Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La mariée des Anges

Publié le par Bernard Oheix

 

Un petit discours pour un grand départ au large. Marie-Ange depuis 11 ans dans cette équipe superbe de l'Evénementiel du Palais des Festivals de Cannes, qui travaille avec intelligence dans une harmonie étonnante. Il fallait bien que l'histoire nous rattrappe, que l'envol des autres précède des horizons si proches, annonce un futur de parenthèses... Oui, un petit discours à lire entre les lignes, qui a tiré quelques larmes des beaux yeux de "La Marie-Ange de l'ombre", la voix éternelle de l'Evénementiel.

Cette voix va cesser d'informer, mais elle nous en dit plus sur nous-mêmes que beaucoup d'autres bien inaudibles ! 

 

Tant d’années partagées…que le temps passé impose parfois sa dure sanction !

Tu vas nous quitter, Marie-Ange, tu vas entrer dans un monde nouveau, celui de la retraite, celui du temps retrouvé, de cette liberté à laquelle nous aspirons tous mais qui nous fait parfois si peur. Sauras-tu relever le challenge d’une nouvelle vie à construire, d’horizons mystérieux à découvrir, de rivages désertés de tes certitudes et de ce qui fait le quotidien de ta vie depuis tant d’années vécues de concert ?

J’ai eu l’occasion au cours des anniversaires qui parsèment la vie d’une équipe de travail, de faire des mots d’amour pour des collègues qui surfaient sur le cap des 30 ans avec leur beauté orgueilleuse, qui éperonnaient la montagne des 40 ans avec la certitude d’une vie de richesse, qui glissaient irréversiblement sur les pentes cinquantenaires avec l’angoisse au fond du cœur d’un crépuscule annoncé… Mais des départs en retraite de Russie, combien peu en avais-je fait ! Si je compte bien, hormis l’Eve en feu qui tricha quelque peu en anticipant son âge de révision finale, tu es la première à partir en retraite légale sous mon ère, annuités réalisées, satisfaction du devoir accompli, médaille en prévision au revers de ton décolleté discret.

Et oui, Marie-Ange, tu seras éternellement la première de ma longue carrière à renvoyer vers l’hypothèse de mon propre départ, vers la fin des mythes : je ne suis pas indestructible et coulé dans l’airain, tu ne seras plus ma collaboratrice dévouée et efficace et je te suis de bien près sur ton chemin de croix.

 Tu annonces ainsi la fin d’une époque, le début d’une mutation en profondeur, les changements nécessaires pour que la nature conserve ses droits : les vieux à la casse, place aux jeunes ! Je suis d’une extrême maturité, tu n’es plus toute jeunette, mais au fond, est-ce tellement important ? Les flacons ne sont-ils point porteurs d’ivresse !

Et puis, souvenons-nous de ces 11 ans passés en commun…quasiment le tiers de ta vie professionnelle en compagnie d’une horde culturelle affriolante, de ces gorgones gardiennes du temple piaillant comme des orfraies, de ces soubrettes de la culture avec un grand C comme Chaleur, Câlin, et autres Chiennes de Charme de Crime d’amour… même si quelques bouledogues traînaient au milieu en tentant de délimiter leur territoire, surtout quand les adorables Claudettes stagiaires de chic promenaient leur élégante silhouette dans les bureaux sombres du fond.

La moitié de ta vie dans ce beau Palais des Festivals, tu l’as passée à recoudre les boutons de la braguette de ton directeur, à pratiquer un massage shiatsu sur la nuque fatiguée dudit directeur, à apporter un succulent fourré au chocolat adoré par ton directeur, à concocter un café pour calmer sa langueur et à répondre accessoirement à des foultitudes d’âmes en peine en train de se poser la question du contenu d’une pièce de théâtre, de l’heure de fin d’un concert ou de la longueur des moustaches du capitaine. Tant d’heures au téléphone pour que le monde continue de tourner dans le bon axe, que les salles soient pleines et que la culture rayonne dans le firmament cannois.

Car disons-le tout net : tu as choisi de venir nous rejoindre en ton âme et confiance. Tu as décidé de venir te brûler au monde de la nuit. Au passage, tu as subi une diminution de salaire conséquente, preuve si besoin était, que tu n’étais plus vraiment consciente et que les vers de la sénilité devait agir déjà en prévision de cette heure fatidique où tu rejoindrais le monde des inactifs. .

Depuis, en plus de ton occupation annexe d’être la Mère Térésa de tous les paumés de la Culture, la matrone des stagiaires déboussolés devant cet univers iconoclaste, tu as glissé d’innombrables plaquettes dans autant d’innombrables enveloppes, boudiné de tes mains agiles des documents retors, assisté des invités en les faisant patienter pendant que le personnel de l’Evènementiel se gaussait et ripaillait de fraises Tagada et autres gâteries importées par Marie, Sophie et tous les autres.

Je me dis devant ce tableau noir, que j’aurais pu t’aider et t’offrir un peu de rêves. Mais je l’ai fait, mon Ange, dans ces soirées où tu t’immisçais afin de partager avec le public les rires d’un acteur, les larmes d’un auteur, l’autre émotion d’une salle communiant avec un spectacle magique.

Car tu en as vécu de belles soirées, tu t’es payée sur la bête humaine, notre culture, et je ne sais pas si tu as gagné une portion de paradis en travaillant avec nous, mais je reste persuadé que tu as obtenu, par ton action, le droit de revenir incessamment en deuxième semaine. Notre cadeau d’adieu est un passeport permanent pour les salles de spectacles… ce n’est que justice après tout que de pouvoir goûter enfin au plaisir qui t’a torturée de si longues années.

Je pourrais aussi te confier plein de choses émouvantes. Combien ton calme était précieux, comme ton charme opérait, toutes les nombreuses fois où les producteurs, les artistes, les tourneurs me confiaient à Séville, Essen où en Russie, la mission de saluer La Marie-Ange de la Miséricorde de leur part, même s’ils ne te connaissaient que par le biais d’un téléphone.

C’est ce téléphone que l’on te greffa pour le meilleur et pour le pire à ta naissance, qui t’accompagna tout au long de ta carrière et qui nous permettra de maintenir un lien permanent avec toi. Car tu n’en as pas fini avec nous. Il y aura bien un bouton de guêtre qui sautera, un concert à ne pas rater, quelques millions de tracts à encarter bénévolement en encadrant des stagiaires rétifs… Nous saurons t’appeler et te rappeler qu’il n’y a pas qu’être grand-mère qui compte dans la vie et que la verdeur du cœur et un cerveau en pleine activité restent le meilleur gage pour mourir en pleine forme…à l’âge de 100 ans ! Ces 40 années qui te restent à vivre ne seront pas de solitude puisque nous serons toujours là pour te dire : Marie-Ange, on t’aime, reste avec nous !

Voir les commentaires

Indignation

Publié le par Bernard Oheix

 

J’ai longuement hésité avant de publier ce texte. Mais ce blog est un espace de liberté, le mien avant tout, parce que je l’ai décidé et créé. C’est aussi le vôtre, parce que vous pouvez interrompre à tout moment votre présence en cliquant sur « end », voire répondre à mon texte dans la rubrique des commentaires. Je ne parle pas de politique, ou ce serait dans un sens si large que la grille de lecture ouvrirait sur des espaces infinis. Ce n’est pas une polémique autour de la libération d’Ingrid Betancourt qui m’a poussé à écrire ce texte, mais il s’agit bien d’humanisme, d’ouvrir les yeux sur la réalité, d’accepter nos imperfections pour remettre du sens dans la marche de l’humanité. Ma parole n’a de sens que parce que je décide d’ouvrir mon cœur, je vous livre donc mes états d’âme concernant cette indigestion d’une libération orchestrée par les dieux de la pub !

 

 

 

Voilà donc libérée la femme la plus célèbre des otages de la planète, on ne peut que s’en féliciter. Le sort d’une femme à qui l’on a dérobé six ans de sa vie ne peut que nous toucher.

Mais on va en bouffer des commentaires, des discours et des sourires béats. On peut être certain que cela va pleurer dans les chaumières, je vois déjà les yeux humides de la ménagère de 50 ans ! Qu’elle soit de la grande bourgeoisie, notable parmi les notables, avec une famille riche et des soutiens effectifs, des relais dans l’opinion, tant mieux ! Est-elle pour autant obligée de nous infliger une génuflexion et la prochaine bénédiction du Pape ? Pourquoi notre président campe-t-il comme un Artaban au siège de la victoire ? Cela a un fâcheux goût d’infirmières Bulgares, de récupération et d’autocongratulation. Oublié la pantalonnade de l’avion sanitaire, l’agitation vibrionnante d’un ministre Français des Affaires Etrangères, les discours de la méthode et les positions divergentes d’avec Alvaro Uribe, envolée la thèse de la négociation forcenée, de l’appui du sulfureux Chavez…Que la victoire est belle, surtout quand elle tombe si opportunément d’un ciel assombri par tant de nuages !

Reste un monde dans lequel on voudrait nous refourguer une nouvelle icône, une madone du courage, qu’elle est sans doute, mais dont l’utilisation sent la poudre aux yeux à plein nez !

Que fait-on pour les centaines, les milliers d’otages des Farc comme de toutes les autres organisations terroristes ou mafieuses qui restent derrière des barbelés et n’ont, comme défaut, que d’être pauvres et invisibles ? Que fait-on contre la forme la plus aboutie de l’esclavage moderne d’un ultralibéralisme qui conjugue l’oppression de l’homme au service de l’économie ? Ces millions de travailleurs immigrés qui triment 7 jours sur 7, dans des conditions indignes, sans aucune protection, bien au contraire, avec l’aval et sous la férule des autorités. Qu’ils soient Chinois, Pakistanais, Arabes, noirs, jaunes ou blancs, qu’ils viennent de quelques horizons que ce soit, ils sont des otages modernes, et eux, n’ont pas l’espoir d’une libération prochaine. C’est leur vie sur les chantiers des Emirats, dans les souks de l’Orient, dans les ruelles sordides de notre confort, qui est leur enfer quotidien !

Que fait-on pour les enfants soldats embrigadés dès leur plus jeune âge, à qui l’on apprend à tuer comme d’autres respirent ? Que fait-on pour les poupées Russe ou Moldave jetées sur les trottoirs de notre prostitution, otages de l’avilissement de la femme par l’homme pour une poignée d’€ ?

On a construit une société où les plus forts sont de plus en plus forts, où les riches sont de plus en plus riches, où ceux qui ont raison, ont raison contre tous les autres, et l’on voudrait nous fourguer une Jeanne d’Arc en barrage à la terreur !

C’est le monde qui est malade, malade d’égoïsme, malade de l’abus du pouvoir, de la perte de l’identité et des repères, de l’acculturation forcenée. Ce sont les mêmes qui sèment la mort par asphyxie à des populations entières en butte à la famine parce que la spéculation a gagné les cours des matières premières. Que les fonds de pension décapitent par leur exigence de rentabilité des pans entiers de l’économie, on trouve cela normal, c’est le capitalisme triomphant de ceux qui n’ont même plus en mains les rênes du travail, mais en possèdent les leviers pour se distribuer des dividendes. Que l’on massacre la planète en refusant d’ouvrir les yeux, que l’on ai créé les conditions des haines qui déciment des populations en Afrique, que le colonialisme se soit transformé en une oppression encore plus terrible dans des pays qui crèvent de faim pendant que leurs dirigeants corrompus croulent sous les richesses, que les flux avec les pays pauvres soient en défaveurs de ceux-ci, que la crise des « subprimes » soit soldée par les plus pauvres et pas par ceux qui en ont largement profitée et se sont constitués des trésors de guerre, à l’abri de toutes fluctuations…

Je ne peux avoir de commisération sélective, je ne peux imaginer que l’utilisation de la libération d’une Ingrid Bétancourt serve la juste cause des opprimés, des vrais, ceux qui sont nés pour être des esclaves et le resteront à jamais.

Alors désolé, Ingrid. Vos larmes sont touchantes mais n’assèchent que vos yeux, les miens sont ouverts sur des drames tellement plus terribles, où la vie n’a plus de valeur, où l’espoir ne peut renaître puisqu’il n’a jamais existé !

Et si nous décidions tous d’ouvrir les yeux, alors ce ne serait point des larmes qui en jailliraient, mais des rires, celui des enfants qui auraient enfin un avenir pour chasser leur passé de misère.

Voir les commentaires

La crème de Chantilly

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Et s’il existait un authentique Festival de Feux d’Artifice intelligent… une manifestation qui servirait la cause d’un art trop méconnu, un lieu où l’on pourrait voir les plus grands concepteurs, échanger avec les artificiers dans un endroit chargé d’histoire qui vous provoque le syndrome de Stendhal rien qu’à  plonger dans ses ors, où l’on se retrouverait entre gens de bonne compagnie en train de ripailler avant de plonger le nez dans les étoiles pour oublier un monde qui brinquebale et tangue sous l’impact de bombes autrement meurtrières ?



 une partie du jury avec la présidente Marthe Villalonga égarée dans un couloir dérobé secret du Château de Chantilly.


Si ce lieu existait, je refuserais d’en parler ! Je nierais en bloc et attaquerais mon interlocuteur en parlant immédiatement du Festival Pyrotechnique de Cannes que j’organise. Je déclarerais que nous sommes avec Montréal le plus grand festival du monde, que la baie de Cannes est l’écran de tous les désirs des artificiers et que pour vaincre chez nous, il faut avoir du génie plus que du talent. J’ajouterais, sans mauvaise fois, qu’obtenir une Vestale d’Argent ou d’Or, c’est le Graal de tous ceux qui se consacrent à griffer le ciel de leur signature éphémère, c’est gagner un bout de son paradis, entrer dans la légende et marquer l’histoire d’une empreinte indélébile.

Je parlerais bien sûr des nuits étoilées, du sable blond dans lequel un jury d’exception se vautre pour méditer, de la douceur de nos nuits câlines, de cette immense baie meublée de couleurs et de bruits, de l’histoire de notre manifestation où les Panzera, Igual, Lacroix et tant d’autres historiques des feux ont inventé un art nouveau pour les jeunes générations.

Je pourrais même raconter des anecdotes succulentes, des histoires d’histoires, des pages non écrites… mais je n’en ferais rien !

Je ne vous parlerais point de mes angoisses existentielles concernant une manifestation qui draine 150 000 personnes à chaque feu. Je ne vous donnerais pas le montant des retombées économiques colossales de chaque soirée d’artifice sur la vie économique locale. Je n’aborderais même pas les contradictions d’un dossier perclus de rhumatismes, les audits techniques, la législation de plus en plus complexe, le sous financement chronique, le montage de nuit imposé, l’impossibilité actuelle de préparer l’avenir et d’apporter du sang nouveau à un colosse aux pieds d’argile.

Non, cela ne m’intéresse pas de vous parler du Festival Pyrotechnique de Cannes puisqu’il s’agit ici de faire le compte-rendu des Nuits de feu de Chantilly.

Et pourtant, vais-je enfin faire mon coming out ? Oserais-je vous dire l’attachement que j’ai pour cette manifestation et pour ceux qui  la conçoivent, l’élaborent, la gèrent avec tant de professionnalisme ? Oui ! Après tout, comment voulez-vous résister à 3 nuits dans un château prestigieux qui vit la naissance de l’Art Pyrotechnique moderne sous l’ère de Louis XIV ?

Imaginez-vous, sur les marches du grand escalier, en compagnie de Marthe Villalonga, Surya Bonaly, Bruno Masure et autres Jean-pierre Mocky, Jean-François Garaud, Aure Atika et Marie-Christine Barrault… La soirée commence par un cocktail à la Volière, dans le flamboiement des derniers rayons du soleil avec une Isabelle Dufresne, la directrice, virevoltante de grâce et d’élégance.

Hélène Thiebaut, agent d'artistes, une rencontre du 3ème type, des projets à venir !

Jean-Eric Ougier le directeur artistique nous propose alors un abécédaire de l’artifice. Démonstration in situ sur la nature des bombes et des effets recherchés, nous ressortons de cette séance avec quelques dizaines de milliers de spectateurs mieux armés pour comprendre les effets des artificiers. Sa firme, Fêtes et Feux, propose un tir d’ouverture qui met la barre très haut pour les concurrents qui suivront. 10 minutes de féerie pure dans un lieu qu’il maîtrise à la perfection, le traître.

Et nous enchaînons avec un Stephane Bern au micro pour la présentation des candidats au Bouquet d’Argent, six firmes sélectionnées sur projet qui vont avoir 14 minutes pour séduire les 50 000 personnes payantes qui garnissent les tribunes et la dizaine de membres du jury. Un feu de clôture par le vainqueur de la précédente édition termine l’embrasement du ciel vers minuit trente, nous laissant groggy, ivres de bruits et de fureur avant de siroter quelques bières en évoquant les destinées du Proche-Orient et la misère de l’ex-Nouvelle Philosophie Française au bar de l’organisation.

Et s’il n’y avait que cela ! Des conditions idyllique d’accueil dans un hôtel de luxe, des voituriers avec des limousines à 130 000€ aux sièges massants avec écran personnel, des visites au Parc d’Astérix, dans les châteaux et cathédrales alentours…

De plus, on fait des rencontres, agents d’artistes, journalistes, comédiens, en déjeunant de concert, avant de se précipiter dans la piscine pour un ballon prisonnier. Le matin viendra toujours assez tôt pour éliminer toutes ces mauvaises humeurs dans un Spa ouvert complaisamment aux muscles las des invités.

C’est dur, je le sais… mais nous sommes des professionnels malgré tout, il s’agit de résister ! Et puis, il y a quand même quelques bons côtés à l’affaire. Par exemple la température glacée et la pluie récurrente qui provoquent une inflation de rhumes, grippes et autres angines. Le merchandising est là pour proposer des polaires, des gilets doublé, des parapluies (sic) !  Les heures de transport pour les milliers de pauvres aficionados bloqués dans une nasse dont on ne peut échapper, l’inflation des prix avec des médailles à tout le monde, le manque de rigueur du jury qui fait n’importe quoi, n’importe comment, par manque de directives et de conditions de délibérations…Je le sais, j’en étais un des membres totalement inefficaces !

Mon coup de coeur de la semaine. Elle m'avait séduit avec ses arabesques sur la glace, elle me conquiert par sa gentillesse et sa finesse. Surya Bonaly, je t'aime d'amour !

Enfin, quoi, c’est Chantilly !  Et vous voudriez en plus aimer ? Et bien, d’accord, je l’avoue, je le crie, je le hurle à la face du monde… Vive Chantilly, Vive les Nuits de Feu, Vive tous ceux qui les font vivre ! Et tant pis pour Cannes !


PS : Bon, heureusement que cette manifestation est en biennale.  Cela nous donne deux années de repos avant de retrouver la corvée de se rendre à Chantilly pour une nouvelle édition du festival. Je ne veux rien dire, surtout pas en rajouter, mais à Cannes, c’est tous les ans que nous illuminons les cieux !


PPS ; Et puis, c’est vrai que nous n’avons pas la silhouette titubante de L…, ex-star d’un soir d’une piscine loftée. A Cannes, il est impossible de la délivrer des traîtresses portes d’un WC de location (haut de gamme les chiottes de Chantilly !) qui refusent de s’ouvrir et où elle restera bloquée pendant 20 minutes d’angoisse absolue pour le monde de l’art. Et comment avoir le Samu, les flics et les pompiers aussi rapidement qu’à Chantilly quand elle tentera de se suicider au petit matin avec le bord effilé d’une cuillère à café. Non, c’est triste, on ne peut lutter avec Chantilly !


PPPS : rassurez-vous, L… a survécu !

 

Voir les commentaires

Porte-folio : Archive again

Publié le par Bernard Oheix

Juste pour continuer encore à rêver, quelques photos pour se souvenir, comme un clin d'oeil, une façon de perpétuer le plaisir d'avoir aider à l'accouchement d'une oeuvre majeure de la musique. J'en suis persuadé... ce 6ème opus fera référence, il ne vous reste qu'à l'attendre avec impatience...




Dany Griffiths, Darius Keller et Pollard Bernier en pause.


Graham Preskett, le chef d'orchestre et Michel Sajn en grande discussion


Pourquoi je ne parle pas comme Shakespeare.... Bon, ce n'est pas grave, on arrive à communiquer !


Bernard O, l'age des Pink-Floyd, le coeur d'Archive !

PS : Horreur et Dame Nation... Ces photos impromptues, prises à la volée par un spécialiste des photos volées sont signées d'un nom qui claque comme la détente d'un appareil vengeur. Eh oui ! Il s'agit de mon ami Alain Hanel, photographe de mérite qui a couvert les saisons culturelles de Cannes depuis deux ans et réalisé une exposition qui restera tout l'été au sein du Palais. Accès libre. Venez nombreux, vous verrez des images dérobées d'artistes se livrant au public dans la crudité de leur art.
Voilà, mon pote Hanel sera content de ce rectificatif. Pourquoi donc les faiseurs d'images sont-ils toujours dans l'ombre ? Peut-être parce qu'ils sont derrière l'objectif !

Voir les commentaires

RE-ARCHIVAGE (Histoire vraie)

Publié le par Bernard Oheix

 

J’avais mis en ligne sur ce blog, un billet d’émotion en octobre 2OO7, après un concert d’exception au Palais des Festivals, le plus beau, le plus magique de toute ma carrière professionnelle. Une date blanche pour ce samedi 30 septembre 2007 noyé dans les volutes d’une musique céleste, fusion entre le rock progressif d’Archive et les violons de l’Orchestre Symphonique de Cannes. Une messe pour le temps présent. Une ode à la fureur de vivre et au désir de paix, subtil équilibre entre le pouvoir de la musique et les aspérités d’un monde imparfait. Pendant le concert, mon cœur pleurait dans la certitude d’atteindre par la grâce de cet événement, le paradis des organisateurs heureux. Vous pouvez toujours le relire, (tapez sur l’éphéméride, octobre 2007, colonne de droite), vous saisirez peut-être entre les lignes ce que les mots ont tant de peine à transcrire !

Rappelons-nous…Il ne s’agissait pas d’une simple programmation mais bien d’une production originale montée avec mon compère d’Image Publique, Michel Sajn !

Je pensais ainsi en avoir, hélas, terminé avec mon groupe fétiche, celui que je place au panthéon de ma musique, en compagnie des Pink Floyd, au nirvana des groupes. C’était sans compter sur le destin… Voici donc la suite de mes aventures avec Archive (prononcer Archaïve !).

 

 

Il a deux mois, un maïl de leur producteur Français, Salomon H. atterrissait sur mon écran. Becks, la « manageuse » d’Archive, l’interrogeait pour savoir si l’orchestre de Cannes serait intéressé  par l’enregistrement des cordes, cuivres et percussions de leur prochain album. Elle y évoquait le souvenir d’un concert magnifique, la qualité de l’Orchestre et le désir du groupe de continuer une relation entamée à Cannes en septembre 2007. La réponse du producteur signalait qu’au vu de la complexité du travail en France avec un orchestre symphonique et des coûts rédhibitoires des musiciens Français, l’opération lui paraissait impossible mais qu’il me transmettait le dossier... malgré tout !

A sa réception, je dois avouer être resté dubitatif. La logique anglo-saxonne contre la rigidité des syndicats français de musiciens, le bizness anglais versus l’immobilisme du monde classique… la partie semblait impossible, le challenge hors de portée ! Pourtant, peut-être à cause de cette difficulté, par fidélité à ces heures magiques passées, par inconscience aussi (on ne se refait pas !), moi qui n’avais strictement rien à gagner à priori dans une telle galère, que des coups à prendre pour un échec prévisible, ai-je décroché mon téléphone pour appeler Becks.

Archive avait prévu l’enregistrement à Bratislava, tout était prêt. Suite à une discussion avec le groupe, elle avait tenté une dernière manœuvre, comme une bouteille lancée à la mer, sans trop y croire. Dans mon anglais d’arrière-cour, je lui ai demandé de me laisser une semaine avant de confirmer Bratislava, juste pour tenter et voir !

J’ai donc fait le point avec mon complice en « Archivie », le Michel Sajn par qui tout était né. Celui qui m’avait apporté ce formidable cadeau, qui avait monté avec moi la production du concert de septembre en partageant ma passion pour ce groupe.

Le premier coup de fil au directeur administratif de l’Orchestre (Catherine M) fut tiède mais la porte restait ouverte. Le deuxième à David L, Président du Palais, me donnait un accord de principe… sous réserve, le troisième à Martine G, Directeur-Général du Palais des festivals permettait d’espérer. Montée d’adrénaline.

Même en calculant au plus juste, le coût dépassait  les objectifs du management d’Archive. La première tâche fut donc de rogner sur les conditions normales d’un enregistrement (réduction de l’indemnité repas, coût des transports, nombre de musiciens, supplémentaires à embaucher) et de trouver un financement complémentaire par le biais du Palais contre un retour en image sur la pochette du disque. 55OO€ furent ainsi débloqués par le Palais sur le budget de ma direction, une somme conséquente permettant d’espérer.

Michel Sajn se chargea de trouver un studio sur Nice, à la Victorine et leur ingénieur du son, co-réalisateur de l’album (Jérome L) vint le visiter. Son feu vert donnait un premier signe positif.

Pendant le Festival du Film, j’ai passé environ une vingtaine de maïl, répondant à chaque question du management anglais, argumentant sur chaque détail, expliquant et commentant tous les éléments, mettant en copie l’ensemble des décideurs et des partenaires. La Spédidam, une caisse typiquement française faillit faire capoter le projet, mais l’assurance que j’apportais que cela ne pénaliserait pas le producteur anglais permis de contourner l’obstacle. Les musiciens interprètes toucheraient une somme de cette caisse sans qu’elle soit répercutée sur la production anglaise.

Les dates de l’enregistrement se rapprochaient dangereusement. Les 5 et 6 juin se pointaient à l’horizon quand ce que je craignais depuis le début explosa avec fracas : le syndicat s’opposait à l’enregistrement. Le 6 juin au soir, l’Orchestre devait jouer à la fondation Maeght et le règlement interne imposait de ne pas avoir plus d’un service en sus d’un concert !

Discussion orageuse avec les responsables. Devant l’impossibilité de trouver un accord, je téléphone à Michel Sajn pour l’informer de la situation. Dans la foulée, je rédige un maïl à Becks l’informant de notre renoncement. Je l’ai encore en mémoire… honte d’être un fonctionnaire de la culture, de ne pouvoir conjuguer la créativité et les règles absurdes de bureaucrates qui assassinent l’Art. Au moment de l’envoyer, ce 19 mai à 16h50, un coup de fil de l’administratrice vint me confirmer que les miracles existent : une solution avait été trouvée  in extremis, le classement du concert en « exceptionnel » permettait aux musiciens de donner le feu vert à l’enregistrement. Cette magie fut possible grâce aux efforts de l’administratrice et du régisseur de l’Orchestre et surtout, il faut le dire, aux désirs des musiciens qui avaient dans leur grande majorité, adhéré à l’expérience de septembre et se souvenaient encore de l’ovation qu’ils avaient reçue ce soir-là !

Le contrat d’Archive refusé car écrit en Anglais, l’administratrice de l’Orchestre leur envoya une version rédigée en Français, qu’ils refusèrent. Une traduction leur fut  alors transmise et après une rafale de derniers messages « in the bottle », l’accord de toutes les parties obtenu, la confirmation tomba le 29 mai, il y aurait bien un enregistrement à Nice avec l’Orchestre…exit Bratislava !

 

Restait donc à vivre l’événement ! Comment raconter l’indicible ? En vacances sur les côtes normandes, rentré spécialement par Easyjet, je débarque au studio le 5 juin à 13h et file les retrouver à la cafétéria où ils se restaurent. Les leaders du groupe, Darius Keeler, Dany Griffiths et Pollard Berrier sont présents et mangent une entrecôte, Graham Preskett le chef d’orchestre s’active sur les partitions, Becks m’accueille avec un grand sourire. Ils m’embrassent tous et me remercient chaleureusement, sincèrement. C’est une première, tout le monde est tendu, le studio n’a pu être libéré que le matin même. Retard, sempiternels problèmes de câbles et de connexions, de cuisine informatique. L’orchestre doit arriver d’ici quelques minutes… Michel Sajn et Evelyne Pampini me rejoignent, trio reformé. Magie du spectacles, à 14H30 précise, les premières notes de violon viennent se greffer aux colonnes sonores que le groupe a enregistrées à Londres et viennent se fondre dans la table de mixage.

Nous avons le privilège d’une avant-première. C’est majestueux, impressionnant. Les reprises s’enchaînent et les morceaux défilent, tous plus beaux et somptueux les uns que les autres. L’ambiance est excellente, le chef manie l’humour, les musiciens jouent le jeu et l’archet. Archive est en train d’écrire sous nos yeux une nouvelle page de leur œuvre, la plus belle, la plus fascinante.

La rapidité d’exécution des musiciens de l’Orchestre qui découvrent les partitions en même temps qu’ils les exécutent, est étonnante et justifie l’attachement d’Archive de renouer avec eux. Il y a une vraie complicité, un échange permanent. Les deux sessions de 3 heures s’enchaînent jusqu’à l’épuisement. A 21 heures, 7 morceaux sur les 12 prévus sont en boîte. La partie est d’ores et déjà gagnée. Il reste 2 sessions de 3 heures pour les derniers morceaux, les cuivres et les percussions.

Nous partons donc avec le groupe qui nous invite pour le Safari, un restaurant typique de Nice  dont je vous conseille les calamars aux artichauts. L’ambiance est détendue, gaie, le chef d’orchestre lance des plaisanteries, les anglais racontent des histoires… il y a du rêve pour des années dans cette soirée surréaliste. Directeur et groupie, fan et organisateur, je bade heureux comme un enfant. Les projets se déclinent. Je conclus un accord. En septembre 2009, ils viendront rejouer au Palais avec l’Orchestre, ce disque que nous voyons s’ébaucher. Michel Sajn, éternel agitateur d’idées, lance l’hypothèse d’une série de concerts pour l’Europe dans les grandes capitales. Ils s’enflamment et nous terminons à 2 heures du matin, ivres de bonheur et de passion.

Le lendemain, les cordes sont terminées avant même la fin de la session du matin. Les cuivres ne sont qu’une formalité. Pendant ce temps, ils se prêtent avec gentillesse au jeu des journalistes, des photographes, signent des dédicaces.

Les percussions seront plus difficiles à enregistrer. Subtiles, complexes, elles s’inscrivent dans un schéma qui implique beaucoup de précision et de reprises. Le temps s’étire, ce sont les derniers réglages et à 18H30 le clap de fin retentit dans l’euphorie générale.

Un gâteau d’anniversaire pour les 38 ans de Danny Griffiths, une coupe de champagne et à 20 heures, nous déposons le groupe à l’aéroport de Nice, destination Londres avant d’entamer un mois de mixage à Paris

 

Alors que dire de plus ! Que ce disque sera un chef d’œuvre, j’en suis persuadé, un évènement pour sa sortie en février 2009, que nous avons passé un moment d’exception, de magie pure, que mon métier m’offre encore le privilège d’une telle expérience, que rien ne peut effacer les émotions ressenties en ces deux jours de passion… bien sûr et beaucoup plus encore !

J’ai rencontré d’innombrables artistes dans ma carrière, j’en ai vécu des rencontres impérissables, côtoyé des grands qui font rêver et des petits qui mériteraient de le faire… Mais en ces 5 et 6 juin 2008, j’ai été au cœur de la musique, un acteur de la création et j’en suis fier. Je sais que ce disque à venir contiendra éternellement une parcelle de ce que je suis et cela me remplit d’un vrai bonheur. Je ne me trompe pas, les créateurs sont autour de moi, mais en ce mois de juin 2008, j’ai réussi à conjuguer, par la force de mon inconscience, les impératifs de la production anglaise avec les contraintes d’un orchestre Français pour accoucher d’une œuvre maîtresse. La puissance des désirs conjugués reste incommensurable, l’histoire nous le prouve une nouvelle fois !

Vive Archive !

   

 

Voir les commentaires

Festival du Film (suite et fin)

Publié le par Bernard Oheix

Voilà donc la fin de mes aventures en terre cinéphilique. 35 films en 12 jours, une colonie d'Allemands, de Burgiens et de Corses investissant ma maison, quelques parties de cartes entre pellicules, beaucoup de parlottes et boustifailles, un temps entre parenthèses pour parcourir le monde des écrans avec des yeux d'enfants. Je n'ai pas désiré écrire sur tous les films visionnés, un zest de commisération pour m'empêcher d'exercer mes talents de polémiste sur les reliefs du grand banquet cannois du 7ème Art. Conservons intact le mythe d'une fête cinématographique permanente !
Bon, quelques jours de vacances bien mérités m'attendent... avant de vous retrouver pour de nouvelles aventures littéraires !


Delta
du Hongrois Kornél Mundruczo me posait à priori un problème complexe. Hongrois mutiques, dialogues au lance-pierre, mauvais bouche à oreille, critique réservée… J’ai décidé de tenter malgré tout l’immersion dans les flots du delta du Danube, avec, derrière moi, l’idée de retrouver les miens pour des spaghettis aux épinards succulents offerts par la Pasta... après une demi-heure de film ! Objectif largement tenu puisque je ne suis pas sorti de la salle avant le mot "fin". J’ai même pris un certain plaisir à ce film esthétisant, histoire glauque d’hommes frustres, mise à mort de l’innocence. C’est une belle fresque aux accents symboliques qui fonctionne parfaitement, n’en déplaise à tous les critiques chagrins qui l’ont descendue en flammes, ce qui pour une œuvre qui se passe à 80% dans l’eau, n’est pas vraiment mérité !

 

Choc. Johnny Mad Dog de Jean-Stephane Sauvaire aurait eu toute sa place dans la compétition officielle et offert un focus sur un drame actuel. Une bande d’enfants soldats manipulés par quelques adultes qui organisent un coup d’état dans un pays d’Afrique, le Libéria. Enrôlés de force à 10 ans, bourrés de drogue, maraboutés jusqu’à se croire invincibles, ils tuent comme ils respirent et sèment la mort tout au long de leur passage. Jeunes, vieux, femmes… personne n’est épargné dans cette foudre hallucinante qui s’abat sur les habitants, ces sourires d’enfants transformés en rictus de haine. Tout est violence absolue et prétexte à laisser la fureur se déchaîner. Le savoir, la religion, l’amour sont des obstacles qu’il faut balayer par les balles et le sang. C’est insoutenable et jamais voyeur, juste un constat mis en scène afin de déclencher une prise de conscience.

Une séquence pourrait rester en mémoire de notre lâcheté et de notre obstination à fermer les yeux devant les monstruosités engendrées. Le convoi de l’ONU quittant l’hôpital devant les enfants soldats qui vont pouvoir pénétrer dans ce mouroir pour achever les blessés, femmes et enfants. Dans ce convoi d’hommes puissamment armés qui s’effacent devant des enfants soldats, il y a toute l’ignominie des nations civilisées qui ne veulent pas ouvrir les yeux et acceptent la part inhumaine du mal. Le diable est dans le cœur de notre apathie et dans notre volonté de détourner le regard.

Notons que c’est Mathieu Kassowitz qui est coproducteur du film, il sauve un peu le cinéma français à la dérive en cette année 2008 à marquer d’une pierre noire !

 

Il divo de Paolo Sorrentino est un film sur les affres de la politique italienne des années 70/80, quand les gouvernements de Giulio Andreotti valsaient aux sons d’étranges compromissions avec la Maffia, que le pouvoir devenait le siège d’un théâtre où tous les coups étaient permis, et que la démocratie était la seule victime d’une mise sous tutelle de l’Etat au service d’intérêts privés. Dans une forme très moderne, le montage alterne un rythme fractionné, clip kaléidoscopique d’images chocs et de séances de violence, avec des séquences introspectives au déroulement plus lent. Le regard d’Andreotti tente l’autojustification, celui du réalisateur prend en charge les innombrables traces de sa collusion avec l’industrie du crime. Des images somptueuses, modernes, effets spéciaux, couleurs, musique agressive ou contemplative collent au déroulement et à la tension de la mise en accusation de l’homme politique le plus important de l’après-guerre.

Au final, il sera gracié, lavé, exonéré de toutes ces charges. La politique devra en payer le prix !

 

Tulpan réalisé par Sergeï Dvortsevoy, est le nom d’une jeune fille que l’on ne verra jamais, espoir de fonder un couple pour un jeune berger Kazakh qui la courtise en faisant son apprentissage de la vie sur ses terres plates et désolées où paissent les troupeaux de son clan. Il refuse l’idée de s’expatrier à la ville et de quitter cette terre qu’il aime. Il va sauver un agneau en train de naître et symboliquement décider de rester et d’affronter sa vie. Le désert est le personnage principal du film, un horizon plat qui laisse les sentiments s’emballer. Film expressionniste sur la nature, il y a du cinéma de cette période révolue du réalisme onirique des Dojvenko et Préobrajanskaïa dans cette peinture attachante d’un monde rural et pastoral refusant de disparaître. C’est une page sépia de l’histoire du cinéma qui s’entrouvre pour nous permettre de retrouver les émotions de notre passé. Film émouvant et attachant sur l’éternelle histoire du combat de l’homme pour son bonheur et sa survie.

 

My Magic du singapourien Eric Khoo est un film bizarre. Alcoolique, un ancien magicien tente de retrouver l’amour de son fils en s’engageant dans un cycle de spectacles et d’automutilations débouchant sur la mort. Une vie pour un rachat, pour sauver son enfant de la déchéance, pour retrouver celle qui est morte et qu’il aima à la déraison. Bricolé, de guingois, un grain sale comme la moiteur qui étouffe l’atmosphère, le film vaut surtout par cette problématique du corps comme objet que l’on maltraite, comme arène où les voyeurs viennent satisfaire leur goût morbide pour le sang et la violence. C’est un film dérangeant.

 


Dans ce supermarché incroyable de la pellicule foisonnant de lucarnes ouvertes sur la planète, l’objectif du cinéma national restera en berne ! Moi qui suis un fervent adepte du cinéma français et qui pense que notre 7ème Art vaut bien n’importe quel film américain de l’année, force m’est de constater la déroute du cinéma hexagonal. La french touch était fatiguée en cette édition 2008, les sophistications de ce nouveau cinéma se transforment en tics, les manières élégantes en maniérisme, les réparties tombe à plat, les scénarii convenus… comme si tout était déjà écrit, filmé, en boîte !  Un ton faussement ironique révèle le vulgaire, une barrière érigée de technique empêche toute expression et ressenti charnel, il n’y a qu’un jeu vide de sens qui tourne en rond à force de ne rien dire, rien filmer de la réalité. (passage écrit juste avant le dernier week-end !)

 

Et le sauveur tricolore fut… le dernier film de la sélection, le samedi 24 mai, veille du palmarès, dernier film programmé à la Licorne. Laurent Cantet dans un formidable Entre les murs, tiré du livre d’un enseignant François Begaudeau interprétant son rôle avec puissance et délicatesse au milieu d’un casting d’adolescents plus authentiques que nature. Film de la dernière heure du Festival, cette fiction investit la réalité en structurant l’image et le son comme pour un documentaire. C’est surprenant, plein d’humour, généreux, tendre, désespérant… c’est avant tout un vrai film de cinéma qui donne de l’espoir, qui offre une bouffée d’oxygène à ceux nombreux qui souffrent de voir le cinéma écartelé entre deux tendances : la fuite de la réalité ou son corollaire, le poids du sociétal comme horizon limite de la créativité.

Palme d’Or donc pour un film français après 21 années de disette. Palme d’Or surprise qui fera polémique…il fait nul doute mais attribuée à un vrai film de cinéma qui parle de la vraie vie pour des vrais spectateurs !

 

En forme de bilan de 12 jours de cinéma.

35 films pour se convaincre que le cinéma existe, une dizaine à éviter, une dizaine sur des problèmes de société par forcément très excitants, une dizaine de bons films qui font honneur au cinéma et au milieu, coulant telle une rivière de diamants, quelques bijoux à sertir d’avenir. Si je devais extraire les films qui me parlent le plus et qui rejoindront les pages glorieuses de mon 7ème Art, je citerais :

Walz with Bashir, le grand oublié du Palmarès à mes yeux.

L’Echange de Clint Eastwood.

Johnny Mad Dog de Jean-Stephane Sauvaire

Gomorra de Matteo Garrone

Le silence de Lorna des frères Dardenne.

Et bien sûr, la Palme d’Or Française Entre les murs de Laurent Cantet.

 

A cette liste, l’on pourrait ajouter tous les films dont je n’ai pas parlé, soldats inconnus à la flamme vacillante d’un art d’ombres et de lumières, projets s’échouant sur les rives de l’innocence, visions désordonnées de créateurs impuissants, manque d’idées comme manque de moyens, à-peu-près et facilité, laisser-aller et incapacité de contrôle… C’est la grandeur du cinéma de ne point être joué d’avance et de semer derrière chaque espérance, la grande incertitude du mystère de l’art. A la différence du sport, l’histoire ne retient pas seulement le vainqueur, elle conserve les traces de ceux qui échappent aux lois de la pesanteur pour rejoindre un paradis où les films s’épanouissent comme des fleurs d’enchantement.

 

Vive le cinéma donc, vive Manuel de Oliveira, son siècle et sa verdeur, le regard malicieux qu’il m’adressa au moment de signer la plaque d’argile où son empreinte s’était gravée. 1908/2008 inscrivit-il avec application en souriant du bon coup qu’il faisait au monde du cinéma. La jeunesse est éternelle pour ceux qui défient le temps avec l’arme de la création. Il restera sa mémoire comme pour nous rappeler que le temps est relatif et l’œuvre plus importante que son auteur. Elle échappe à tous les destins !

Et puis de ces nuits de partage, de ces heures blêmes, de ces paupières lourdes, de ces corps cassés, il restera comme un rappel à toutes les souffrances du monde, la magnificence des images volées à la monotonie et à l’ennui !

Vive le Festival 2009 !

Voir les commentaires

Mon Festival 2008 (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Des beaux moments de cinéma, il y en eut pendant ces 12 jours de Festival, beaucoup bien sûr et heureusement, suffisamment pour remplir la tête de panoramiques cernant les personnages, d’éclairs de violence, de plongée dans la réalité, de notes en contrepoint, de couleurs délavées et autres procédés techniques chargés de coller en symbiose une forme sur un fond.

Le cinéma a cela d’incroyable qu’il autorise toutes les audaces, permet toutes les ellipses, entraîne vers des mondes imaginaires en parlant de notre réalité. Il parle à la tête en passant par les sens, commotionne le cœur en court-circuitant le filtre du cerveau, vous fait pleurer et rire, vous donne la certitude de ne plus être dans le monde présent et vous offre un avenir éternel.

C’est cela mon Festival, c’est lui qui me pousse à voir 3 a 4 films par jour en moyenne, à enchaîner des histoires de continents opposés, à voir se tisser des liens improbables dans des hémisphères qui s’ignorent, comme si le monde des idées était plus fort que les camisoles qui nous isolent dans nos solitudes.

Vive le cinéma des rencontres.

 

Dans la série surprenons-nous, deux petits évènements avec deux bijoux de films d’animation. Kung-Fu Panda de Mark Osborne et John Stevenson et Waltz with Bashir de Ari Folman. Le premier est un conte délicieux avec un bon gros Casimir adepte de Kung-Fu qui va devenir un guerrier de légende et sauver le monde du mal. C’est gai, frais et amusant, un film que l’on rêverait de voir avec ses enfants. Le deuxième est dramatique, il parle de la guerre du Liban et de l’occultation dans la mémoire du narrateur, du drame de Sabra et Chatila, un massacre perpétré par les phalangistes contre les populations palestiniennes sous les yeux des militaires de Tsahal. Le graphisme est étonnant, on en oublierait que c’est un dessin animé. C’est superbe, émouvant, déchirant et cela parle du rôle de la guerre dans la destruction de cette part d’humanité qui réside au fond de chacun d’entre nous.

A l’évidence, les progrès techniques de l’animation permettent désormais de coller à un projet artistique en inventant un langage approprié. Avec le Marjane Satrapi primé l’an dernier, il y a éclosion d’un nouveau genre totalement adulte et cohérent. Vive le dessin animé et parions que le Waltz with Bashir aura un prix, il le mérite.

 

Moscow, Belgium du Flamand Christophe Van Rompaey est un premier film totalement réussi qui inverse avec jubilation les codes traditionnels. Il s’agit du drame familial de la femme de 40 ans délaissée par un mari artiste lui préférant une jeune élève. La rencontre musclée avec le camion d’un camionneur va lui permettre de briser les tabous, d’inverser les rôles et de plonger dans les délices d’une nouvelle aventure amoureuse avec son « Gigi l’amoroso ». C’est émouvant, drôle et terriblement amoral !

Dans le registre des comédies sympas, on trouve certains films du cinéma australien, très présent à Cannes comme Footy Legends de Khoa Do, délicieux conte sur fond de chômage d’un groupe de loosers qui se transforment en winners par la grâce d’un rugby à 7 et d’une énergie puisée dans le dérisoire. C’est plein de tendresse et d’espoir et l’on applaudit des deux mains au dernier essai qui consacrera la victoire du faible sur le fort. Le sport dans ce cas précis est le moyen de se libérer et non d’aliéner un peuple comme dans le film de Salles (Linha de Passe).

Autre bijou avec O’Horten de Bent Hamer qui doit solder ses comptes avec sa vie au soir de son dernier voyage comme conducteur de train. Pour gagner cette liberté et accepter son statut de retraité, il va falloir que le héros (Odd) au temps retrouvé passe par quelques épreuves initiatiques. Après une entame très classique, le film s’autorise quelques incursions dans le monde de l’absurde, décalage réel entre le sérieux du protagoniste et les situations complètement loufoques qu’il vit. C’est frais et revigorant comme un pays nordique sous la neige.

Petite comédie française avec en vedette un Darroussin enfin échappé des Pyrénées, Les Grandes Personnes de Anna Novion est un conte loufoque qui brode autour des émois d’une adolescente et du rapport qu’elle entretient avec un père possessif et fantasque à la recherche d’un trésor. Les adultes ne seront pas épargnés dans cette rencontre fortuite entre deux familles pour cause d’erreur de location d’une maison en Suède. C’est gentillet comme une glace à la vanille en temps de vacances.

 

Linha de Passe de Walter Salles et Daniela Thomas (après le film Carnet de voyages sur le Che) montre la vie d’une famille dans les quartiers pauvres de Sao Paulo où tous les chemins qui mènent vers la réussite semblent condamnés. C’est un film noir sur l’enfance dérobée et sur la pauvreté où le football devient le nouvel opium du peuple et sert d’exutoire à toutes les misères, où la ligne qui sépare l’honnêteté de la malhonnêteté est si ténue, que l’on peut la franchir à tout moment. Il en va de même avec Le sel de la terre de Annemarie Jacir, un film sur le retour en Palestine d’une fille de réfugiés, née aux Etats-Unis. Elle cherche à récupérer un maigre pécule laissé par son grand-père dans une banque palestinienne et tente de retrouver les traces de sa famille. Si Kafka devait renaître, il fait nul doute qu’il élirait domicile en territoires occupés ! Son combat pour rester sur la terre de ses ancêtres croisera le chemin d’un jeune Palestinien qui désire s’évader de cet enfer. C’est un film très sensible et émouvant même si quelques naïvetés parsèment son parcours.

 

Blindness de Fernando Meirelles faisait l’ouverture du Festival. L’occasion était trop belle d’entamer cette semaine dédiée aux dieux de la pellicule par un film dont le sujet est une pandémie de cécité dans un monde qui a perdu son âme. Les aveugles parqués dans des prisons vont reproduire les tares de la société, les plus forts dominant les faibles, la violence prévalant sur la raison, et les femmes devenant une marchandise dans un troc pour la survie. C’est une parabole entre la nuit des morts-vivants et un conte philosophique pervers. Dommage qu’une fin poussive aux relents de happy end vienne entraver cette glissade dans les abysses de la noirceur des hommes.

 

Gomorra de Matteo Garrone est une peinture des luttes fratricides entre clans de la Camorra. Sur fond de drogues, extorsions, d’escroqueries à l’Europe sur le traitement des déchets, de meurtres et d’armes, plusieurs histoires s’entremêlent pour peindre un tableau d’apocalypse d’une société au bord du gouffre. Il n’y a plus de lois, plus de règles, les amis d’enfance se tuent, les mères se font assassiner par des hommes de mains, les jeunes n’ont comme objectif ultime que d’intégrer une bande et pour ce faire, passent des épreuves initiatiques en se faisant tirer dessus, la population devient une masse asservie sans possibilité de réaction et l’humanité se dilue dans une sauvagerie sans limite.

C’est magnifiquement filmé comme un reportage flamboyant qui oscille entre le réalisme et la fiction, la fin létale d’un monde chancelant. On devrait retrouver ce film dans le palmarès, (commentaire écrit avant la cérémonie de clôture !), il est de salut public avec cette maigre lueur d’un homme qui va refuser de voir sa terre mourir et décider de couper tout lien avec la pègre. Puisse-t-il avoir un peu raison dans ce troupeau qui se laisse conduire vers une mort au travail sans réaction dans une ville de Naples gangrenée par un amoncellement d’ordures qui la paralyse !

 

Le silence de Lorna des frères Dardenne est un film émouvant traitant de la place des émigrés dans les marges de notre société européenne. A la recherche d’un sésame absolu : la carte d’identité communautaire qui permet de s’affranchir des frontières. Un mariage blanc avec un « camé » a permis à Lorna, jeune et belle réfugiée, d’obtenir ce passeport pour le paradis terrestre de la consommation. Las ! Lorna va s’attacher à ce junkie qui tente de se sevrer. Il va réussir grâce à son aide à s’émanciper de la dope et en cela, déjouer les plans de l’organisation maffieuse qui avait déjà prévu un remariage de Lorna avec un truand Russe en mal de nationalité belge. Il sera donc « overdosé » afin de libérer une place au banquet de la consommation ! Chronique douce-amère d’une tragédie au quotidien, le film montre que derrière l’instinct de survie de ceux qui ne possèdent rien, un reste d’humanité stagne, petit sable dans les rouages d’une mécanique froide de l’horreur. La mort va déclencher une prise de conscience qui mènera Lorna vers la fuite de tous ses espoirs. La folie est parfois le prix à payer des réveils d’une conscience assoupie !

 

Film parmi les films, réalisateur parmi les grands, L’échange de Clint Eastwood était attendu sur la Croisette par son copain Sean Penn, président du jury. N’en déplaise aux « pisses copies », le rendez-vous fut à la hauteur de l’attente. Angélina pas seulement jolie, une histoire qui mêle tueur en série, force de police gangrenée, psychiatrie et folie, religion et féminisme ne pouvait que nous enflammer. C’est filmé avec la sobriété de ceux qui n’ont plus peur du vide, l’histoire est légèrement distante, la reconstitution soignée, le jeu des acteurs impeccable, tout est quasiment parfait et s’installe à mon goût dans le palmarès au sommet de l’or, vers une palme promise et méritée, (Bon, je crois que j’avais un peu exagéré !). Un conseil, allez voir ce film au plus vite. Clint, on t’aime ! (Et là, je maintiens !)

Bon, vendredi prochain, vous aurez droit à la 2ème tranche de mon parcours dans ce 61ème Festival du Film ! Souvenez-vous, ces commentaires ont été écrits à chaud, d'où parfois ce décalage avec la réalité ! Mais c'était le but du jeu, donner mon impression dans l'ambiance de cette consommation forcenée... alors, on ne change pas la règle ! Rendez-vous vendredi, il y aura encore quelques surprises !

Voir les commentaires

Les Palmes non académiques de Mister Bernie.

Publié le par Bernard Oheix

Quelques variations pendant le Festival... Cela m'évitera de revenir sur un certain nombre de films dans les articles qui suivront. C'est vrai que sur les 25 longs métrages (série en cours), en attendant le dernier sprint du week-end, il y a forcément quelques scories qui donnent envie de se défouler.
Et puis, le Festival de Cannes est un révélateur, il oblige à grossir le trait et à forcer la dose. A chaud, je vous livre donc un peu de cet exercice de style d'une critique acide au ferment de la dérision !
 

La palme en plaqué or du film le plus ridicule !
Sans conteste au monument des frères Larrieu érigé au sommet des Pyrénées. Pour un voyage au fin fond d'un scénario débile qui voit une Sabine Azéma vieillissante atteinte de nymphomanie en train de baiser avec un ours bulgare des Pyrénées pendant qu'un Chaman tibétain console Darroussin qui se fait appeler Dussolier (sic). Il faut voir Azéma nue en train de courir dans les montagnes avec une horde de pandores aux fesses et finissant en robe de bure, louée au Seigneur par des moines chantants dirigés par Philippe Katerine (resic)...Grâce à la foudre divine, Azéma et Darroussin vont échanger leurs corps et leurs voix en une inversion super-bandante !
Ô punaise, en me relisant, je me dis que je n'aurais pas aimé avoir l'intelligence et la finesse d'imaginer un scénario aussi délirant ! Mais comment donc les frères Larrieu de « Peindre ou faire l'amour » ont-ils pu composer une ode aussi débile à l'absurdité et au vide sidéral ? Encore un film qui va faire aimer la « french touch » à ceux qui pensent que le cinéma est né avec La guerre des étoiles ou avec L'arche perdu !

La palme en plaqué or au film ou il y a le plus de seringues et le moins de dialogues !
Better Things est un premier film de Duane Hopkins. Le premier plan est égal au dernier et à tous les plans qui s'intercaleront entre... ce qui nous fait penser que cela aurait pu être un court-métrage, voire une photo ! Il s'agit de visages boutonnants d'adolescents mutiques qui arrivent à prononcer trois mots à l'heure (quand ils sont en pleine forme) et qui n'ont d'autres occupations que de se planter une seringue dans les veines, ou de respirer un truc très violent qui leur fait chavirer des pupilles bovines en train de contempler les paysages... tout cela baigné dans le vert d'une campagne anglaise glauque et brumeuse comme leur dynamisme. C'est grand un enfant qui souffre !

La palme en plaqué or au scénariste le plus défoncé !
Tokyo Sonata de Kurosawa Kiyoshi commence comme une œuvre douce amère sur la cruauté du monde de l'entreprise. Des Chinois, payés 3 fois moins cher que les Japonais, prennent la place d'un directeur de 46 ans (Ah ! Le drame des délocalisations !). Il ne va pas oser le dire à sa famille par peur de perdre son statut de père tout-puissant et se retrouve dans la journée à la soupe populaire. Bon jusque-là, on suit un peu lentement mais plutôt avec attention... quand soudain ! Le scénariste ayant ingéré un produit illicite alors qu'il ne le supporte pas fait partir l'histoire dans une impasse dont il sortira à chaque fois dans la surenchère la plus absurde. Je vous passe les détails d'un vol avec effraction et prise d'otage de sa femme, qui va coucher avec le voleur qui se suicidera (très esthétique son suicide) pendant que le papa qui nettoie les « chiottes » trouve une enveloppe bourrée de fric entre deux cacas, et que le dernier fils devient en trois mois un génie du piano pendant que l'aîné s'engage dans l'armée des Etats-Unis pour défendre ce peuple qui lutte pour la liberté du monde et des autres peuples... Vous suivez ? Moi, y a longtemps que j'ai sombré dans la schizophrénie et que j'ai décidé d'arrêter de boire ! Vive les nippons déchaînés !

La palme en plaqué or du film le plus «nouveau cinéma français » !
S'il existait un label « France », Arnaud Desplechin serait décoré de l'ordre du mérite agricole national. Quand Matthieu Amalric tombe dans la rue, cela ne peut être que d'une façon très théâtrale quand bien même il a même pas mal ! Quand les protagonistes parlent, ils cisèlent des dialogues où chaque mot vaut son pesant de platine de sous-entendus et de silences qui en disent si long... Il y a les bancs publics filmés comme des tombeaux égyptiens et les sentiments humains qui sont des légendes dorées, des saynètes en dessins animés qui raccourcissent l'histoire et des séquences interminables où rien ne se passe qui l'allongent. C'est du nouveau cinéma, profond psychologiquement, avec une distribution qui réunit le gotha des acteurs branchés où le moindre balayeur s'exprime comme Shakespeare, où chaque plan est une aventure qui ouvre les portes de la perception, où l'ennui est tellement beau qu'il devient source de profondeur insondable.
Voilà donc une palme méritée pour tout l'effort de notre réalisateur à rendre compliqué ce qui est très simple : on s'en fout de ces états d'âme d'une bande de Bobos sortis de la naphtaline !

La palme en plaqué or du film le plus incompréhensible.
L'Argentine Lucrecia Martel réussit l'exploit de raconter une histoire à laquelle on ne comprend strictement rien. L'heure trente de La femme sans tête pourrait s'apparenter à un puzzle sans logique ni structure. C'est amusant 5 mn, puis on se lasse rapidement. Le spectateur est décervelé méthodiquement, on le mène sur des fausses pistes par le bout du nez. Entre une histoire labyrinthique et le faux qui se mélange au vrai, des ellipses pleines de sous-entendues et les manipulations du montage, cette plongée dans la maladie de l'absence devient rapidement une énigme insoluble et absurde. Le seul intérêt de ce film est de faire parler autour d'un bon verre de vin, dans mon jardin, entre deux projections et d'éclater de rire quand Le monde le lendemain introduit le paramètre que la réalisatrice refoule les années de la dictature en Argentine à travers ce scénario. Vive l'abscons !

Il existe aussi des petites palmes en plaqué or de poche pour des séquences de films.
L'idée tordue de faire un hold-up à Ramallah par une Américano-Palestinienne en est un exemple. Dans ce film « le sel de la mer » plutôt réussi, bien joué et sur un thème fort (le retour d'une réfugiée sur sa terre), une séquence absurde nous oblige à donner un avertissement solennel à la jeune réalisatrice Annemarie Jacir : quand l'idée est stupide, il faut la rejeter, pas de complaisance pour les effets scénaristiques faciles !
Une petite broche pour le réalisateur d'un bon film incapable d'en parler et de le défendre. C'est le cas de Radu Muntean dans Boogie. Film roumain intéressant, un peu longuet mais que l'on a envie de supporter. Las ! Le débat qui s'ensuivra avec le réalisateur ne sera pas à la hauteur. Son flot de banalités et son manque de recul prouvent à l'évidence que l'on peut savoir filmer sans pour cela maîtriser le discours. Dommage ! Il méritait mieux notre Roumain de service. Que l'après réalisme-socialiste est difficile à gérer... même le mot « politique » fait peur aux enfants de Ceausescu !

Enfin, je ne peux passer sous silence la flopée de petites breloques en plaqué or que j'adresse à l'ensemble des scénaristes, réalisateurs, dialoguistes, caméramans qui imaginent qu'il suffit de :
A) faire pleuvoir (beaucoup !) pour signaler que l'heure est grave !
B) qu'il est impossible de terminer un film sans avoir montré une femme nue dans une baignoire pleine de savon... en général, la scène suivante voit sa tête s'enfoncer sous l'eau pendant que l'on discerne la pointe des seins émerger !
C) d'écrire un dialogue où il y plus de silences que de mots et où, quand ils se décident à parler, les acteurs regardent dans le vide sentencieusement avec une constance qui démontre la qualité de leur non interprétation !
D) de filmer un plan de nuages qui roulent dans le ciel pour indiquer que l'univers est vaste et le cadre de l'écran trop étroit en regard de l'intensité des sentiments des protagonistes de l'histoire !
E) d'inclure toutes formes de tramways, bus, wagons, taxis, comme lieux décisifs de basculement de l'action dans les moments charnières de l'histoire !

Bon, c'est ma première livraison. Je vous parlerai dans la prochaine session des bons films, (il y en a quelques-uns !), de l'ambiance du Festival et de ma rencontre avec un centenaire du cinéma (presque l'âge de cet art !) qui a pour nom Manuel de Oliveira et dont le regard malicieux reste un espoir pour tous ceux qui pensent que vieillir, c'est mourir beaucoup !
A bientôt.

Voir les commentaires

Pégase, le messager des Dieux

Publié le par Bernard Oheix

On connaît la qualité de l’accueil de nos amis Corses, on ne va pas épiloguer sur cet aspect de mon séjour ! Je vous avais déclaré ma flamme l’an dernier devant la richesse et l’originalité de la création théâtrale. « E Teatrale de Bastia » se veut un rassemblement, une vitrine, un marché potentiel, une réunion de famille, un thermomètre de l’activité artistique de l’île de Beauté. Tout ne fut pas parfait dans cette édition, mais c’est le propre de l’art vivant d’être sur le fil du rasoir, sans aucune certitude. Heureusement, il y eut de beaux moments de rencontres, des propositions pas toujours abouties mais porteuses d’espoir, une effervescence en dehors de la scène en gommant parfois ses faiblesses ! Il s’agit là de culture, pas de mathématiques. Il n’y a pas de martingale magique qui guiderait vers le succès, qui assurerait la perfection d’une œuvre et impliquerait la reconnaissance du public.

Pourtant, une pépite était dissimulée dans la veine bastiaise de 2008. Un vrai grand et beau texte, admirablement mis en scène, interprété à la perfection. Je vous livre un page sur cette aventure intellectuelle, moins une critique théâtrale qu’un écrit d’émotions. C’est ma façon à moi de rendre hommage à la perfection de ce travail.

 

51, Pégase ou La confession de la bête.

De Marc Biancarelli

Mise en scène Jean-Pierre Lanfranchi

Avec Christian Ruspini.

 

Un dispositif scénique qui ouvre sur le noir et des mouvements sombres, furtifs meublant le silence. Il y a de l’ordre du chaos dans l’air, à l’image des cubes qui jonchent l’aire de jeu qu’un comédien s’efforce de remettre en place. Mais de quel ordre s’agit-il ?

C’est bien cette question que nous pose l’auteur. C’est bien l’interrogation du metteur en scène. C’est ce que réussit à transmettre un acteur d’une qualité incroyable, Christian Ruspini seul en scène et pourtant habitant de multiples personnages qui vont illuminer le temps d’une réflexion, celle d’une terre et de ses éclairs de cruauté. Plongée dans un passé récent pour conjurer un avenir complexe, société qui se cherche une âme mais dont la barbarie qui a présidé sa naissance ne peut qu’entacher d’une tare irréversible.

Le texte est d’une richesse formelle sublime, avec des mots qui parlent des maux d’une histoire à construire. Il prouve que les Corses peuvent envahir l’espace d’une langue en cherchant un sens à leur réalité. Marc Biancarelli est un auteur corse qui revisite un passé de violence en dessinant un futur d’interrogations. Grâce à une machine qui permet de voyager dans le temps et l’espace, il va peindre le tableau composite d’une épopée à la fois sublime et sordide. D’Aléria aux cendres d’un terrorisme dévastateur et de luttes intestines, se tisse la « geste » d’une fiction dans le regard introspectif d’un homme qui a accouché de cette folie meurtrière. Le goût du sang comme matrice de toutes les volontés de puissance. Peut-on construire une société libre sur les ruines qui ont induit sa fondation ?

Une voix off introduit la problématique. Un écrivain s’est exilé, il revient dans une Corse libre pour régler ses comptes, ceux d’une utopie qui n’a engendré que des rêves brisés. Un de ses anciens élèves a créé une machine (Pégase 51) qui permet de s’évader dans un monde d’Héroïc Fantasy où la guerre est abstraite et le sang couleur de vie. Ces deux univers vont cohabiter. Celui des actes qu’il faut solder, comme celui des mythes que l’on a entretenus au mépris des hommes.

Certaines scènes font froid dans le dos. Celles du racket et de la coercition provoquant un plaisir malsain à son auteur qui s’interroge : comment a-t-il pu engendrer ce petit soldat de l’innommable ? Le rapport au sexe avec cette femme objet que des hommes utiliseront pour assouvir leurs instincts les plus vils dans une boîte où l’on parle de bâtir un monde nouveau dans les volutes d’alcool et les bassesses d’une misère sexuelle. La vaillance à l’aune de la violence la plus primitive.

Il y a des chants désespérés dans cette complainte, et l’on sait que ce sont les plus beaux, les plus déchirants. L’acteur au fil de ses pérégrinations recompose inlassablement son espace en utilisant ses cubes de formes diverses, jamais symétriques, noir d’une face, rouge de l’autre. Empilés, de guingois, se chevauchant où prenant la forme des dolmens de Filitosa, sur le fil d’un état d’âme où l’hystérie se conjugue à l’abattement.

Cette pièce est un chef-d’œuvre. Manifeste philosophique, acte politique, histoire sublime de la petite histoire, elle reste une pièce de théâtre qui fascine par la densité de son propos, la complexité des thèmes traités dans la simplicité d’une mise en forme limpide comme un discours qui toucherait à l’essentiel. Et si l’art au fond n’était que cet accouchement douloureux que nous partageons avec les auteurs de cette pièce ?

Une voix off finale va conclure la problématique. Il y a du renoncement dans ce constat que la machine à voyager dans le rêve est plus réelle que l’ensemble des actes qui nous ont amenés à transgresser notre humanité. L’homme est encore trop imparfait pour s’affranchir des pesanteurs de son étroitesse. Il reste le verbe alors pour espérer. C’est ce que Marc Biancarelli et Jean-pierre Lanfranchi ont réussi à nous faire croire, du côté de Bastia, dans une Corse bien vivante.

Les attentats continueront à égrainer leurs nuits bleues, la vie en rose prend sa source dans la sensibilité d’artistes qui redonnent au genre humain quelques lettres de noblesse. C’est toute la force et la magie des Théâtrales de Bastia de nous offrir cette vision d’une Corse capable de s’élever vers le monde des idées pour atteindre à l’universel d’un discours sur l’homme moderne.

 

PS : Une programmation à Cannes dans la saison 2008/2009 ? A étudier de toute urgence !

Voir les commentaires

Fin de partie...

Publié le par Bernard Oheix


Avec Abd Al Malik, une des personnalités attachantes que j'ai eu le plaisir de découvrir dans cette saison... En plus de sa gentillesse, un concert de magie !

J'ai envoyé ce texte à l'ensemble de l'équipe de l'Evènementiel au lendemain du dernier spectacle (Etienne Daho... magnifique show !) de la saison  "Sortir à Cannes 2007/2008". Une façon de communier brièvement autour du temps qui passe et des spectacles qui meublent notre quotidien pour s'évanouir dans les nuages. Une soirée chasse l'autre... reste des traces, des moments d'émotion, des bribes d'une histoire à écrire qui parlerait de ces visiteurs d'un soir ! 


Une saison vient de se terminer... Une de plus d'effectuée ! Une de moins à imaginer... pour vous, à réaliser !
Cette année 2007/2008 a été généreuse en belles images, en souvenirs, en événements majeurs.
Souvenons-nous... Les concerts de septembre avec Archive et l'orchestre de Bender (le plus beau et émouvant concert que j'aie jamais produit professionnellement), ces chanteurs que nous aimons, Mano Solo, Arno, Rachid Taha et surtout Stephan Eicher, Susheela Raman et Salif Keïta, Abd Al Malik, Gréco (un mythe qui nous a donné quelques émotions pures) et Daho pour clôturer en élégance... Une saison musique comme on en n'avait jamais réalisée par sa diversité et sa qualité !
Le Festival de Danse...de nouveau accessible où Sylvie Guillem et Russell Malliphant nous ont permis de rompre avec les lois de la pesanteur et qui nous a réconcilié avec Maguy Marin (sublime et tragique testament crépusculaire) et l'art du mouvement. Mayumana, le coup de cœur endiablé des fêtes de fin d'année en percussions, rythmes et humour. Marc Jolivet et les Chevaliers du rire avec fiel, l'humour de Boublil et de Benureau, les grands airs de La Traviata et de Nabucco, même les chœurs de l'Armée Rouge pour nous faire aimer les slaves...le théâtre en comédie (Toc-Toc, La valse des pingouins, Adultères...) !
Et le festival des jeux, avec ses 135 000 visiteurs/joueurs et sa belle soirée de remise des prix et ses nuits du OFF à étirer les heures jusqu'à l'aube.
Voilà donc une page de tournée, un livret à ranger dans l'armoire des souvenirs, au milieu des autres, dans le foutoir des images que nous conservons enfouies en nous et qui font que nous sommes différents. A force de tutoyer les muses, on récupère un peu de leurs rêves !
Je vous remercie du fond du cœur pour tous les efforts que vous avez consentis, pour la passion que vous démontrez au jour le jour au service de ceux qui créent l'émotion... C'est grâce à vous que le public peut communier, c'est par votre souci et votre précision que nous avons la fierté de réaliser des saisons pleines qui rencontrent le succès dans une période de crises et d'incertitudes.
J'associe à ces remerciements tous les stagiaires qui trouvent leur place dans notre petite entreprise et donnent leur soif d'apprendre en gage de leur investissement.
Il nous reste de beaux combats à mener, un été se profile, une nouvelle saison et toujours votre compétence et votre enthousiasme en fil conducteur de notre action au service du public et du Palais des Festivals de Cannes.
Merci à tous !

Voir les commentaires