publié le par Bernard Oheix

De 1992 à 1995, l'histoire de cette Société d'Economie Mixte pour les Évènements Cannois fut un éternel balbutiement. Une histoire contrastée pour cette structure qui avait en main les destinées de milliers de Cannois reliés économiquement à l'activité du Palais des Festivals, accueillant le Festival du Film et des congrès gigantesques qui nourrissaient le quotidien de toute une population : Midem, Mip TV, Mip Com, Tax Free, Mipim... chacun apportant sur Cannes des milliers de congressistes au fort pouvoir de dépenses et drainant tout au long de l'année, des touristes complétant les retombées économique. Tourisme de loisirs et tourisme de congrès, les 2 mamelles d'une économie Cannoise florissante !

Derrière ce tableau idyllique, il y avait la réalité d'un fonctionnement totalement kafkaïen ! Du parfumeur totalement largué au vendeur de tapis de la rue d'Antibes, plus à l'aise pour gérer les kms de moquettes nécessaires au bon fonctionnement des manifestations qu'à prendre les décisions qui s'imposaient, les Présidents se succédèrent, adjoints au Maire mais inaptes à gérer un ensemble aussi sophistiqué ! La 1ère Directrice générale, Marie Pierre Colas, acheva sa mission sur un des innombrables Audits, orchestrés par ces fameux experts saturant l'espace de travail ! Lequel audit déboucha sur le constat qu'il fallait changer de DG... et comme par hasard, c'est la responsable de cet audit, mandatée par un grand cabinet parisien, qui dessina le profil idoine du nouveau DG correspondant, ô surprise, à son propre profil ! C'est ainsi que Martine Morabito fut nommée  Directrice Générale, avec comme principale conséquence, très rapidement, de prouver que, de la théorie à la pratique, il y avait un gouffre que même les meilleures intentions ne pouvaient combler !

Archétype d'une technocrate dépassée par ce qu'elle avait enfanté, Martine Morabito, sous les traits d'un patron exigeant et sans complaisance, était une caricature de despotisme doublée d'une infinie incapacité de trancher et d'envisager des lignes de développement ! On passait notre temps à subir des décisions arbitraires, irrationnelles. Un jour, elle me convoqua pour m'informer que nous ne pouvions plus "inviter" les journalistes sur le prochain Festival de Danse en payant leur transport et les hôtels, car cela revenait à une "gestion de fait" de l'argent public ! En gros, continuez de supplier les critiques pour qu'ils viennent couvrir l'évènement et en parlent dans les médias... mais de grâce, qu'ils prennent en charges désormais leurs frais ! J'imaginais la tête des critiques de danse au moment de payer l'addition ! Il a fallu que je monte une énième fois au créneau...

Elle avait mis sur pied des réunions hebdomadaires des directeurs et de certains chefs de service (on était une douzaine !) où chacun était sensé exposer ses problèmes et se coordonner avec les autres services sous sa houlette ! Gabegie, perte de temps, complaisance... L'horreur ! Vide intersidéral de considérations oiseuses, chacun évitant soigneusement de parler de ses problèmes dans l'espoir que personne (et surtout pas elle !) ne s'en mêle !

Technocrates de tous les pays : unissez-vous !

Pendant ces réunions, je construisais des grilles de mots croisés ! Provoc évidente puisque réalisée aux yeux de tous ! Je vous donne le 1er vertical. À la définition "La SEMEC" essaie d'en être une, il fallait répondre : ENTREPRISE !

Pendant ces réunions, je construisais des grilles de mots croisés ! Provoc évidente puisque réalisée aux yeux de tous ! Je vous donne le 1er vertical. À la définition "La SEMEC" essaie d'en être une, il fallait répondre : ENTREPRISE !

J'étais en opposition permanente avec Martine Morabito, la Directrice Générale.  Si je voulais mener à bien mes missions culturelles, je devais me confronter, de facto et souvent avec vigueur, à la plupart de ses décisions. Un jour elle déboula dans mon bureau. Me fixant longuement, elle me déclara les yeux dans les yeux : "-Oheix, je vais avoir votre peau !". Ambiance ! Paroles, paroles...

Elle a sombré peu après, s'échouant sur la facture d'un tailleur de marque acheté pour la cérémonie d'inauguration du Festival du Film... mais réglée avec le compte professionnel de la Semec ! Comme quoi, on est pas toujours le prophète que l'on espère !

Et moi, j'étais encore là !

Entre temps, ils avaient trouvé une solution à nos problèmes d'implantation. Dans un angle de ce 2ème étage morbide, un grand espace ouvert avait été aménagé avec d'un côté Pierre Jean et son équipe de l'Animations et des Fêtes, de l'autre Bernard Oheix et sa garde prétorienne de sémillantes nanas gérant l'Évènementiel Culturel.

Un open-space où deux factions se regardaient en chien de faïence... tout au moins au début ! Par la suite, la proximité aidant, et malgré les différences de méthode de gestion des équipes, une pax romana s'instaura à défaut d'une entente cordiale !

Notre ordre de missions s'appuyait sur un certain nombre de festivals. En hiver, la Danse en biennale avec Yorgos Loukos en Directeur Artistique, un Festival de Musique Classique (Tacchino), un Festival de la Marionnette (avec René Corbier... le grand spécialiste de la côte) et surtout le Guitares Passion (DA : Pierre Olivier Piccard), de loin la manifestation la plus folle, mêlant stages de guitares, concerts, jam's session, couverte par la presse nationale, rencontre permanente entre le probable et l'improbable !

En juillet, nous avions Les Nuits Musicales du Suquet (toujours Tacchino) sur 10 soirées classiques.

Un programme prestigieux certes, mais qui nous laissait insatisfaits. Nous rongions notre frein en cherchant des axes de développement. Séminaires sur les îles, cellules de réflexion devant déboucher sur une prise de décision afin d'étoffer notre planning d'opérations ponctuelles, de co-productions, de premières, de  créations, pour laquelle il n'était prévu aucun budget !

Et je me demandais bien comment sortir de cette galère !

C'est à partir de 1995 que les lignes bougèrent enfin, que nos efforts commencèrent à payer. L'arrivée de Dario Perez, puis de Gilles Cima, comme présidents débloquant la situation, d'autant plus qu'un nouveau Directeur Général fut nommé. Philippe Villechaize, rompu à la vie de la Mairie, proche de Michel Mouillot dont il avait été le chef de cabinet, homme intelligent et posé, parfait pour assurer une période de transition indispensable et rassurer le personnel du Palais usé par tant de changements à vue.

Grâce au soutien du Président Gilles Cima, nous avons enfin pu tester des programmations au "pourcentage" avec des opérateurs régionaux où en prenant des risques sur la billetterie : Bedos, Béjart avec sa Messe pour le temps présent, une nuit de polyphonies avec Poletti et les choeurs de Sartène et le Corrou de Berra, un gala avec les Etoiles de Paris, L'opéra de Pékin (Le roi des singes). Une création théâtre de Régis Braun sur un texte de Rezvani...

Ces dates venaient enfin étoffer notre activité, meubler certains temps morts du Palais, offrir de beaux spectacles au public local, sevré hors festivals et d'une programmation famélique de théâtre réalisée par le Casino Barrière gérant la redevance publique des casinos dans un cahier des charges sensé "artistique !"

Le vent de l'espoir se levait et nous étions enfin prêts à prendre la haute mer !

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Le grenier de la mémoire 24 : irruption au Palais des Festivals de Cannes !

Publié le par Bernard Oheix

Revenons-en au bon déroulement de ma réintégration sur Cannes...

Après l'excellent accueil (!!) de la Directrice Générale, Marie Pierre Colas, mais avec un contrat tout aussi excellent dûment signé par le Maire de Cannes dans ma poche, il fallait que je prouve à Michel Mouillot et Françoise Léadouze qu'ils avaient eu raison de me faire confiance et de croire en moi... Il était donc temps de se remettre au travail !

D'accord, mais où ? Et avec qui ?

Mes rapports furent d'entrée assez "tièdes" avec la toute nouvelle hiérarchie du Palais qui jugeait mon "arrivée" intempestive et quelque peu incongrue. Ils étaient tous persuadés que j'avais "magouillé" contre Pierre Jean, (Vous avez eu sa tête...sic !), bien connu et apprécié dans ce Palais, installé avec son équipe du "comité des fêtes" qui ronronnait sans déranger personne depuis plusieurs années dans les bureaux du 1er étage du bâtiment.

Moi, je débarquais de chez l'ennemi, l'OMACC, la rivalité entre les deux structures n'étant pas un mythe... Les affaires, les congrès, le prestige du cinéma et les fêtes populaires contre les dépensiers intellectuels... un de ces représentants de la Culture (et Dieu sait si la Culture était "terra incognita" en ce palais et allait le rester encore très longtemps !). Rien ne prédisposait à ce que je puisse m'intégrer dans ce gigantesque chantier qu'était, en 1992, le Palais des Festivals de Cannes ! 

Imaginez seulement la situation ! Une toute nouvelle entité juridique d'économie mixte réunissant un personnel municipal  de droit public et les anciens associatifs de droit privé sous la même casquette, des règles administratives que personne ne maîtrisait, un président de la SEMEC, adjoint au Maire, âgé et sympathique mais totalement largué, une Directrice Générale, jeune et jolie avocate, mais avec un charisme et une capacité à gérer l'humain proche du zéro absolu, totalement dépassée par sa mission... Elle n'était même pas méchante, juste incapable de maîtriser le bordel ambiant ! La peur dans ses beaux yeux ! Et puis, en pénétrant dans les arcanes des services, des blocs en opposition permanente entre le technique, l'administratif, la communication... avec des directeurs qui tentaient de s'imposer pour défendre leur pré-carré. Pour couronner le tout, un planning de manifestations chargé, des congrès qui arrivaient et le Festival du Film qui pointait son nez ! 

Un capharnaüm insensé entretenu par une poignée "d'experts" chargés de mettre de l'ordre mais qui ne connaissaient, ni le Palais, ni les règles de fonctionnement inhérentes à ce milieu, et pondaient de jour en jour, des injonctions totalement déconnectées de la réalité ! Un bateau ivre en train de s'échouer !

Et moi, et moi, et moi... dans tout cela ! Je n'avais même pas "ma" Sophie Dupont pour m'aider, mon adjointe étant toujours coincée à La Palestre où elle devait terminer son préavis en transmettant les "maigres" dossiers à la toute nouvelle "maigre" équipe qui avait pris mon relais à La Palestre !

Il fallait bien que je pose mes affaires (un agenda, un cahier et un stylo) quelque part, et j'ai donc demandé un bureau avec téléphone. C'est au 2ème étage que j'ai atterri, dans le couloir des organisateurs externes, mais transitoirement, car : "-il y a un congrès dans 15 jours et ils auront besoin de tous les bureaux !". Je me suis retrouvé seul, dans cet espace froid et sans âme, guettant la tonalité d'un téléphone toujours atone, sous le regard goguenard de rares zombies arpentant un couloir immense dépeuplé de vie ! 

Et pendant ce temps, mon équipe (les anciennes de l'OMACC), était toujours à La Malmaison, sur la Croisette, totalement abandonnée par un Pierre Jean qui n'avait jamais réussi à les ramener sous son toit pendant cette période où il avait été leur Directeur éphémère !

Quand j'ai demandé à la direction de les rapatrier, ce qui m'apparaissait un minimum indispensable, on m'a déclaré que ce n'était pas possible, qu'il n'y avait pas de bureaux libres et que de toute façon, avec les congrès qui arrivaient, personne n'était disponible pour régler le problème. "-Après le Festival du Film, on verra ce que l'on peut faire !"

Et j'ai cogité dans mon minuscule bureau, tout seul, en attendant que la tonalité de mon téléphone déchire le silence, jusqu'à ce que "l'insight", ce moment de réflexion magique du singe savant me saute au visage ! J'avais enfin la clef !

J'ai arpenté cette Croisette cernant la baie de Cannes, désertée en ce mois de février 1 992, pour rejoindre  une poignée de filles qui m'attendaient impatiemment à La Malmaison, distante de 500 mètres.

Je leur ai exposé la situation et la solution que j'avais imaginée. Elles doivent en rire encore, après tant d'années ! Les Elisabeth Lara, Eve Sportellini, Yveline Joséphine, Florence Jacquot, Eliane Amram... ont réuni quelques dossiers essentiels, leurs affaires indispensables, et tous ensemble en convoi, chargés comme des mulets, nous avons fait le chemin inverse, pour pénétrer par la porte de service dans le Palais et investir le lieu que j'avais pressenti grâce à un passe récupéré. Puis j'ai fait irruption chez Marie Pierre Colas en lui déclarant : "-Voilà, mon équipe de l'Évènementiel Culturel est dans le bureau des organisateurs à côté de moi. Elle n'en repartira pas ! Comme le congrès est dans 15 jours, vous avez 2 semaines pour régler notre situation, sinon Midem Organisation devra monter une tente sur la plage pour bosser ! Et en attendant, il faudrait brancher les téléphones pour qu'elles puissent travailler !".  Je me souviens encore du regard halluciné de la Directrice Générale !

Nous sommes restés 2 semaines dans ce bureau lugubre avant qu'ils ne trouvent une solution, toujours temporaire...

Mais nous étions enfin devenus une composante à part entière du Palais des Festivals et j'y ai gagné, je dois l'avouer, une certaine réputation : j'étais bien le Directeur d'un Évènementiel Culturel du Palais des Festivals de Cannes qui existait... et j'allais le rester 20 ans !

 

 

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Le grenier de la mémoire 23 : Moi, Jeune (et moins jeune !) critique !

Publié le par Bernard Oheix

Cinéphile assurément ! Etudiant en Cinéma certainement ! Mais étais-je vraiment un critique de cinéma, moi qui grandissais dans l'ombre de Jean-Louis Bory, des Cahiers du Cinéma et de la sémiologie ? 

J'étais entré à Nice-Matin en 1969 par un concours de circonstances (heureux déjà !). Claude Rinck, mon prof de gym du Lycée Carnot de Cannes était le grand patron de la Fédération du Hand-Ball de la Côte d'Azur  dont j'étais l'avant-centre (presque) brillant du club de la MJC de Cannes qui accédait d'année en année aux échelons supérieurs ! Mais quand mon club, où étincelait Alex Puléo, intégra l'élite de la nationale 3, mon entrée à la Fac de Nice, le parfum des femmes et de la révolution de 68 à parachever, m'aidèrent à trancher sans douleur pour arrêter le sport de compétition ! Claude Rinck négocia, alors, mon intégration à Nice-Matin pour devenir le pigiste permanent du Hand-Ball, un sport somme toute récent et qui manquait cruellement de cadres et de référents !

Et c'est ainsi qu'à partir de 1969, je devins la "sommité" du Hand de la presse régionale, réalisant 2 à 3 papiers par semaine qui me payèrent par ailleurs mes études en complément de ma bourse ! Ah ! Époque bénie de l'ascenseur social, quand tout était possible !

J'ai appris, sous la férule de Tony Bessy, le boss des sports de Nice-Matin qui m'avait pris sous son aile, à écrire, à formater mes papiers, à trouver des titres, à téléphoner aux sténotypistes à l'issue des rencontres, des comptes rendus à chaud, dont je voyais le lendemain le produit réalisé sous la signature de mon nom ! Et avec le temps, j'ai offert mes services à l'Espoir Hebdo, le quotidien du soir de Nice-Matin mais en cinéma cette fois-ci !

Parallèlement, mon engagement politique variant au fil des saisons, et de l'extrême gauche dérivant vers le parti des travailleurs, je me mis à écrire dans le Patriote, l'organe des communistes locaux, mais sur mon sujet de prédilection, le cinéma ! Il m'a fallut pour cela utiliser un pseudo et c'est sous le nom de Jean-Paul Icardi, (patronyme de mon grand-père maternel que je conserverai d'une façon récurrente toute ma vie !) que j'écrivais mes chroniques hebdomadaires !

Ainsi donc, dans la même semaine, je pouvais avoir deux articles sur le cinéma dans deux revues différentes et sous deux noms différents et 2 articles de Hand-Ball signés Bernard Oheix !

Le grenier de la mémoire 23 : Moi, Jeune (et moins jeune !) critique !

En 1973, munis de notre tout nouveau sésame, une vraie fausse carte de presse, nous régnions et consommions comme jamais les films du Festival du Film de Cannes, dévorant les yeux hallucinés, tout ce qui se programmait dans la salle du "vieux" Palais qui venait de s'ouvrir aux quatre vents pour une trentaine de "néo-critiques" en herbe !

C'est à la sortie d'un film hongrois de Ferenc Kardos, Petofï 73, que je me suis retrouvé, avec quelques uns de mes co-délinquants dont Etienne Ballerini, Jean-Marie Raffaëlli et Annie Tédesco (celle qui plongera 2 ans après dans les filets de la  Fargette ! et tant pis si je cite leurs noms, ils n'ont qu'à assumer les actes délictueux de la jeunesse !)  en train de manger entre 2 projections dans un petit troquet de la Place Gambetta. En attendant notre omelette-frittes, on s'est mis à parler du film, (comme d'hab !) et si je le défendais ardemment, mes copilotes le critiquaient tout aussi vertement ! On s'est donc lancés nos arguments à la tête, s'acharnant à camper sur nos propositions, ce qui, à l'époque, était le minimum syndical indispensable pour bâtir un nouveau monde sur les ruines de l'ancien !

Aucun d'entre nous n'avait remarqué un vieux monsieur, occupé à se sustenter, juste à côté de nous, et qui apparement, sans boire nos paroles mais en ingurgitant sa bière, avait tendu l'oreille suffisamment pour, à la fin du repas, devant une tasse de café fumante, se pencher vers moi pour me déclarer :

-Excusez-moi, mais j'ai entendu, sans le vouloir, votre défense du film de kardos et je trouve cela intéressant ! Si vous êtes capable de l'écrire aussi bien que vous le défendez à l'oral, je pourrai bien la présenter dans ma revue ! Ah, au fait, je suis Jean Delmas, le Directeur de Publication de Jeune Cinéma !

Une fois de plus, j'étais au bon endroit, au bon moment et le hasard me caressait de son aile bienveillante ! Et la digestion de mes frittes fut excellente !

Bon, avouons-le, cette article n'a pas révolutionné le cinéma ! Mais c'est le 1er d'une série et à ce titre, il a un délicieux parfum de nostalgie pour son auteur !

Bon, avouons-le, cette article n'a pas révolutionné le cinéma ! Mais c'est le 1er d'une série et à ce titre, il a un délicieux parfum de nostalgie pour son auteur !

C'est en 1976 que j'ai obtenu une mini-consécration ! Envoyé spécial au Festival de Pesaro avec à la clef, un grand papier dans l'Humanité. Mon oncle, Yvan, fervent admirateur du père des peuples et encarté dans le futur parti du Programme Commun,  faillit avoir une attaque en lisant mon article. Son propre sang à la une de "son" journal, de sa bible ! De ce jour, j'ai été son chouchou et c'est chez lui que je serai hébergé pendant mon stage de Directeur de MJC au Mans où j'ai travaillé sur un projet de reprise par la mairie d'une salle de spectacle pour la transformer en cinéma municipal : Le Royal... ultime paradoxe pour un fervent adepte de la décapitation des têtes couronnées !

Le grenier de la mémoire 23 : Moi, Jeune (et moins jeune !) critique !

Alors c'est vrai ! Plus d'une centaine de critiques dans des revues aussi diverses, auxquelles s'ajouteront, France Nouvelle, La Strada, CinémaS... font peut-être de moi un critique ! Mais ce qui est certain, c'est que le virus du cinéma ne m'a jamais quitté (même s'il vaudrait mieux éviter une telle image en cette période de pandémie !) et que tous les mois de mai, dans mon blog, j'écris 4 à 5 articles sur les 30 à 40 films ingérés à chaque édition du Festival de Cannes ! Et je donne mon Palmarès en prime !

J'aime le Cinéma à la passion, même si c'est dans le spectacle vivant que j'ai fait l'essentiel de ma carrière !

Et comment résister au plaisir de vous dévoiler cet opus d'Etudes Cinématographiques où j'ai signé une 40 de pages extraites de ma Maîtrise de Cinéma sous l'égide de mon vénéré professeur, Jean A Gili, avec mention s'il vous plait !

Et comment résister au plaisir de vous dévoiler cet opus d'Etudes Cinématographiques où j'ai signé une 40 de pages extraites de ma Maîtrise de Cinéma sous l'égide de mon vénéré professeur, Jean A Gili, avec mention s'il vous plait !

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Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a de nombreuses méthodes pour assister à la séance Graal d'un film en compétition au Palais des Festivals. Je pense que j'ai eu l'opportunité en 45 éditions de toutes les explorer ! Petit bréviaire donc du chercheur d'or cinéphilique à la conquête de sa toison d'or !

Et tout de suite, 2 possibilités à déconseiller. La première est humiliante. Se vêtir d'un smoking avec noeud papillon, se poster dans l'environnement direct du Tapis Rouge avec un petit écriteau "cherche deux places pour assister au film en compétition : PS : une seule suffirait !"

Soyons lucide, outre la possibilité infime d'en trouver une (et à fortiori 2 !) vous allez être ridicule dans votre frac loué pour l'occasion avec, en prime, de grandes chances de terminer seul votre soirée devant la télé, sans votre copine qui aura compris que vous étiez prêt à l'abandonner pour un Kurosawa, ou pire, un film Bulgare de 3 h 27 sous-titré anglais !

La 2ème a bien fonctionné mais est devenue obsolète. Se promener dans la contre-allée de l'ancien Palais, lancer une oeillade au gardien de la porte de secours qui s'avère être l'oncle d'un copain de classe, lequel vous fera un signe discret pour vous donner le feu vert, au moment du générique du festival, quand les places libres ne pourront plus être occupées. Avec moi cela à bien fonctionné une vingtaine de fois mais pour ce faire, il était nécessaire d'être Cannois, de tomber sur le bon vigile et tout cela bien avant que les consignes de sécurité drastiques de l'époque actuelle vous fassent apparaître comme un dangereux terroriste de vouloir satisfaire votre appétit de 7ème Art !

Bien évidement, il y a aussi la possibilité permanente d'être le fils d'un commerçant de la rue d'Antibes... mais ce n'est pas donnée à tout le monde, hélas !

 

C'est donc vers une 3ème option qu'il faut se tourner.

Avoir une carte de presse d'un quotidien local...

Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

...ce qui n'est pas toujours facile, mais possible si vous écrivez sur le Hand-Ball dans Nice-Matin ou si vous êtes communiste et que vous faites des articles de cinéma dans le Patriote vendu par vous-même à la criée du Marché de Magnan !

Toutefois, ce petit sésame ne vous permet en aucun cas d'accéder à la Montagne Magique de la compétition, tout au plus vous autorise-t-il d'accéder à un de ses périphériques comme la Quinzaine, moins regardant sur les états de service de l'impétrant critique !

Voir les films de la Quinzaine, c'est bien, surtout quand on voit la liste des réalisateurs qu'ils ont promus à Cannes... mais impossible alors de prétendre faire son palmarès en même temps que les jurés !

Voir les films de la Quinzaine, c'est bien, surtout quand on voit la liste des réalisateurs qu'ils ont promus à Cannes... mais impossible alors de prétendre faire son palmarès en même temps que les jurés !

Alors comme 4ème option, il reste la débrouille... Ou l'art d'être faussaire ! Dès 1973, une bande de cinéphiles enragés, tournant autour de l'université de Nice et de la section Histoire du Cinéma, dont j'étais, sous la houlette d'un Jean A Gili, notre maître impérial et amusé, a trouvé la martingale magique : de vraies fausses cartes de presse !

Un ami étudiant Corse honorablement connu (dont je tairais le nom !) ayant un cousin Bastiais qui possédait une imprimerie, sur la base d'une authentique carte récupérée à la fin du Festival 1972, réalisa une trentaine de passeports pour le paradis pour une modique somme incluant son temps de travail (et le temps de travail en Corse, c'est sacré !). 

Vous pouvez voir que les noms sont aléatoires et les médias interchangeables, magie du cinéma, Méliès quand tu nous tiens !

Vous pouvez voir que les noms sont aléatoires et les médias interchangeables, magie du cinéma, Méliès quand tu nous tiens !

Des talons détachables, la signature contrefaite de "La Fargette", la cerbère intransigeante qui gérait la presse du Festival du Film ! Tout y était !

Des talons détachables, la signature contrefaite de "La Fargette", la cerbère intransigeante qui gérait la presse du Festival du Film ! Tout y était !

Et l'aventure dura 2 belles et merveilleuses années pendant lesquelles 30 chevelus de la FAC de Nice, se promenaient dans les conférences de presse, assistaient à toutes les séances et pouvaient enfin dignement composer leur palmarès sans rougir en récupérant au passage, le matériel promotionnel des attachés en train de vendre leur film à la presse du monde entier... et à nous !

Mais quand même ! Nous en avons peut-être un peu trop fait ! Et pour la 3ème édition de notre opération piratage, au dernier moment, et sans avoir la décence de nous en informer, le service de presse du festival fit plastifier les cartes et passa les consignes aux cerbères des entrées !

Las, c'est notre copine, mademoiselle X, qui fut la première (et unique), à tomber dans les rets de l'administration outragée, le 4ème jour du festival 1975. Elle se retrouva dans le bureau d'une Fargette extatique devant la fausse carte confisquée, touchant le lisse de l'authentique de son ongle carmin en hurlant "- je le savais, les faussaires c'était donc vous, qui sont les autres ? J'exige des noms !"... rugissant qu'elle allait appeler la police, que cela nous couterait gros, la prison, la galère, le bagne ! Bon, quelques ruisseaux de larmes plus tard, elle fut relâchée sans avoir citer les noms de ses complices d'infamie (dont le mien !) et nous lui avons fait un triomphe à sa sortie en séchant ses larmes !

Sauf, bien évidement qu'il a fallut pour continuer à voir des films dans cette édition, renouer avec les procédés artisanaux décrits dans la première partie de l'article !

Et puis le temps passa et vint la potion magique, l'option + qui autorise tous les phantasmes...

Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

Et là... qu'ajouter qui ne serait superfétatoire ! Un badge authentique de Directeur du Palais, une invitation permanente officielle, et en prime, quelques rencontres réjouissantes autour de la prise des empreintes de stars dont j'était le directeur du service responsable ! Le pied et la main en osmose ! Sharon Stone, Kim Bassinger, Cameron Diaz, mais aussi Michelangelo, mon Bertolucci, Polanski qui a été très correct avec moi(!) et tant d'autres stars comme Tarantino, Lynch, Francis Ford....

Alors même si avec le temps, un badge cinéphile est venu simplifier la méthode, un seul conseil : faites au moins une fois dans votre vie la montée à 19h15 des 24 marches de la séance en compétition (c'est le nombre de phonogrammes du défilement du cinéma, 24 images secondes !). Une fois suffira d'ailleurs car le prix à payer et lourd : arriver une heure en avance, se frayer un chemin au milieu de la foule des badauds sans invitations, un frac qui engonce, un noeud papillon qui étrangle, des chaussures vernis qui endolorissent les pieds... pour vous ! Une robe de soirée pour elle ! Mais au bout du compte, entre la haie de gendarmes emplumés, les flashes des photographes, et le fait de gravir cet Everest entre Meryl Streep et Michel Piccoli, vous garderez le souvenir ému d'avoir été pendant 12 mn un des rois du monde !

Bon, pour la petite histoire, je n'ai plus fait cette montée depuis 10 ans... même et alors que je pouvais aisément obtenir des invitations ! Les meilleures choses se distillent et le film est plus important que son habit de soirée !

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